Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

27/01/2013

Seattle Grunge's Anecdotes : Alice In Chains est t'il vendu?


Pour fêter ce qui est officiellement officieux mais va devenir officiel sous peu, c'est à dire un passage en France, et certainement au Hellfest, l'été prochain, d'Alice In Chains, on revient rapidement sur la controverse Alice, celle qui a longtemps alimenté les conversations : Alice In Chains est t'il un vendu du "grunge", un simple profiteur ou plus que ça???

Jerry Cantrell : On était inspiré par tous ces groupes, spécialement Soundgarden, mais on avait notre propre façon de faire, notre propre son. Seattle n'était pas comme nombre de ces communautés musicales que j'ai vu et où tout le monde essaie de faire ce qui est à la mode. On était tous des rockeurs, mais personne n'essayait de copier le truc de l'autre. C'était une compétition respectueuse.

Grant Alden (journaliste à The Rocket) : Il y avait une série de groupes qui avaient vu ce qui marchait et qui ont commencé à copier ça. Je pense qu'Alice In Chains était l'un d'eux. Ca ne veut pas dire qu'ils étaient sans talent, mais ça veut dire dans un certain sens qu'ils étaient sans âme. Si Alice In Chains a eu une telle carrière, ce n'est certainement pas grace à moi, et c'est bien le signe de mon impuissance en tant que rock critic, parce que j'ai fais de mon mieux pour ne jamais rien écrire sur eux, et plus encore pour les discréditer. J'en ai toujours parlé sur le ton de la blague, mais ma mère s'appelle Alice, et donc le nom du groupe m'a toujours fait chier. Avant d'être connu, ils étaient un vulgaire groupe de métal de banlieue, et d'un seul coup ils décident qu'ils veulent être Soundgarden. Nous on les appelait Kindergarden (déformation de kindergarten = maternelle)

Mark Arm : Chacun venait de milieux différents. Y'a pas de test de "pureté". Alice In Chains était définitivement meilleur que pas mal de groupes punks qui émergeaient à l'époque en ville.

Dave Hillis (producteur d'Alice In Chains) : Je pense que le changement de son d'Alice In Chains était naturel. Je pense pas qu'ils ont sauté dans le train en marche. Je me souviens de la première démo qu'ils ont enregistré chez Rick Parashar au London Bridge Studio, juste avant que j'y travaille. Ca sonnait tellement bien, comme un vrai disque. C'était pas un groupe hair metal, mais pas encore le Alice qu'on connait aujourd'hui...


A noter que les Melvins sont aussi fortement pronostiqués pour le Hellfest 2013!!!! Une bonne année encore que celle là... Le premier morceau du dernier album à sortir d'Alice!!!

11/01/2013

Interview de Dieu le Père : Bruce Pavitt en direct!!!!!

Après un premier gros poisson pèché par le sieur PYC en la personne de l'inventeur du "son" grunge, j'ai nommé Mr Jack Endino, v'là t'y pas qu'un deuxième vient mordre à l'hameçon. Bruce Pavitt. Dieu le Père du Grunge. L'inventeur, quand à lui, de "l'identité" grunge, du "concept" grunge, et accessoirement de Sub Pop Records, qui signa en son temps tout ce qu'il est possible de signer de groupes indies (la liste est , elle est tellement énorme qu'on va pas s'éterniser à développer ici), démarre l'aventure en 1979 dans le plus pur esprit DIY, après avoir passé une enfance heureuse à Chicago en compagnie de ses potes d'enfance Kim Thayil ou Hiro Yamamoto... On peut donc dès maintenant pousser un peu plus loin la découverte de la vie pas toujours facile de Mr Pavitt, après l'interview posté la semaine dernière qui retraçait magnifiquement le parcourt du bonhomme...


Seattle Grunge : Salut Bruce!!! On est surpris de te voir si occupé encore aujourd'hui (dj la nuit, conseiller musical pour jeunes groupes inexpérimentés et conférencier le jour), alors qu'on te croyait retiré des affaires... Tu as pour de vrai survécu à "l'explosion grunge"!!!!. Bon, la vie est malgré tout plus tranquille pour toi aujourd'hui, comparé aux années 90...

Bruce Pavitt : Oui, la vie est plus calme, d'autant plus que j'habite dans une île perdue : Orcas Island, pas loin de la frontière canadienne. J'adore faire le dj, rapprocher les gens rien qu'avec un peu de musique...

SG : Qu'en est t'il de Sub Pop? En es tu toujours parti prenante?

BP : Plus ou moins. Je fais parti du groupe de conseillers, on se rencontre de temps en temps pour discuter musique...

SG : Tu es originaire de Chicago, une cité très active musicalement, avec beaucoup de label influents (Wax Trax, Chess Records)...

BP : C'est ça. Avant d'arriver à l'Evergreen State College d'Olympia, j'étais déjà très influencé par le punk rock, et pour tout dire je passais beaucoup de temps à Chicago dans le magasin de Wax Trax, à acheter fanzines et disques. C'est grâce à ce magasin là que j'ai fais mon éducation punk. Comme pour le blues d'ailleurs : j'avais l'habitude de faire tourner les disques d'un label de Chicago nommé Alligator Records (Hound Dog Taylor, Johnny Winter, Buddy Guy etc) quand je bossais à la station radio du lycée. J'étais un grand fan de blues, j'ai même eu la grande chance de voir le légendaire Howlin' Wolf en 1976...

SG : Et donc tu débarques en 1979 à Olympia, WA, pour les études... Enfin, officiellement... Puisque tu te lance immédiatement à corps perdu dans la promotion de la scène musicale locale, via la création de la version 1.0 de Sub Pop... Peux tu nous en dire un peu plus, comment tu t'y es pris tout ça?

BP : J'ai très vite animé une émission indie/punk sur KAOS-FM, la radio de l'université, que j'avais appelé Subterranean Pop. En mai 1980, j'ai décidé de publier un fanzine, sous le même nom, où on pourrait trouver les critiques des disques que je passais dans l'émission. La plupart de ces disques était super durs à trouver, donc à la fin de la critique j'incluais toujours une adresse où se les procurer. Au bout du troisième numéro, Subterranean Pop est devenu Sub Pop, et pour le cinquième numéro, j'ai décidé de contacter certains de mes groupes favoris pour qu'ils me fassent parvenir des démos de morceaux que je pourrais utiliser pour faire une compilation cassette, laquelle serait vendue avec le fanzine. Je faisais toujours en sorte de parler d'un maximum de villes américaines, mon idée était de partager la musique de différentes régions des States. L'ensemble de ces musiques offrait une variété de sons totalement différents. Les cassettes étaient dupliquées par des professionnels, mais c'est moi qui me chargeait d'insérer le livret et d'envoyer le tout depuis mon petit appartement d'Olympia. Ces cassettes m'ont permis de payer mon loyer pour un couple d'année!!! Calvin Johnson m'a aussi pas mal aidé à l'époque...

SG : En parlant de Calvin Johnson, y a t'il eu une influence "Olympia" sur ton travail a l'époque? Le fait que tu te retrouves dans une ville où l'activité musicale est très intense, et l'éthique DIY une religion, a t'il joué sur la création de Sub Pop?

BP : Sans aucun doute. J'étais très influencé par ce qui se passait à KAOS, et par les dj's qui bossaient là bas, comme Steve Fisk par exemple, ou Calvin bien sûr, et John Foster, qui publiait à l'époque un fanzine nommé OP Magazine, que je considère encore aujourd'hui comme la bible de l'indie rock. John Foster et OP ont définitivement influencé mon taf. Et K Records par la suite, qui est né en 1983.

SG : Tu finis ensuite par te baser à la grande ville, Seattle, où tu découvres les photographies d'un certain Charles Peterson au cours d'une de ces fameuses "party houses", lesquelles photos te convainquent du réel potentiel de la scène punk rock locale. Comment des simples photos peuvent t'avoir aidé à penser ça?

BP : C'était en 1986, et ça faisait déjà 3 ans que je vivais à Seattle. Je commençais sérieusement à avoir le sentiment que le son plutôt heavy des nouveaux groupes qui émergeaient à Seattle créait une sorte de cohérence, et qu'il y avait là une vraie scène en formation. Et les photos de Charles capturaient admirablement l'énergie des shows de tous ces groupes. Elles étaient le chainon manquant qui allait m'aider à développer le tout nouveau label qu'était Sub Pop à l'époque.

SG : Sub Pop devient donc officiellement un label en 1986. Une question me taraude : toi et Jonathan Poneman êtes vu aujourd'hui comme des businessmen géniaux, alors que paradoxalement, vous étiez l'un et l'autre de très très mauvais gestionnaires (voir ici). Penses tu que, dans le cas contraire, vous auriez signé tous ces groupes que vous avez signé sans absolument vous préoccuper de savoir s'ils allaient vous rapporter un peu de fric ou pas?

BP : Haha. Excellente question!! Je peux t'assurer que si on avait été de bons businessmen, il y a longtemps qu'on ne serait plus dans le business!!! La façon dont on s'y est prit était très risquée, elle nous a permis de continuer bon an mal an, mais tu peux pas imaginer comme ça a été dur. La prise de risque a finit par payer, mais ça reste une période très éprouvante pour moi, et j'ai probablement perdu des années de vie à cause du stress constant vécu à l'époque. Je suis vraiment ravi de l'avoir fait, mais jamais je voudrais le refaire!!

SG : Une question très française : vous avez signé les Thugs, un groupe qu'on connait bien ici, après les avoir rencontré à Berlin en 1988. As tu un souvenir spécial les concernant?

BP : Le premier disque qu'ils ont sorti chez nous, un 45 tours : Chess and Crimes. Définitivement l'un des meilleurs singles qu'on ai jamais sorti. Epique. 

SG : Quel est ton actualité actuellement?

BP : Je viens juste de sortir un e-book via iTunes : Experiencing Nirvana : Grunge in Europe 1989. Il contient un paquet de photos de Nirvana, TAD et Mudhoney lors de la tournée européenne de 1989, et y'a même quelques photos de Paris dedans! Plus d'infos sur www.experiencingnirvana.com

Enorme merci à toi Bruce!!! Dessous l'intégralité de la 1ère compil vinyl Sub Pop 100, ainsi qu'un court extrait de K7...


Le track listing de Sub Pop 100 :

1. Steve Albini – Spoken Word Intro Thing
2. Scratch Acid – Greatest Gift
3. Wipers –
Nothing To Prove (live)
4. Sonic Youth – Kill Yr Idols
5. Naked Raygun – Bananacuda
6. U-Men – Gila
7. Dangerous Birds – Smile On Your Face
8. Skinny Puppy – Church In Hell
9. Steve Fisk – Go At Full Throttle
10. Lupe Diaz – Itsbeena
11. Boy Dirt Car – Impact Test
12. Savage Republic – Real Men

13. Shonen Knife – One Day Of The Factory

04/01/2013

Ouais, le chanteur avait une bonne voix : Bruce Pavitt a fondé Sub Pop, signé Nirvana et changé votre vie

On savait que Bruce Pavitt venait de sortir un de ces documents rares qui font baver tout fan de "grunge" qui se respecte. On savait qu'un jour ou l'autre Bruce Pavitt répondrait à nos questions qu'on lui a envoyé y'a un mois de ça bordel merde tu fous quoi Pavitt, balance les tes réponses putaing!!!! On savait aussi qu'il y avait des gars autrement meilleurs que nous en interview, enfin des gars dont c'est le métier, enfin je pense. Et on se disait qu'en le lisant, celui là d'interview, ben on avait une chouette rétrospective de la folle aventure que fut la vie du bonhomme, en même temps que moults détails sur ce qui marqua l'arrivée de la musique de Seattle en Europe : cette fameuse tournée TAD / Nirvana / Mudhoney. C'était en 1989. On se disait que ce serait bien de vous le proposer, cet interview, avec l'accord de l'auteur Sylla Saint-Guily (et de son patron, vice.com), qu'on remerçie vivement au passage... C'est parti : 

Si vous vous intéressez à l'indie-rock (l'indie-rock d'avant, celui des mecs crades en échec scolaire), le label Sub Pop est le plus proche équivalent de la Bible, de Jésus et de Dieu réunis. Pas seulement parce que c'est grâce à lui que vous connaissez Nirvana, Mudhoney, les Thugs, Beat Happening et No Age – ou plus récemment Pissed Jeans ou Metz – mais aussi parce que Jonathan Poneman et Bruce Pavitt, les deux fondateurs du label, ont été assez malins pour faire en sorte que le label soit toujours, vingt-cinq ans après sa création, une référence pour les kids en fringues trouées.

Récemment, j'ai appris que Bruce Pavitt sortait un e-book intitulé Experiencing Nirvana, retraçant l'historique de la première tournée Sub Pop en Europe – qui regroupait Tad, les Headcoats de Billy Childish, Mudhoney et les jeunes Nirvana. Juste pour que vous sachiez : ce truc tue du début à la fin. En plus de retracer le voyage sur notre continent de ces kids de la côte Ouest américaine, c'est la première fois que ces documents inédits sont publiés. Ces photos, chopées à l'époque par Bruce sur un appareil claqué, constituent aujourd'hui un vestige inestimable pour ceux qui, comme moi, ont appris la musique avec les groupes du label.

J'ai chopé Bruce par mail ces dernières semaines pour l'interviewer à propos de ces photos oubliées et lui parler de Seattle avant que la ville ne devienne le haut-lieu des cafés prétentieux. Après de longues négociations, il m'a raconté par téléphone comment il avait transformé un punk rocker adolescent en Michael Jackson.

VICE : Comment vous est venue l’idée de sortir un e-book sur la première tournée de Nirvana en Europe ?

Bruce Pavitt : Récemment, je suis retombé sur cette photo de Kurt Cobain devant une croix du Colisée, à Rome. J’ai toujours trouvé cette photo incroyable – Kurt ressemble à Jésus, dessus. Puis j'ai cherché et retrouvé les autres photos de cette tournée. J’ai été surpris par le fait que ces photos racontaient une vraie histoire. Je me suis dit qu’en les sortant au format e-book, tout le monde pourrait les choper de suite, partout.

OK. Quel âge aviez-vous quand vous avez découvert le punk rock ?

J’ai grandi dans la banlieue de Chicago. J'ai toujours adoré la musique. À 9 ans, mes parents m’ont offert mon premier lecteur de vinyles et très rapidement, je me suis mis à dépenser tout mon argent de poche en disques. Je me trimballais toujours avec une petite radio sur moi. Je voulais tout connaître. En terminale, en 1977, j’ai découvert le punk et j'ai passé le reste de l’année à traîner chez les disquaires du centre-ville à la recherche de tout ce qui avait l’air punk.

C'est le moment où vous avez emménagé à Seattle ?

J’ai déménagé à 20 ans à Olympia, à côté de Seattle, pour m’inscrire dans une université alternative, l’Evergreen State College – elle était connue pour sa station de radio, KAOS. Ils passaient pas mal de punk et de musique indépendante – ce qui était inédit à l’époque. J’ai commencé à faire de la radio là-bas, avec mon émission, « Subterranean Pop », en 1979. Puis, en 1980, j’ai lancé mon fanzine du même nom. C’était le premier fanzine aux États-Unis qui ne publiait que des chroniques de disques qui sortaient sur des labels indépendants.

Subterranean Pop ne chroniquait que des groupes locaux ?

Pas seulement. Les groupes étaient classés en fonction de leur provenance. J’avais une section pour les groupes d’Austin, une autre pour les groupes de Seattle, de Chicago, etc. Je voulais parler des groupes qui venaient de régions reculées des États-Unis, pas seulement de New York ou LA, pour donner une visibilité à toutes ces scènes locales. Je publiais l’adresse des labels, pour que les lecteurs puissent commander leurs disques.
KAOS FM avait un énorme catalogue de disques de labels indé – je trouvais tout ce que je voulais chez eux. À l’époque, j'adorais les Wipers de Portland et les Blackouts de Seattle. Puis, j’écoutais beaucoup de punk rock californien, les Dead Kennedys, The Gun Club, tous ces groupes-là.

Comment avez-vous fini par monter le label ?

J’ai d’abord sorti des compilations sur tapes. J’en ai sorti trois, à partir des démos de groupes d’un peu partout. J’étais en contact avec les groupes, je récupérais leurs cassettes, et quand j’ai déménagé à Seattle, en 1983, j’ai décidé de sortir ces morceaux en vinyle. En 1986, j’ai sorti mon premier disque, la compilation Sub Pop 100. Dessus, il y avait Sonic Youth et The Wipers. Elle s’est plutôt bien vendue, ça m’a donné envie de continuer.

Vous étiez tout seul à l’époque ?

Oui, je sortais les compilations dans mon coin. J'ai vite compris que la scène de Seattle commençait à devenir riche, foisonnante. J’ai emprunté de l’argent à mon père pour sortir mon premier vrai album, Dry As a Bone de Green River. Un an plus tard, Jonathan [Poneman, qui bosse avec Bruce dans Sub Pop] et moi nous sommes associés pour sortir le premier album de Soundgarden.

Comment vous êtes-vous rencontrés, Jon et vous ?

Il présentait une émission sur une radio dans laquelle j'ai aussi bossé, KCMU FM. Un jour, il m’a invité dans son émission pour faire la promo de Sub Pop 100. J’ai vite capté qu’on avait des goûts en commun, et on est devenus potes.
Pour en revenir à Soundgarden, je connaissais Kim Thayil, le guitariste, depuis l'enfance – nous avions grandi dans le même quartier et on était dans le même lycée. Quand Jonathan Poneman a voulu sortir leur disque, Kim lui a suggéré que nous fassions équipe. On est devenus associés sur une idée de Kim.

Ouais. Comment avez-vous connu Nirvana ?

Je me souviens qu'ils étaient allés voir Jack Endino, le mec qui a produit tous les albums de Sub Pop jusqu’en 1990, pour enregistrer quelques morceaux. Jack a filé la cassette à Jon Poneman, Jon me l’a passée, et j’ai fini par l’écouter avec Mark Arm, le frontman de Mudhoney. On n’a pas trouvé ça renversant, mais ouais, on a noté que le chanteur avait une bonne voix. Sur ce, Jon et moi avons organisé un concert avec Nirvana, le 10 avril 1988 si je me souviens bien.

(...) La suite ICI

Ci dessus quelques photos du bouquin, Bruce à Paris Gare de l'Est lors de la tournée de 1989, et plus haut Bruce en compagnie de Kurt chez un disquaire papotant musique avec un client...