Je vous assure qu'il devrait y avoir plus de gens à aimer la musique des Thugs. Come on people!!! C'est un des plus grands groupes de rock au monde! Mon partenaire Bruce Pavitt m'a dit un jour : simply put John, they're too smart to be famous - Jonathan Poneman
Petit ado campagnard qui découvre le monde dans les années 90, je me souviens buguer régulièrement devant la vitrine du Black et Noir (les samedis de sortie à la ville pour aller chopper du disque). Dans mes petits souliers... Intimidé c'est sûr, des questions plein la tête c'est certain! Ne sachant que faire... Entrer? Pas entrer? Nan parce que le Black et Noir n'était pas un disquaire comme les autres. Pour moi pousser la porte équivalait à entrer dans une dimension parallèle, avec tous les risques que ça faisait prendre pour ma propre vie... Si si, je t'assure... Le Black et Noir puait une approche de la musique à des années lumières de ce que je pouvais connaître. Puait le danger. Puait l'indépendance. La rébellion. Et pour un ado sorti du trou du cul du monde, et dont pour ainsi dire mettre un pied dehors équivalait d'abord à éviter de marcher dans la première bouse de vache venue, pas encore tout à fait formé mentalement à penser par lui même, qui plus est un ado qui commençait à prendre gout à toutes ces guitares saturées venue de la lointaine Seattle, et bé ça interrogeait grave...
Derrière cette vitrine il y avait un gars qui était la principale éminence grise du Sub(terranean) Pop punk rock angevin, une teigne pour ce qui concerne agir en toutes circonstances avec intégrité et conscience sociale, un chanteur guitariste d'un groupe à part dans le paysage rock hexagonal. Lequel groupe avait signé dès 1989 chez le label phare des années grunge, avant même l'explosion du même nom et dans les mêmes temps qu'un petit trio pouilleux d'Aberdeen WA. Tu entrais dans le Black et Noir et tu tombais sur Eric Sourice, anti rock star binoclard, et accessoirement fondateur des Thugs. La finalité de tout ça je l'ai pas appris tout de suite, c'est petit à petit que j'ai compris ce qu'était le Black et Noir, tout à la fois disquaire, label indé, et ce qu'il représentait en tant que pièce locale d'une révolution underground musicale globale, celle où on se contrefout de ce que les autres pensent de soi, où on fait les choses par soi même, où on se construit en même temps qu'on construit son groupe. Tout le contraire de ce que te proposait l'industrie du disque.
C'est à petit pas que je me suis rapproché de la musique des Thugs, et pour tout dire, je suis vraiment rentré dedans quand eux en sont sortis, au début des années 2000. Un temps de retard, mais rentré dedans comme on devient amoureux : avec fougue et toute la passion qui va avec. D'abord accessoirement les Thugs étaient le chainon manquant entre moi et Seattle. Comme si les savoir si proches géographiquement me donnait l'occasion de pouvoir toucher du doigt ma Mecque musicale à 8000km de là. Surtout les Thugs c'était cette agression sonique perpétuelle, ces guitares d'un rèche à te récurer les tympans dès la première note, ces putains de riffs tantôt à trancher à la tronçonneuse, tantôt robotatifs et qui par là même te faisaient partir en voyage loin, mais alors très très loin...
Et enfin les Thugs c'était un idéal : oser faire par soi même à partir de ce que tu es là maintenant, avoir confiance en ses capacités même si t'as pas tous les outils, faire les choses comme tu peux et garder en tête que rien qu'avec ça tu peux faire de grandes choses... Rentrer par la fenêtre si on t’empêche de rentrer par la porte... Et surtout, surtout, faire sans oublier d'avoir du respect pour tous, et avec une intégrité irréprochable, au dessus du lot. Petit à petit les Thugs sont devenus pour moi, au delà d'un putain de groupe, un modèle à suivre, des grands frères qui montrent la voie. En bientôt 30 ans de fanatisme rock, des groupes qui ont fait vibrer mes oreilles et mon cerveau j'en ai vu passer des centaines. Et j'ai adoré ça. Par contre, des groupes qui m'ont fait vibrer au plus profond de moi même, je peux les compter sur les doigts d'une main, voire sur les yeux d'une tête, et les Thugs sont de ceux là, et haut la main avec ça! Simplement parce qu'ils ont contribué à faire de moi ce que je suis, qu'ils m'ont poussé à réfléchir au monde dans lequel je vivais, qu'ils m'ont poussé à prendre confiance et à faire avec ce que j'avais et ce que j'étais, mais à le faire vraiment, du mieux que je peux... Voilà ce que sont les Thugs pour moi... Si je suis toujours amoureux après 20 ans de vie avec les Thugs? Plus que jamais!!!
Tout ça pour dire que putaing de marde, lire cette biographie était un plaisir. Non qu'elle soit construite mieux que les autres, non qu'on y trouve des détails inavouables (ces mecs là sont juste des gens aussi normaux que peut l'être ton voisin Robert), mais juste qu'elle nous donne un vrai cadre pour accompagner les Thugs vers la légende, celle d'un groupe qui a su tirer la substantifique moelle de ce que la vie lui proposait, qui a su sublimer le maximum des possibilités inhérentes de ses 4 membres, pour construire en 20 années une carrière irréprochable et saluée par tous. L'approche de l'auteur, Patrick Foulhoux, est toutefois à saluer car il a rapidement compris que les Thugs ne se limitaient pas aux frangins Sourice et à Thierry Méanard, mais à toute une équipe de potes tournant autour. Ce livre est aussi un petit hommage aux femmes et hommes de l'ombre qui ont fait les Thugs, et leur laisse amplement la parole, dans une construction qui s'y prète à merveille en reprenant à son compte le style des histoires orales qui a fait le sel de certains des meilleurs bouquins du genre de ces dernières années... Bonne lecture!!!