Le Northwest, on l'a vu, peut être considéré à la fin des années 80 et au début de l'explosion grunge comme l'épicentre géographique de l'ère du temps. Là où tout se passe, de là en tout cas où sortira le meilleur de la culture américaine des années 90... Matt Groening et les Simpsons, Art Chantry, The Jim Rose Circus Sideshow, le Grunge, Pearl Jam, Soundgarden, Nirvana, les Riot Grrrls, Sub Pop. On en trouve encore un exemple avec Peter Bagge, jeune illustrateur de comics à l'américaine, installé depuis 1984 à Seattle.
Bagge est un des élèves de l'illustre maître du comic alternatif américain (j'entend par là : le comic sans super héros), j'ai nommé Robert Crumb, et accède à une certaine notoriété en rentrant dans l'équipe de Weirdo, le légendaire magazine créée par Crumb. Il en deviendra le grand chef de 1983 à 1986... Bagge en profite pour peaufiner la série de son invention : les Bradleys, une famille de dégénérés de banlieue. En sortira quelques années plus tard la Bd Hate, mettant en scène la vie déglinguée, merdique, sans avenir de Buddy, le cadet des Bradley, lequel deviendra une des références des pseudo paumés de la X Generation... Peter Bagge est alors hissé au rang d'artiste majeur de son temps, bien malgré lui et grâce, finalement, à un heureux concours de circonstances (toujours pareil : à la bonne place au bon moment), ce alors même que Buddy Bradley se veut une satire de l'esprit slackers du moment...
Bagge
démarre les aventures de Buddy à Seattle entre 1989 et 1990, soit
une année avant que Smells Like Teen Spirit se mette à tourner en
boucle sur les radios. Le timing parfait sera le garant de son
succès, mais pèsera de tout son poids sur le reste de sa carrière.
Ironiquement, Bagge n'est pas vraiment fan de musique grunge...
Peter
Bagge : Certains diront que le grunge a contribué à la
popularité de Hate, mais Hate a autant souffert de cette association
qu'il en a profité. Beaucoup de gens n'ont pas prit Hate au sérieux
à cause de ça. Toute une catégorie de gens est devenue allergique
aux termes « Grunge » ou « Génération X »,
et le fait que Hate y soit associé a fait que ces derniers ont
refusé de s'y intéresser.
(...) Quand j'ai commencé Hate, bien que terme
grunge existait déjà, il n'était pas devenu un nom commun dans les
foyers américains. Les deux premières années d'existence de Hate,
la bd s'est plutôt bien vendue. Ce qui a tout changé c'est quand
Nevermind est arrivé. Seattle est soudain devenue la destination
préférée des journalistes. Curieusement, quand le phénomène
grunge est arrivé, les ventes ne se sont pas envolées. Elles sont
plus où moins restées les mêmes. On aurait pu penser, et
certainement je l'espérais moi même, qu'à cause de cette attention
continue des médias, les gens se seraient mis à acheter ma bd, mais
ça n'est vraiment pas arrivé. Ça montre finalement que l'impact
des comics de ce genre au States se limite à un petit nombre de
personnes... Sans compter que, comme je l'ai dit plus haut, un paquet
de gens ont mis un point d'honneur à ne pas lire Hate juste parce
que c'était associé au grunge. C'est malheureux car ils l'auraient
surement apprécié. L'autre problème, c'est que beaucoup ont dit
que j'avais profité du train « Grunge » pour sauter dans
un des wagons, ce qui n'était vraiment pas le cas. C'était juste
une coïncidence. Toute cette histoire a eu l'effet d'une épée à
double tranchant pour moi.
(…)
J'ai mis en scène Buddy à Seattle, parce que c'était où je
vivais. Mais pour moi ça n'avait pas vraiment d'importance : Buddy
aurait pu vivre n'importe où. Mais tout d'un coup, Seattle est
devenue SEATTLE, à cause du business grunge. (…)
Pour moi Seattle est toujours la même. Pas de différences. Pendant
une brève période après Nirvana, beaucoup de gens venaient visiter
la ville. Et puis ils sont repartis aussi vite qu'ils sont arrivés.
Pareil dans la scène comics alternative dont je suis... Beaucoup de
dessinateurs sont venus ici pour je ne sais quelle raison. Je sais
pas ce qu'ils pensaient qu'il allait arriver, peut être qu'ils attendaient qu'une
poussière divine se pose sur eux et qu'ils pourraient devenir
riches?
Peter Bagge est accessoirement un artiste multi talents, et notamment musicien au sein de Actions Suits, son groupe power pop, signé un temps sur Man's Ruins, le label plutôt orienté stoner de Frank Kozic, autre illustrateur de talent. Attaché à Seattle, Bagge servira également la cause de la scène locale en collaborant avec Sub Pop et quelques autres groupes locaux...
Peter Bagge est accessoirement un artiste multi talents, et notamment musicien au sein de Actions Suits, son groupe power pop, signé un temps sur Man's Ruins, le label plutôt orienté stoner de Frank Kozic, autre illustrateur de talent. Attaché à Seattle, Bagge servira également la cause de la scène locale en collaborant avec Sub Pop et quelques autres groupes locaux...
J'étais tellement en dehors de ça. J'avais pas réalisé l'importance de l'utilisation de l'héroïne au sein de la scène grunge. J'avais dessiné un groupe, et je voulais y joindre les paroles les plus absurdes qui soient. Donc j'avais le chanteur qui criait "I Scream, you scream, we all scream for heroïn". Je pensais qu'il n'y avait pas d'héroïne à Seattle. Puis on m'a informé que l'héroïne était un vrai fléau dans le coin (rires). Beaucoup de monde dans la communauté musicale était très vexé. Mais plus tard j'ai appris que certaines personnes qui étaient addicts à l'héroïne avaient trouvé ça hilarant! Comme Mark Arm. Pavitt et Poneman ont trouvé ça très marrant aussi. Et deux trois fois ils m'ont demandé de faire des variations à partir de ce dessin pour des t-shirts, ou des posters. Ils m'ont fait écrire : "I scream, you scream, we all scream for a fashion spread in Vogue"
(…)
J'ai jamais détesté le genre musical, mais j'ai jamais été un
grand fan. Je trouvais la plupart des groupes horribles. Mon groupe
préféré – ok j'aimais Nirvana, mais la plupart des trucs qu'ils
faisaient, j'étais loin d'en être fou – c'était TAD. Pour moi TAD
était meilleur que Nirvana. Mais Tad pesait 180 kg. Il n'avait pas
de valeur marchande. (…)
J'ai pas autant de mépris pour le grunge que Buddy. Buddy est un
personnage semi-autobiographique. Il est plus irascible, plus
négatif. Mais c'est comme dans tout type de musique, il y avait
beaucoup de groupes grunge qui étaient merdiques. Mais certains
étaient vraiment bons.
Une petite vidéo d'un épisode de l'adaptation dessin animée de Buddy Bradley... Tout savoir sur Peter Bagge Ici...
Une petite vidéo d'un épisode de l'adaptation dessin animée de Buddy Bradley... Tout savoir sur Peter Bagge Ici...
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