Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

06/11/2011

Eddie Vedder = Better Man


A un certain point, tu dois gagner le droit d'être heureux. C'est un challenge pour chacun d'entre nous. Peut on être heureux pour un jour entier? Ou pour deux à la suite? Eddie Vedder


On devrait être sa propre idole. Son propre modèle... Loin de moi l'idée de faire de la philosophie à deux balles, mais il me semble que la Vie est une expérience un peu courte et qui passe plutôt vite. Il me semble aussi que trouver le bonheur en est la quête essentielle, au delà de se faire du blé, comme ça semble être le cas pour quelque uns de mes concitoyens... Attention : l'argent et le bonheur, c'est pas pareil... On peut réussir dans la vie tout en foirant complètement sa vie... Alors moi mon idéal de vie il s'est nourri de ça : ce qui m'en apporte vraiment, du bonheur, c'est des choses hyper simples : le partage, la fraternité, le respect de l'autre, et un retour sur soi régulier qui permet d'avoir du recul sur sa propre vie, et ma foi de trouver le moyen de rire de soi... Important ça l'humour... Bon, moi c'est ma conception du truc, tous ne seront pas d'accord avec ça, mais au moins je garde ma conscience pour moi : j'ai peu de fric, mais pas la conscience lourde de me dire qu'en tant que trader ou même simple boursicoteur, je participe à plus d'inégalité dans le monde. Pas la conscience lourde de me dire qu'en tant que vendeur de pesticides ou entreprise pétrolière, je participe à faire crever mon voisin et la Terre elle même... On devrait toujours réfléchir aux conséquences de ses actes... J'en suis là...

On devrait être sa propre idole. Son propre modèle. De la musique, il en est passé des flots entre mes deux tympans. Des groupes soi disant géniaux, il en est passé des camions sur mes platines. Mais bien peu ont retenu mon attention sur la longueur, qui faisaient réellement preuve d'authenticité, d'éthique, de respect, d'indignation, d'intégrité, de générosité. Le rock n'roll, bordel, c'est ça, c'est une révolution permanente, c'est pas seulement un plaisir auditif. C'est ma conception du truc et tous ne seront pas d'accord avec moi. J'en suis là...

Moi j'ai lâché les idoles depuis un moment. A 33 ans il est temps d'essayer d'être son propre fan. Mais je dois avouer, bêtement, que certains, de modèles, ont bercé mon adolescence, et, bêtement, m'ont été d'un grand soutien dans les moments de blues pré adultériens... Et à l'époque, c'était essentiellement des musicos, et essentiellement des musicos de Seattle en fait. Un mec comme Kim Thayil par exemple, cet espèce de moine bouddhiste du grunge. Mais celui qui a eu le plus d'impact sur moi, ben c'est Ed Vedder... Eddie Vedder est typiquement le gars qui a pas eu la vie facile, né au sein d'une famille de classe inférieure, sans fric, pas aidé par son père qui en fait, de père, ne l'était pas. Un gars déchiré intérieurement. Un type qui, devenu star interplanétaire, a eu beaucoup de mal à dealer avec le succès. Mais un type qui a toujours su garder un sens de l'authentique, une intégrité sans faille. Un type qui a toujours su s'écouter, au point de faire de son statut une sorte de thérapie. Un type d'une douceur et d'une générosité sans nom, qui pourtant ne met pas deux secondes à s'insurger contre la connerie humaine, contre l'hypocrisie d'un monde qui n'hésite pas à sacrifier l'humain sur l'autel du fric... Un mec d'une humanité impressionnante. Il n'y a qu'à voir sa façon d'être avec ceux qu'il croise pour savoir qu'il a toujours érigé en règle absolu le respect de l'autre.

J'ai une estime sans bornes pour Eddie Vedder. Les valeurs qui suintent de ce gars, ben c'est bien celles que j'essaie de développer dans ma propre vie, et en cela, qui sait, il se pourrait bien qu'il ai participé à faire de moi un mec pas trop mauvais. Ce gars est un génie malgré lui... Car je ne suis pas le seul dans ce cas... Le succès de Pearl Jam est bien sûr dû à sa musique, extraordinaire, belle, pleine d'émotions, humaine simplement. Mais aussi et surtout à son leader. On ne doit pas s'étonner qu'il y ait autant de fans ultra-fidèles de Pearl Jam dans le monde. C'est peut être le groupe actuel qui peut se targuer d'avoir le plus de fans ultimes. Ceux là ne sont pas que de simples fanas de musique... Pearl Jam représente des valeurs qui les touchent, et en ce sens l'âme du groupe, Eddie, le véhicule de cette humanité, est très certainement le type de gars bien plus important dans le monde occidental que n'importe quel maître à penser ou politicien, en ce sens qu'il transmet cette humanité là à chaque concert et à chaque prise de position. Ce mec nous change. Ce mec change le monde. Truc de ouf quand on y pense : ce mec change le monde rien que par sa manière d'être, son sens de la générosité... Et la générosité, c'est contagieux...

Eddie Vedder : Cette reconnaissance envers nos fans fait partie intégrante de l'image que véhicule Pearl Jam. Ce que je vois aujourd'hui à nos concerts, ce sont aussi bien des familles, des couples, que des jeunes et des amis... Un public vraiment hétéroclite. Ces gens là sont réunis autour d'une seule et même chose : l'amour de la musique. Comment dès lors ne pas se sentir redevable? Je sais que c'est ce qui fait souvent la différence, pour beaucoup de gens, quand on parle de nous. C'est une chose qui revient et j'en suis tout particulièrement fier. Mais il ne faut surtout pas croire que c'est une attitude forcée, ou quoi que ce soit. C'est naturel. Cela vient de la relation que nous entretenons nous même à la musique.

Eddie est quelqu'un qui a su s'attirer le respect de tous à Seattle, ce qui n'était absolument pas évident au commencement : chanteur absolument pas natif du coin, et qui plus est d'un groupe qu'un certain nombre qualifia de "vendu". Humanité, générosité, don de soi reviennent souvent dans la bouche de ceux qui le côtoient...

Robin Taylor (organisateur de concerts) : Eddie Vedder est un saint - rapport à tout ce qu'il a fait pour le rock et la ville en général.

Libby Knudson (photographe et amatrice de concerts) : Je ne connaissais pas Eddie avant qu'il soit un de mes clients (elle tient une boite d'agencement d'intérieur), et que je conçoive son chez lui. Un jour que je bossais chez lui, il est arrivé avec un bandana dans les mains. Il était là : "Je sais pas quoi faire avec ça". Il était en train de faire le ménage dans ses affaires. Il avait rencontré cette fille dans un magasin, et elle lui avait donné ce bandana en lui disant : "Mon petit ami t'adorait. Il est mort dans un accident de moto. C'est son bandana". Et Eddie était là : "Qu'est ce que je fais avec ça? Je peux décemment pas m'en séparer. Je peux juste pas". En l'entendant, j'ai pensé "Mon gars, ta mémoire est entre de bonnes mains, tu ne seras pas oublié de si tôt..."

Carrie Brownstein (chanteuse guitariste de Sleater Kinney) : J'ai rencontré Eddie à Seattle en 1998, au Crocodile Café. Sleater Kinney y jouait ce soir là et Eddie est arrivé, s'est présenté à nous et nous a dit que pour lui, c'était comme si il était devant Jagger et Richards. C'est un compliment qu'une fille n'entend pas si souvent. C'est pas comme si il avait flatté mon ego, mais c'est quelque chose que j'ai appris plus tard d'Eddie : il n'a pas peur d'être un simple fan, et la musique est tout pour lui. (…) Il est souvent sur le bord de la scène à regarder les groupes qui ouvrent pour Pearl Jam. Même avec son propre groupe, parfois on peut le voir apprécier un solo de Mike Mc Cready. Parfois même il semble qu'il fait plus parti de l'audience qu'il est le propre chanteur du groupe.
Selene Vigil (chanteuse de 7 Year Bitch) : Quand Stefanie (Sargent - guitariste du groupe) est morte (d'overdose), Eddie Vedder m'a vraiment aidé à surmonter ça. J'étais perdu, je tombais folle. Une nuit que j'étais complètement à la ramasse, j'étais sur la jetée en centre ville avec lui, et j'étais vraiment trop bourrée. J'ai glissé et je suis tombé à l'eau, et Eddie m'a agrippé et m'a sorti d'affaire. Sans lui je me serais noyé.

La deuxième facette d'Eddie Vedder, c'est son indignation face à l'injustice du monde... Vous me direz, y'a de quoi!!!! Le fait que Pearl Jam soit un des groupes les plus politisés de la planète, sinon le plus politisé, est en grande partie dû à Vedder. Les prises de positions du groupe, contre Ticketmaster, ou Mtv, et plus tard contre le gouvernement Bush, la guerre en Irak, le Tibet sont désormais légendaires. Le soutien au Rock For Choice, les incalculables concerts de charité font partis intégrantes de l'histoire de Pearl Jam. Les causes environnementales préoccupent particulièrement Eddie, qui adhère aux valeurs de Earth First, organisation écolo radicale, et a fait le choix du végétarisme. Il s'est engagé aussi auprès de David Lynch et de sa fondation, afin de permettre d'enseigner la méditation aux enfants en difficulté... Amener les gens à se questionner sur le monde qui les entoure, c'est un des challenges d'Eddie Vedder... Petit florilège de pensées vedderiennes :

Eddie Vedder : Je crois qu'il est impossible aujourd'hui de ne pas se sentir responsable. (...) Le peuple ne comprend plus la politique, ses enjeux. Mais il faut que les gens comprennent que d'une certaine manière, ce sont eux qui ont le pouvoir. il faut qu'ils se battent pour leurs idées. Quelle que soit la solution qui s'offre à eux, il faut la saisir. Sinon, elle leur sera enlevée par la suite. Qu'ils réfléchissent bien : s'ils abandonnent chaque jour un peu plus de leur parcelle de pouvoir, bientôt ils n'auront plus d'emploi, ou seront exploités de manière encore plus significative. Bientôt, on enverra leurs enfants dans une autre guerre. Bientôt ils seront totalement à la merci de l'autorité. Que dois je faire en tant que citoyen américain? Attendre une autre guerre?

Quelqu'un qui vient à un concert de Pearl Jam s'attend à prendre du plaisir, et il en prend je crois. Il sait aussi qu'il vient voir un groupe engagé. Cela fait longtemps que nous nous battons pour des causes. La communauté rock s'est toujours battue pour des idées. Depuis ses débuts. A partir du moment ou je suis sur scène, à m'adresser au public, comment ne pas montrer de l'attention envers le monde qui m'entoure, comment ne pas exprimer ce que je ressens? (...) Ce qui m'importe le plus pour Pearl Jam et pour les gens qui nous écoutent, c'est de ne pas perdre la liberté d'expression. Je crois encore qu'un changement est possible. Pourtant, n'oublions pas que l’échéance se rapproche... Car quand je constate qu'à travers le monde, des quotidiens importants sont rachetés par des groupes d'armements, j'en viens à me demander ce qu'il reste de la liberté d'expression?
Je pense que la technologie ne nous emmène pas dans la bonne direction. Au lieu de nous aider et de nous rendre libre, elle nous rend esclave. C'est de ça que je parle dans le morceau Grievance, de ce que beaucoup dans ce monde ne voient pas et ne veulent pas voir. Pour chaque nouvel outil supplémentaire, on perd toujours plus d'indépendance et c'est vraiment la réalité. Tout va trop vite. La technologie est censée rendre les choses plus simples, plus faciles. Elle essaie de nous faire croire que c'est une nouvelle liberté qu'elle nous donne. Bien sûr, c'est facile et confortable de faire ses courses en ligne, sur internet. Mais d'un autre coté, qu'est ce qu'il se passe? On perd le contact avec les autres. On ne rencontre plus personne sauf sur le web, là où quoi que tu fasses, tu peux être tracé. Ils savent tout de toi, ils savent ce que tu achètes, ce que tu lis... Que devient l'individu dans tout ça?

Je pense que c'est un saine manière d'être, que de ne pas être en permanence engagé pour la planète, mais que de tenter d'accomplir quelque chose de positif. C'est une balance nécessaire à la vie. A un certain point tu te fiches de ce qui est dit dans la musique, le mieux que tu puisses espérer est que les graines soient plantées. Aucune musique n'arrêtera la guerre.

Susan Silver (manager de Soundgarden et Alice In Chains) : Un truc important à noter, c'est qu'il y en a un qui a rendu beaucoup de choses possibles ici et qui a fait un incroyable travail, publiquement, en privé, et caritativement aussi - et cette personne, c'est Eddie. Il a vraiment prit à bras le corps son statut de célébrité pour en faire quelque chose de bien, d'utile. Il a prit des positions en tant qu'artiste, il s'est forgé d'incroyables relations dans le monde de la musique. Et il a toujours su donner du respect aux personnes qui l'ont inspiré, et a soutenu constamment nombres de jeunes musiciens. C'est un super exemple de quelqu'un qui a supporté une grande pression tout en la transformant pour le bien commun. Pearl Jam a réalisé une impensable œuvre caritative. Ils ont tellement fait pour tellement d'organisations locales, nationales ou internationales. Sans avoir eu à sortir la moindre ligne de vêtements...

Voili voilou, que de belles valeurs : respect de l'autre, intégrité, indignation face à l'injustice, générosité... Bravo Eddie et infiniment merci... Comme le dit si bien une fan de PJ sur le docu PJ20 : "Je sais pas si ces gars se rendent vraiment compte tout ce qu'il nous ont donné"... Et pour ceux qui pensent qu'un peu de réflexion et de philosophie n'ont pas leur place dans un blog sur le grunge, je vous merde héhé. En lien, la page "Activism" du site officiel de PJ. En sus, une chouette vidéo d'Eddie, de Chris Cornell et de Pearl Jam lors du PJ20 Festival d'Alpine Valley d'avril 2011... Eddie y revient succinctement sur l'amitié profonde qu'il partage avec Cornell, une des premières personnes qu'il a rencontré à Seattle, et celui qui a su le soutenir face à la pression qu'il supportait...



Une des premières personnes que j'ai rencontré en dehors du cercle du groupe, est celui qu'on va accueillir maintenant. Je peux pas mesurer combien cette rencontre a affecté ma vie, ma relation à la musique, mon idée de l'amitié, et l'impact qu'a eu cet homme sur moi. J'aimerais introduire mon vieux compère Chris Cornell...

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