Soundgarden me manque!!!
Cri du cœur de Peeper Keenan (Corrosion of Conformity) à l'aube du
tournant du siècle, dans une interview pour Hard Force Mag.
L'autre fois, en partageant une bière
tout en discutant du premier bouquin sorti sur le stoner en français
(Stoner : Blues for the red sun de Jean-Charles Desgroux), une révélation du genre christique nous a été
donné : le grunge est mort, vive le stoner!!!!
Je m'explique. Avec plus de 20 ans de
recul désormais sur un mouvement hétéroclite et tiré par les cheveux longs (comme tout mouvement musical) ou l'on a casé tout ce qui sonnait gros riffs mastoc versus longues plages évasives voire psychées, mouvement amorcé donc au milieu des 90's, il faut
se rendre à l'évidence que le stoner (et par extension le doom) partage plus avec une certaine
idée du grunge, de l'alternatif, du rock burné, qu'avec son voisin
métalleux. Vous me direz : vvvvooouuii hheeeuu alors zut le stoner
c'est quand même plus ou moins vaguement du 100% plagiat de Black
Sabbath, lequel est à l'origine de toutes les branches du métal
actuel. Donc stoner = métal. Je vous répondrais ok d'ac, y'a pas
l'ombre d'un doute que le stoner dude venère Black Sabbath. Même si
j'en penserais pas moins que c'est avant tout un cliché... Qu'est ce
qu'ont en commun les Kyuss, Corrosion of Conformity, Fu Manchu ou
Clutch, si ce n'est un mélange des genres plus ou moins prononcé
entre l'explosivité du punk hardcore et le rock riffé des Led Zep,
Blue Cheer ou Black Sab bien sûr. Qu'est ce qu'ont en commun
Soundgarden, Nirvana ou les Screaming Trees, si ce n'est le même
mélange entre le rock des années 70 et le punk hardcore des années
80... Un nombre incalculable de ces groupes, qu'ils soient de Seattle
d'abord, de Palm Desert, Atlanta ou du New Jersey ensuite, ont débuté
dans les mêmes périodes, dans les mêmes milieux undergrounds de
leur propre espace géographique. Et tous autant que les autres,
montraient une addiction pour les riffs monstrueux à faire mémé
s'auto-pousser dans les orties... Rappelons que Soundgarden ou les Screaming Trees ont débuté
sur SST, le label fondé par Greg Ginn, guitariste de Black Flag, à
l'origine du renouveau des riffs lents et lourds avec la fameuse face
B de My War. Et qui comprenait en son sein, bien que dédié au
hardcore, l'un des premiers groupes ouvertement autoproclamé
suiveurs de Black Sab, et ayant grandement contribué à construire
le pont entre punk et gros riffs : Saint Vitus. On y est...
En parlant de Soundgarden, je vais me
répéter, je l'ai souvent évoqué dans ce blog, mais il m'a
toujours semblé qu'un tel groupe pouvait en apprendre beaucoup à la
horde des plus ou moins miteux groupes stoner du moment. Ultramega Ok, voire plus encore Louder Than Love, ont toujours sonné pour moi
comme certains des albums fondateurs du stoner. Tout comme les
premiers Melvins. Eux restent à mon goût les véritables inventeurs
du riff robotique poussé à l'extrème et décliné sous toutes les
manières chez les adeptes du stoner. Gruntruck ou Alice In Chains
restent des maîtres en matière de gros riffs mi-plombés mi-dépressifs, qu'on peut
retrouver par exemple chez Hangman's Chair, l'un des fers de lance du
stoner doom hexagonal... Nebula, trio constitué d'anciens Fu Manchu, a parfois des faux airs de Mudhoney, avec qui ils ont partagé fut un temps le même label : Sub Pop. Sundrifter, un bon outsider dans le milieu
stoner actuel, pue le Soundgarden à plein nez, même s'il garde un
style bien à lui... Tout comme Gas Giant, fer de lance danois du stoner des années 2000. Inversement, les groupes originels du stoner
comme Kyuss ou Monster Magnet ont à leur début été sans l'ombre
d'un doute pour beaucoup, catalogués grunge... Nous y sommes.
De même plusieurs membres éminents de la
communauté de Seattle sont désormais passés à un grain plus rude, apparenté au stoner :
Van Conner ex Screaming Trees qui fonde Valis, au son psyché pas si éloigné de son premier groupe, signé chez une des
écuries stoner historiques, Small Stone, ou Tad Doyle passé au doom
avec son projet de longue date Brothers Of The Sonic Cloth. D'autres
ont accompagné l'avenement du stoner en participant aux Desert
Sessions de Josh Homme, ainsi qu'aux fondations de Qotsa, mené par le même bonhomme : Matt Cameron, Van Conner, Ben Shepherd, Barrett
Martin ou Mark Lanegan... Dave Grohl bien sûr, au delà de son
implication dans le 3ème album mythique des Qotsa, devient dès 1992
et la sortie de Blues for the Red Sun de Kyuss, un fan invétéré,
au point de commander l'album en plusieurs exemplaires pour en faire la
promotion dans son entourage... Matt Cameron et Ben Shepherd, suite à
une tournée en compagnie des jeunes Monster Magnet, se lient
d'amitié avec John Mc Bain, guitariste sur l'ultra culte Spine Of
God, premier album hallucinogène des MM, et fondent ensemble
Wellwater Conspiracy... Dans le sens inverse, Josh Homme a accompagné les Screaming Trees en bout de course sur une de leurs dernières tournées, et Nick Oliveri, ancien bassiste de Kyuss, était Rex Everything chez les Dwarves... On le voit, les ponts entre les 2
« étiquettes » sont légions.
Le stoner est bien une extension
logique et filiale du grunge. De pauvres étiquettes pour des scènes
décomplexées, pas effrayées pour un sous de mixer 70's et 80's en
la seule décennie 90's. Si le grunge est avant tout la mise en
avant d'un mouvement local, l'origine du stoner, lo Desert Sound, est
aussi l'avenement, à l'instar du grunge, d'une scène oubliée de
tous, loin de tout, et pratiquée en petit comité au fin fond du
trou du cul du monde... Même combat...
Disons simplement que le
rock burné n'a pas besoin d'étiquettes... Disons qu'en fait on s'en fout de tout ça... Du moment que ça valse.
Pour les amateurs, à absolument regarder : Lo Sound Desert, documentaire qui retrace l'histoire de la scène à l'origine du desert rock et de Kyuss, entre ennui total, skate et generator party sous 40° à l'ombre... Trailer ci dessus... Quelques morceaux de groupes suscités ci dessous :