Les gens s'imaginent généralement que le monde de la musique tourne avec des tas de gens chargés de faire le boulot à ta place. Mais ce n'est pas punk rock. Nous venons d'un monde où l'on fait les choses par nous même. (Ian McKay)
Rraaahh putaing, enfin un bouquin en français qui parle de culture punk pour de vrai, documenté pour de vrai, et écrit par un vrai fan... Fabien Hein était déjà connu du petit monde du punk pour avoir sorti il y a pas si longtemps un beau travail intitulé "Ma petite entreprise punk : sociologie du système D", où il décrit dans le détail la dure, mais tellement riche, vie d'un combo punk lambda (en l’occurrence les Flying Donuts). Cette fois ci, on a droit à "Do It Yourself : autodétermination et culture punk". DIY, où quelque part, l'autre nom chez les anglophiles pour système D... Un sujet existentiel au sein du mouvement punk. Et aussi pour votre serviteur, particulièrement intéressé qu'il est par faire tout avec rien.
Même si le bouquin suit un certain ordre chronologique, depuis 1977 et l'arrivée du punk anglais, et ce jusqu'à aujourd'hui, ici on ne revisite pas l'histoire du mouvement punk, mais on cherche surtout à en déterminer l'essence, la raison de vivre, les motivations... Et ce qui peut sembler en être les dérives... Ou l'on constate que, effectivement, ceux qui apparaissent aujourd'hui comme les groupes punks les plus respectés de tous les temps à jamais, Sex Pistols et Clash en tête, sont aussi ceux qui ont le plus rapidement signé des contrats avec les majors... La question est donc posée : l'esprit punk est t'il tout fait de DIY où le DIY n'est t'il qu'un moyen d'expression parmi d'autres au sein du mouvement punk? Le DIY est t'il un simple moyen d'accéder à un but précis, où une fin en soi avec une portée plus globale? Autrement dit : être punk veut t'il dire être simple fan de musique punk où alors, si l'on creuse, est t'il question de chercher à remettre en cause une certaine société dont les valeurs ne nous paraissent pas justes et égales pour tous, quitte à tenter d'inventer de nouvelles règles du jeu, en se retroussant les manches et en se disant qu'on peut faire beaucoup par soi même?
Bon, je dis pas pour les Sex Pistols, que j'ai toujours personnellement considérés comme des rigolos (après tout ils n'ont sorti qu'un album, et quoi qu'on en dise, ils n'étaient que le moyen qu'avait trouvé le fameux Malcom McLaren pour se faire du fric...). Mais les Clash, extraordinaire groupe au demeurant, ont su profiter de la puissance d'exposition de leur maison de disque pour faire passer de vrais bons messages à portée sociale... Fabien Hein s'attache donc tout au long du livre à mettre en lumière toutes ces contradictions qui scinderont le mouvement en deux : les puristes et ceux qui le sont moins. D'autre part, en passant à la moulinette moults expériences réalisées dans tous les domaines d'expression punk, et en fouinant dans la vie de deux groupes au parcourt exemplaire en la matière, les anglais de Crass et les américains de Fugazi, il s'efforce de définir au mieux ce que représente le Do It Yourself, et pourquoi nombres de petits punkeux en ont fait le garant de leur liberté d'être et de vivre, tout simplement...
Merci cependant Mr Hein de montrer que le DIY n'est pas que l'apanage du mouvement punk, mais celui des insurgés, contestataires, révolutionnaires dans l'âme de toutes époques et de tous lieux. Merci Mr Hein de faire allusion à un certain Henry David Thoreau, père de la désobéissance civile et écologiste avant l'heure. J'allais même dire que "Faire par soi-même" est pratique courante depuis que l'homme est homme... Il suffit cependant qu'on arrive à l'avènement d'un certain capitalisme moderne pour que d'autres s'attachent à faire les choses à notre place : cuisiner (les plats préparés au supermarché, ou MacDonald), cultiver (avec quelques pesticides en plus), gérer notre argent (merci Lehman Brothers et toutes les banques qui ne nous veulent que du bien), nous soigner (soyons clair : le but premier de l'industrie pharmaceutique est bien de faire de l'argent, pas de nous rendre la santé...), et même penser (les politiciens sont très bons pour ça : exemple les OGM, toujours pas interdits en France alors que 80% des français sont contre)... Le poids des lobbies est assez ahurissant... Ou l'on se rend compte qu'une démocratie mise au service d'un système marchand et productiviste va peut être à contre courant de ce pourquoi elle a été inventée...
En résumé, faire par soi même, c'est véritablement reprendre sa vie en main sans la laisser entre les doigts de ceux qui sont censer savoir mieux que soi... Faire à son petit niveau, comme une goutte d'eau qui mine de rien, est essentielle pour éteindre un grand feu. C'est réellement ça qu'ont voulu expérimenter Crass et Fugazi, qui ont poussé à l’extrême l'expérimentation dans ce domaine. "Notre objectif premier consiste à être nous même au sein de notre propre groupe et à ne jamais devenir la propriété de quiconque. Et dans un second temps, à être utile à notre communauté" (Ian McKay). Crass en est sorti lessivé, concassé par tant d'effort pour aller à contre courant. Fugazi, et son leader Ian McKay (au passage modèle pour nombres de musiciens de Seattle à l'époque), à travers leur label Dischord Records, ont quand à eux su sublimer le modèle, au prix d'efforts constant, d'une intégrité sans faille (ils ont toujours catégoriquement refusé les appels des majors et autres interviews de Rolling Stone et consorts), et d'un mode de vie que très peu auraient eu le courage de vivre, qui font dire que pratiquer le DIY oui, mais pas sans savoir s'organiser et compter. DIY oui, mais les pieds sur terre d'abord!!!!
Au final, on est ravi de ce petit bouquin, qui, même s'il n'aborde pas notre sujet, celui du grunge de Seattle (qui quoi qu'on en dise, de ses débuts jusqu'à la fin des années 80, n'était fait que de ça), fait complètement fi de ce qui s'est passé à Olympia dans les années 80 et 90 (merde alors : l'International Pop Underground Convention, si ça c'est pas du DIY), et ne parle que peu des Riot Grrrl, reste un très bon moment de lecture où l'on apprend pleins de bonnes choses. Qui surtout, nous font réfléchir et dire que, oui on n'a pas beaucoup de moyens, mais non, ça veut pas dire que rien ne peut être fait. Tout est affaire d'abord de volonté. Les solutions viendront en leur temps.
A noter que les Buzzcocks furent le tout premier groupe de l'histoire du punk à sortir un disque entièrement autoproduit, en l’occurrence le maxi Spiral Scratch en 1977, ce pour l'équivalent de 3500€ actuels. Enregistré en 3 heures top chrono, il se serait vendu à 16000 exemplaires en 9 mois. Et ben savez quoi? Les Buzzcocks seront visibles et écoutables au Hellfest en juin prochain. Attendue sera aussi la prestation de Walking Papers, ainsi que celle d'Alice In Chains (même si pour le moment pas sur l'affiche, après l'avoir été, on le sait hein l'équipe du Hellfest, qu'ils en seront)... Du bon donc, en sus de tout l'armada stoner doom sludge (Spiritual Beggars, Sleep, Cult Of Luna, The Sword etc...) et autres ZZTop, Kiss, Down, Korn ou Stone Sour qui eux, fouleront les grosses scènes...
Turnover live par Fugazi + une reprise du Pulled Up de Fugazi couplée avec Rockin' De Neil Young en vidéo par Pearl Jam en 1992... Vedder est un grand fan et accessoirement ami de Ian McKay... Ceux qui veulent en savoir plus sur les relations entre grand capital et grandes démocraties peuvent lire "Une histoire populaire de l'empire américain", adaptation bd du chef d'oeuvre d'Howard Zinn, un des plus grands critique du modèle américain... Photos : Ian McKay et Henry Rollins (Black Flag) lors d'un concert de Minor Threat début 80' + Ian McKay et Jeff Nelson dans les bureaux de Dischord - Washington DC).
Turnover live par Fugazi + une reprise du Pulled Up de Fugazi couplée avec Rockin' De Neil Young en vidéo par Pearl Jam en 1992... Vedder est un grand fan et accessoirement ami de Ian McKay... Ceux qui veulent en savoir plus sur les relations entre grand capital et grandes démocraties peuvent lire "Une histoire populaire de l'empire américain", adaptation bd du chef d'oeuvre d'Howard Zinn, un des plus grands critique du modèle américain... Photos : Ian McKay et Henry Rollins (Black Flag) lors d'un concert de Minor Threat début 80' + Ian McKay et Jeff Nelson dans les bureaux de Dischord - Washington DC).
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