Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

28/01/2011

Seattle Grunge's Anecdotes : King Buzzo par Dale Crover

Dale Crover : Avant de vraiment connaître Buzz, je pensais qu'il était chinois - j'peux pas dire pourquoi. Y'avait pas beaucoup de chinois à Aberdeen, faut croire que c'était ma vision de ce à quoi devait ressembler un chinois. Ensuite j'ai pensé qu'il devait être gay - ils étaient toujours en train de se tripoter avec Krist Novoselic, de se bagarrer ensemble, et je trouvais ça vraiment bizarre. Puis j'ai réalisé que c'était sa façon de déconner. On se faisait des "batailles de van" - genre dans le van t'as une personne qui dort et à ce moment là tu lui balances un coup de poing dans les couilles. On le fait toujours d'ailleurs, crois le ou pas - on est définitivement coincé au CM2.

Jeff Gilbert (journaliste pour The Rocket et Guitar World, employé de Sub Pop) : Buzz a un petit air de Sideshow Bob (le psychopathe des Simpsons)

Allison Wolfe (chanteuse de Bratmobile et parmi les leaders du mouvement Riot Grrrl) : On a joué notre second show avec les Melvins. Calvin (Johnson) avait organisé ce concert et nous avait demandé d'ouvrir pour les Melvins. Je me rappelle le jour du concert - il y avait une excitation palpable parce les Melvins était des légendes à Olympia. Il y avait des metalheads partout - tellement de testostérone dans les rues. J'vous jure, ça faisait peur. Pendant notre show, le public nous gueulait des injures en permanence. Par chance, je suis dure de la feuille, ce qui fait que j'ai rien capté!!!

Un truc marrant, c'est qu'après qu'on ai joué, Buzz des Melvins est venu vers moi, avec sa petite voix douce, et il m'a sorti un truc du genre : "Vraiment merci d'avoir joué avec nous, c'était tellement formidable! J'ai vraiment aimé avoir un groupe comme le votre à ouvrir pour nous. A chaque fois qu'on joue, ils essaient toujours de nous mettre en première partie un groupe de metal macho ou de punk. Ils comprennent pas - on n'aime pas ce genre de musique. Je veux dire, merde, regarde moi : ce que j'aime c'est Cure!"

Sources tirées de "Grunge Is Dead" de Greg Prato

Melvins + Dwarves au Hellfest 2011!!!!

Bon, les gars les filles, la prog du prochain Hellfest est sortie ce jeudi, et pour qui aime les gros riffs bien lourds et bien gras, c'est l'année ou jamais : du stoner en veux tu en voilà, avec dans l'ordre : Church Of Misery, Masters Of Reality, Eyehategod, Karma To Burn, Corrosion Of Conformity, Clutch, Monster Magnet, Electric Wizard, et le retour de Kyuss avec cette fois 3 des 4 membres d'origine. Ajoutez à cela : les Stooges avec Iggy + The Cult et pleins d'autres bons groupes. Pour ce qui est des représentants du Seattle Sound, on aura le vendredi les tarés de The Dwarves, et cerise sur le gâteau : les mégas Melvins!!!

Le Hellfest mérite bien un peu de pub : c'est vraiment un festival extra, qui donne l'occaze de croiser la route de groupes qu'on a absolument pas l'habitude de voir en France, et pis bon, de temps en temps y'a des groupes de Seattle, alors zut et rezut. Qui plus est l'ambiance est vraiment bon enfant et le respect entre festivaliers, et envers le voisinage est bien présent. (Ah si : y'a Christine Boutin qu'est définitivement pas la bienvenue, mais c'est vraiment la seule personne au monde qui sera mal accueillie au Hellfest!!!). C'est d'ailleurs dingue d'entendre ce qu'on entend et de voir ce qu'on voit au sujet du Hellfest, car perso, des festivals j'en ai fait, et le plus agréable, le plus chouette, le plus respectueux, celui ou les gens sont le plus sympa, et de très loin, c'est bien le Hellfest. Et c'est non subventionné par l'Etat : un gage de qualité et d'indépendance. Quand tu trouves des vidéos comme celle-ci, avec des gens qui sont censés nous gouverner se comporter de la sorte, tu te dis déjà qu'ils se sont trompés d'endroit : l'école maternelle c'est la deuxième à gauche, et ensuite tu penseras bien à eux en t'éclatant à savourer les vraies valeurs de la vie : de la bonne compagnie et du bon son. Un petit aperçu en image du festival 2010 :



PS : Dernière minute : DOWN sera de la partie, ainsi que Duff Mc Kagan, pour le plaisir de voir un historique du Seattle Sound...

22/01/2011

La controverse Pearl Jam à la loupe...

Après le split de Green River, conséquence inéluctable à certains souhaits d'orientations musicales non partagés, Jeff Ament et Stone Gossard partent fonder avec Andrew Wood le fameux Mother Love Bone, alors que Arm rejoint Steve Turner pour une revisite moderne du garage 60's : Mudhoney... Deux conceptions de la musique complètement à l'opposé l'une de l'autre : les premiers ne se cachent pas de chercher à devenir des stars du rock, les seconds ont en horreur l'idée même de notoriété... Il va sans dire que la rancœur s'installe entre les deux partis... Lorsque Pearl Jam apparait en 1990, ce n'est donc pas sans ricanements qu'ils sont accueillis à Seattle. Mudhoney, tête de pont de la scène locale, leur taille un costard. De là partira réellement l'idée toujours répandue que Pearl Jam est un vendu du mouvement, qui a sauté dans le train en marche. Ce qu'on ne sait pas forcément, c'est que les membres de Mudhoney et de Pearl Jam se sont rabibochés doucement, et la rancœur entre les uns et les autres est plus ou moins retombée au fil des mois. Et ce grâce à qui??? Dites moi donc!!! Eddie Vedder bien sûr!!!

Chris Cuffaro, un des photographes qui mitraillait la scène de Seattle au début des années 90, trainait un jour avec Eddie Vedder. Ayant rendez vous pour une séance photo chez Steve Turner, guitariste de Mudhoney, il invite Eddie à le suivre. "Pas possible, je veux pas y aller" lui répond un Eddie décomposé, bien au courant qu'il était des soucis communs des Mudhoney avec ses potes Stone et Jeff. "Arrêtes tes conneries et monte dans la caisse" lui rétorque Cuffaro.

Eddie cède, et quand ils arrivent chez Turner, Cuffaro fait les présentations - "Salut les gars, voici Eddie" - mais en négligeant de mentionner qui il était vraiment, afin de faire se rencontrer les uns et les autres de la manière la plus neutre possible. Après avoir passé l'après midi à parler musique et philosophie avec Eddie, Turner et Dan Peters prennent Cuffaro à part : "Redis nous qui est ce gars déjà???". Voulant lâcher la bombe le plus nonchalamment possible, Cuffaro prend quelques secondes pour répondre : "Eddie? C'est le chanteur de Pearl Jam". "Pas possible" répond Turner. "Nom de Dieu" lâche Peters un peu déconcerté. "Il est vraiment sympa!!!". Tous ont finit par partager une bonne bouffe ensemble, échangeant leur numéros de téléphone et faisant des plans pour se croiser à nouveau. "D'un seul coup, ils étaient devenus les meilleurs amis du monde" dira Cuffaro...

Cependant, le mal est fait, et sera amplifié au centuple par un Kurt Cobain, artiste underground dans l'âme rongé par le succès, et en quête d'une reconnaissance sub-culturelle. Pearl Jam trainera des années cette réputation d'opportuniste, non sans se défendre.

John Leighton Beezer (leader des Thrown Ups, et vieil ami de Arm et Turner) : Vers la fin des années 90, j'avais planifié un voyage à Hawaï, et j'avais entendu dire que Mudhoney allait ouvrir pour Pearl Jam juste quand j'y serais. J'ai appelé Mark et lui ai demandé : "Est ce qu'on pourra se voir là bas?" Et il a dit "Bien sûr". Donc grâce à ça j'ai eu mes entrées dans l'entourage de Pearl Jam. J'ai passé un couple de jours à Hawaï à vivre "the Pearl Jam life". Et finalement je suis parti de là en pensant "Je suis le pire des idiots. Comment ai je pu me foutre à ce point de leur gueule ?" Si tu te posais backstage et jetais un œil à l'équipe, il y avait juste un océan de gens adorables. C'est pas facile d'admettre ça. Rira bien qui rira le dernier, dit-on : ils ont eu le dernier mot. Ils ont été vraiment bienveillants avec moi - je me foutais de leur tronche à l'époque, et ils le savaient, probablement. Et finalement, l'imbécile, c'était moi!!!

Jeff Ament : Je jouais du punk quand Kurt allait encore voir les concerts de Sammy Hagar (un des gars de Van Halen, un groupe de hard rock dans le plus pur sens du terme). Cette histoire m'a vraiment fait chier, parce que je connaissais Krist (Novoselic) à ce moment, et je pensais qu'il y avait comme une sorte de connexion. Mais après tout ça, il y a eu une réelle séparation entre nous. Deux camps se sont formés quand Green River a splitté, et ces gars (Nirvana) était de Sub Pop, et étaient de bons amis de Mark (Arm)...

Mark Arm : Avant qu'on tourne avec et Pearl Jam et Nirvana, on pensait que Pearl Jam était plus enclin à s'accoquiner avec l'industrie musicale, et Nirvana prêt à s'accrocher à ses racines underground. Je connais Jeff depuis qu'il est un "hardcore kid" et s'occupe de fanzines, et il a fait plus dans le milieu hardcore que n'importe lequel des gars de Nirvana. Mais après le split de Green River, lui et Stone n'avaient aucun problème à dire : "On veut percer dans le business de la musique. On veut jouer de la musique pour le reste de notre vie". C'était une notion tellement ridicule pour moi. Donc, après notre expérience à ouvrir pour Nirvana, qui avait vraiment été pourrie, on a pensé : "Si tourner avec Nirvana c'est ça, alors imagine ce que c'est de tourner avec Pearl Jam". On y est quand même allé, parce que c'était juste deux dates. Ça nous a retourné le cerveau. Tout le monde - des techniciens au groupe lui même et à leur management - était super cool. Ils avaient Eric Johnson - qui est un mec super - qui s'occupait de l'organisation de la tournée. Leur manager, Kelly Curtis, était vraiment chouette avec nous. On entend tellement d'histoires cauchemardesques sur les groupes de première partie qui se font traiter comme de la merde sur des grosses tournées de ce genre... Les ingénieurs du son aussi, ont travaillé avec nous et nous ont vraiment aidé. Tout le monde avançait dans le même sens. Le groupe faisait face à l'énorme hype du moment avec ses propres moyens, et s'en sortait plutôt bien. Ça a été pour nous un changement spectaculaire par rapport à ce qu'on avait vécu avec Nirvana juste quelques semaines avant...

Jeff Ament : On a beaucoup appris de ce qu'on a fait ensemble - Steve, Mark, moi et Stone. La raison pour laquelle on a joué ensemble dans Green River était qu'on avait des idées similaires, et qu'on venait vraiment tous de cette mentalité "do it yourself". Quand on était dans Green River, on a joué avec énormément de groupes - je me rappelle avoir joué avec Black Flag, et Henry Rollins (le chanteur de Black Flag) avait sa propre dressing room. Avec Public Image (Public Image Limited, le second groupe de Johnny Rotten, chanteur des Sex Pistols) aussi, et ces gars avaient des bouteilles de Bordeaux à 200$ pièce. On savait tous, à l'époque, qu'on ne ferait jamais ça. On ne traiterait jamais les autres groupes comme de la merde, comme ces groupes nous avaient traités comme de la merde. On prenait ça vraiment à cœur. A la surface des choses, les gens ont pu penser qu'on était juste des carriéristes réunis pour former un groupe, mais ce n'était pas du tout ça. On voulait juste jouer de la musique et être créatifs, et nous pousser mutuellement pour être toujours meilleurs. On prenait ça vraiment au sérieux. Et probablement tellement sérieusement à un moment donné que ça ne l'a pas fait du tout avec Mark et Steve. Je voulais pas travailler dans un putain de restaurant pour le reste de ma vie. Je voulais pas avoir 40 ans et trainer mon amertume en faisant la tournée des bars, en parlant du bon vieux temps...

On l'a déjà dit, mais Green River s'est reformé pour les 20 ans de Sub Pop. Z'ont plutôt l'air en forme les vieux!!!

21/01/2011

Vite fait, un peu de géographie...

Bon, ok, on parle du Seattle Sound, du grunge à Seattle, mais c'est un peu plus compliqué que ça. On parle d'Olympia, de Belligham, d'Ellensburg, d'Aberdeen, mais ça nous dit pas où ça se trouve tout ça. Ouais, c'est sûr, c'est à Seattle même que tout a commencé pour bon nombre, mais c'est un peu partout autour que tout à vraiment commencé pour beaucoup. Donc j'ai pensé qu'une petite carte ne serait pas de trop (on peux zoomer pour voir plus précisément) :


Agrandir le plan

Accrochez vos ceintures, c'est parti pour un petit tour dans l'Etat de Washington. En prenant la Highway 90 à partir de Seattle, qui part sud est, on arrive au bout d'une centaine de kms à Ellensburg, patrie des Screaming Trees.

Si on suit la Highway 5 au sud ouest, on passe par Tacoma, la ville d'Art Chantry et de Seaweed (excellent groupe hardcore mélodique), puis on arrive à Olympia, ville universitaire très importante pour le sujet qui nous intéresse. A gauche toute, l'Université verra naître des éléments fondamentaux du mouvement : Beat Happening et K Records menés de front par Calvin Johnson, un inconditionnel du DIY. Le mouvement Riot Grrrl, Toby Vail et Kathleen Hanna, Bikini Kill, Bratmobile et Sleater Kinney sont toutes issues d'Olympia. Et nombres de personnalités y feront leurs gammes : Bruce Pavitt par exemple, ou Slim Moon, qui y fondera le label Kill Rock Stars (entre autres celui des Gossip, et ouaip). Cobain y vivra un temps. Dotée d'une grosse scène indé, Olympia n'a absolument rien à envier à la grosse voisine Seattle.

En quittant cette route pour l'ouest et la côte, on arrive à la trop fameuse Aberdeen, bled de bucheron paumé au fin fond de l'Etat de Washington : une bande de tarés s'affublant de l'appellation Melvins sont originaires des environs, Montesano exactement : les trop fameux Buzz Osbourne et Dale Crover, ainsi que leur premier bassiste, et futur Mudhoney, j'ai nommé Matt Lukin. Leurs premiers fans, Kurt Cobain, natif d'Aberdeen même, et Krist Novoselic, qui y passera son adolescence, formeront plus tard Nirvana.

Quelques kms à l'ouest à vol d'oiseau de Seattle, de l'autre côté du Puget Sound, bras de mer qui borde la ville, se trouve Bainbridge Island, terrain d'activité des boutonneux Ben Shepherd (Soundgarden), Chad Channing (Nirvana), Stone Gossard (Green River, Pearl Jam), Andrew Wood (Mother Love Bone)...

En partant au nord depuis Seattle, on passe par Bothell, un autre bled archi paumé ou Charles Peterson passa les vingts premières années de sa vie. "Welcome to Bothell", disait t'il dans "Hype". "Un jour, des gars ont rayé les trois premières lettres BOT, ce qui donnait finalement "Welcome to Hell". J'aurais adoré être le gars qui a fait ça"

Entre Everett et Mount Vernon se trouve Stanwood, petite ville qui entendit les premiers sons tortueux de Bundle Of Hiss, Kurt Danielson (TAD) et Dan Peters (Mudhoney).

Au bout d'une centaine de kms, on arrive à Bellingham, patrie des Posies, et du label Estrus, spécialisé dans le garage punk. Les Mono Men viennent d'ici.

Voili voilou, ça donne une petite idée. faudrait qu'un de ces jours on s'attarde sur la géographie interne à la ville de Seattle. Un petit tour des clubs qui ont compté dans l'histoire du grunge, ça me parait assez essentiel...

20/01/2011

Les Simpsons fan de Duff...

En parlant de Matt Groening, génial inventeur des Simpsons - qui a commencé sa carrière en bossant à The Rocket, après des études brillantes au très à gauche Evergreen State College d'Olympia - on se souvient tous d'Homer le cul vissé sur son canapé en train de siroter une bière surement aussi goutée que notre bonne vieille Heineken, et à l'appellation très rock n'roll : la Duff...

Joe Toutonghi (vieil habitué des concerts à Seattle, et membre des Bopo Boys, une bande d'excités du tour de bras dans ta tronche) à propos de Duff Mc Kagan : J'avais peint la terrasse et le porche de sa mère avec lui. Ed Huletz - le chanteur des Silly Killers - sa mère avait acheté une maison pour investir, et Duff, Ed et moi vivions là. On y a fait des fiestas insensés toutes les nuits, à tomber fou... On brassait notre propre bière, qu'on avait appelé "Duff's Brewskies" - c'était bien avant que les Simpsons aient de la bière Duff.

J'ai toujours pensé, au contraire de ma mère, que les Simpsons était l'émission la plus intelligente à passer sur cette foutue téloche, et là j'ai la preuve qu'à défaut de l'être, elle était au moins sacrément documentée héhé... C'est d'ailleurs étonnant qu'un mec comme Matt Groening ait plus ou moins fréquenté un temps la scène de Seattle : c'est vraiment là qu'on s'aperçoit que Seattle durant la décennie 80 et le début 90's, c'était l'endroit ou il fallait être, l'épicentre géographique de l'ère du temps. Finalement une grosse partie de ce qui est sorti de culture underground à l'époque, venait de ce petit coin des States... Les Simpsons en 1990, c'était gonflé, une grosse satire de la culture américaine. Aussi gonflé que Nirvana ou Pearl Jam en haut des charts. J'ai été étonné que Greg Prato, dans l'interview donné plus bas, parle du mouvement grunge comme ayant initié un changement de société aux Etats Unis. On se rend à peine compte d'ici, (quoi!!!??? les amerloques : changer de mentalité!!! Pas possible) mais c'est p'têt vrai!!!!

PS : Et ben, savez quoi? Je viens de voir dans le journal que la Duff, pour de vrai, sera vendu désormais dans l'ouest de la France. "Houblonnée et légère", qu'ils disent. En gros : banale. Ce qui veut dire concrètement : meilleure que la "vraie". Moe l'a dit : ce qui fait la saveur si particulière de cette bière, c'est le fait que les chiens s'y baignent pendant la fermentation, d'où un arrière gout de tics dans la bouche... "Oh pinaise Marge, j'ai bu six bières et j'suis même pas beurré"

16/01/2011

Art Chantry ou l'esthétique grunge incarné

"Si Pavitt et Poneman furent les cerveaux gauche et droit du mouvement, Endino en était l'oreille et Peterson l'oeil", entend t'on dire de ci de là... J'ajouterais : "Si Peterson en fut l'oeil, Art Chantry en fut la rétine" héhé... Art Chantry fut certainement tout autant décisif que ces quatre là dans l'éclosion du grunge, de par sa contribution fantastique à l'aspect visuel de la chose. Graphiste de génie, autodidacte comme tous à l'époque, Chantry est né à Tacoma, grande banlieue de Seattle. Northwestern native, imbibé de l'esprit et de la culture bizzaroïde de la région, il a tout naturellement à ce titre intégré comme imprégné la scène locale...

Art Chantry (dans le documentaire Hype!) : C'est dans la région qu'a été créé le terme "soucoupe volante", c'est ici aussi la capitale mondiale des serial killers : on a plus de meurtriers dans le coin que n'importe ou ailleurs aux Etats Unis. La famille Manson venait en vacances ici. Cet endroit est bizarre... Tous ces facteurs ont influencé ce qui est arrivé musicalement à Seattle!

Chantry s'installe à Seattle après être sorti du collège, et, ne trouvant pas de job, finit par monter sa propre affaire. Parallèlement à ça, fait important, il est embauché en 1979 dans l'équipe d'un tout nouveau magazine musical, un gratuit totalement consacré à la musique de Seattle et de la région : The Rocket. C'est là qu'il développera son style inimitable, qu'il qualifie lui même "d'ébouriffé"... Catapulté à plusieurs reprises directeur artistique, il collaborera une dizaine d'année avec le magazine. The Rocket verra passer en son sein le gotha de la scène naissante : Bruce Pavitt, Charles Cross ou encore Matt Groening, jeune étudiant à l'Evergreen State College d'Olympia et futur créateur de la série la plus délirante au monde, j'ai nommé les Simpsons.

Art Chantry : Tout le monde détestait The Rocket parce qu'il avait toujours une attitude prétentieuse envers tout le monde. On a effacé ça de l'histoire, mais la vérité c'est que The Rocket a été un point d'information prépondérant pour le Seattle underground. Sans lui, la moitié de ces groupes ne se seraient jamais formés, parce que c'est comme ça qu'ils se sont rencontrés - grâce aux annonces gratuites classifiées au dos. Même Nirvana s'est servi de ça. Sub Pop Records a commencé en tant que rubrique dans The Rocket. Les directeurs artistiques de Newsweek, Vanity Fair et beaucoup d'autres ont commencé par bosser à The Rocket. J'en suis devenu le directeur artistique à 4 reprises. Grâce à ça, j'ai commencé à rencontrer de plus en plus tous ces gens. Tu traversais les locaux, et Kim Thayil attendait pour un rendez vous, ou Robert Crumb (dessinateur mythique de comics américain, et accessoirement l'auteur de la cover de Cheap Thrills de Janis Joplin) était là pour je ne sais quelle raison.

Depuis son arrivée à Seattle, Chantry réalise des affiches de concert pour les groupes du coin. A l'instar d'un Jack Endino, réputé pour proposer des enregistrements à moindre cout, le travail de Chantry était particulièrement apprécié par les musiciens : il convenait aux petits budgets et les demandes étaient traités rapidement. Plus subtilement, le style "fait maison", de bric et de broc, peu demandeur en technologie en tout genre (une photocopieuse fera l'affaire), et qui plus est totalement subversif, s'est avéré collé parfaitement à l'esprit de la scène locale, qui était tout faite de l'esprit DIY. Toute image trouvé au fond d'un vieux magazine ou sur une vieille pub devient exploitable avec Chantry, et se retrouve recyclée pour les bienfaits de la cause punk... Le bonhomme collaborera aussi avec le label punk garage Estrus de Bellingham (celui des Mono Men), façonnant pochettes de disques et affiches de concerts et lui permettant s'assouvir sa passion pour la trash culture des années 60.

Chantry a gagné par la suite a peu près toutes les récompenses possibles et imaginables dans le monde du graphisme à travers le globe. Une monographie de ses oeuvres a été publiée : "Some people can't surf" (par Julie Lasky) et son taf a été exposé partout dans le monde, dans nombres de musées prestigieux (joli pied de nez pour un artiste underground) dont le Louvre ou le Smithsonian à Londres. Pendant une douzaine d'années cependant, c'est dans le plus extraordinaire des musées que son travail a pu être admiré : couche après couche ont été collé sur les poteaux électriques de Seattle un nombre impressionnant d'affiches, à tel point que la ville a finit par interdire l'affichage sur poteaux, les réparateurs de lignes électriques se plaignant de difficultés à faire leur job!!!!



http://www.artchantry.com/

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur la culture underground de l'affiche rock aux States : un docu excellent, en anglais seulement : "Died Young, Stayed Pretty", dont voici le trailer (Art Chantry y apparait) :



En Europe, un collectif italien connu sous le nom de Malleus (en fait, deux membres du groupe stoner Ufomammut), fait un travail sympa : http://www.malleusdelic.com/. C'est joli, mais on se demande parfois s'ils ne feraient pas mieux de se trouver chacun une bonne copine!!!

08/01/2011

Combien de batteurs pour les Fastbacks?

En fait, personne n'a jamais su exactement, mais on estime d'après notre enquête que, sans se prendre la tête, au bas mot environ au moins une vingtaine d'entre eux seraient passés dans les rangs du plus adorable des groupes de Seattle. Voici les plus illustres :

1-Kurt Bloch. Le batteur originel, celui qui apparait sur la première démo. Passé ensuite à la guitare, parce que de son propre aveu : "J'étais pas très bon en tant que batteur"

Kim Warnick (chanteuse et bassiste des Fastbacks) : Les Fastbacks se sont formé à notre sortie de collège. On était juste le pire groupe au monde. Lulu pouvait difficilement chanter et jouer de la guitare en même temps, je ne chantais pas à ce moment là, et Kurt était le pire des batteurs. Ça s'est amélioré quand un de nos amis a décidé de nous rejoindre - Duff Mc Kagan. Il a prit la batterie, ce qui a fait que Kurt a pu prendre la guitare. Puis j'ai commencé doucement à chanter. Et là les problèmes de batteurs ont commencé, on en a eu des tonnes au fil des ans...

2-Duff Mc Kagan. Plus tard chez les Fartz, puis 10 Minute Warning, membre fondateur des Guns N'Roses. A joué sur le single "It's Your Birthday"

Duff Mc Kagan : Les Fastbacks m'avaient demandé de les rejoindre - ils voulaient que je prenne la batterie. Kim Warnick a vraiment été importante pour moi - elle avait une voiture et toutes les musiques les plus cools sur cassette. Elle avait tout. Elle venait me prendre en voiture - j'écoutais déjà les Ramones, les Sex Pistols et le Clash - elle m'a fait découvrir les Sweet, Slade et T-Rex.

Kim Warnick : Il était tellement jeune - une quinzaine d'années. On était à Vancouver, Canada - on faisait une interview pour la radio. Ils nous ont demandé : "Qu'est ce que vous espérez retirer du fait de jouer de la musique?" Et Duff a dit : "Je veux juste quelqu'un pour bouger mon équipement à ma place!" On devrait faire plus attention aux souhaits qu'on formule... Allusion à l'avenir du bonhomme...

3-Richard Stuverud : avait et a depuis joué dans des tonnes de groupes, dont War Babies et Three Fish, side project de Jeff Ament.

4-Tad Hutchison. A rejoint ensuite les Young Fresh Fellows. A jamais le plus rapide, selon Kim.

5-Richard Stuverud. De retour, le temps d'enregistrer Every Day Is Saturday et ... And His Orchestra. Reparti depuis.

6-Nate Johnson. Avant chez Pure Joy et après chez Flop. A joué sur les 3 albums suivants.

7-Rusty Willoughby. Pourtant pas viré, selon Kurt Bloch. Vu lui aussi chez Flop et Pure Joy.

8-Nils Bernstein. L'attaché de presse de Sub Pop, pour les répétitions en 1992 (n'a jamais joué en live).

9-Mike Musburger, en route vers les Posies.

10-Rusty Willoughby encore, qui joue sur Zucker.

11-John Moen, du groupe de Portland Dharma Bums.

12-Mike Musburger à nouveau, désormais ex-Posies.

13-Jason Finn de Skin Yard, puis Love Battery, puis finalement The Presidents Of the United States Of America.

14-Dan Peters de Bundle Of Hiss et surtout Mudhoney, après un bref passage chez Nirvana.

15-Bill Rieflin (The Blackouts, Ministry, REM), autre originaire de Seattle, aurait été demandé à la fin des années 80, mais aurait décliné l'invitation. Manquait plus que ça, on aurait vraiment eu l'impression que les Fastbacks monopolisaient le marché!!!

Les Fastbacks... Le grand frère des groupes de Seattle. Charles Peterson dira d'eux : "Quand j'étais gamin au collège, ils étaient "the real punks". Les Fastbacks n'ont jamais connus la notoriété de ceux qui les adulaient... Malgré tout, ils restent à Seattle un groupe ultra adulé, sans doute pour avoir été parmi les pionniers du Seattle Sound. Ces histoires de batteurs illustrent bien l'idée de scène incestueuse dont on parle souvent à propos du Grunge à Seattle : ça bouge dans tous les sens, d'un groupe à l'autre...