Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

03/07/2012

Compte rendu Pearl Jam Arras 30.06.2012 - Par Cyril Jégou



Cyril Jégou, énorme fan de PJ devant l'éternel, l'un des rares francophones à écrire sur Pearl Jam, accessoirement l'un des quelques fans ultimes de grunge de l'hexagone, nous fait le plaisir de partager sa joie d'avoir vu PJ à Arras le WE dernier... PJ, toujours que du bonheur en live!!! :

Arras, à l'autre bout de la France. C'est là que se déroule depuis huit ans le Main Square Festival, organisé entre autre, par la firme Live Nation. Dans un cadre étonnant - une ancienne forteresse militaire conçue par Vauban, site protégé - a lieu l'un des gros festivals de l'été. Mais soyons clair : si j'ai fait six heures de train, c'est parce que la tête d'affiche s'appelle Pearl Jam. En pleine tournée européenne, les cinq de Seattle donnent ici leur unique date française. Live Nation impose plus ou moins par contrat l'exclusivité nationale. Et comme les dieux du grunge n'ont pas toujours eu les faveurs de la France, une seule date, ça leur va.

L'heure est arrivée. Je me rapproche des barrières histoire de pouvoir voir quelques chose du set. Autour de moi des allemands, des espagnols, des danois et un groupe de français que je soupçonne faire partie du PJ Boots trading, le fan club francophone de Pearl Jam. Ils dissertent sur les shows d'Amsterdam et des espoirs d'entendre tel ou tel morceau. A part un emmerdeur bourré et sa copine qui se font gentiment prier de déguerpir par le service d'ordre, l'ambiance est bon enfant, convivial. Sur les écrans géants les cameramans s'amusent à afficher des images de fans arborant le drapeau de leur pays. Et il y en a un paquet.

Quand enfin Pearl Jam débarque sur scène, Jeff en premier, le public hurle comme un beau diable. Voir pour de vrai ces icônes du rock US à huit mètres de moi, ça me fait quand même un drôle d'effet. Je ne pourrais pas dire le nombre de fois que j'ai écouté Vitalogy. Assez pour user ce CD plus que tout autre. Le concert commence calmement avec un morceau de choix : Release, dernier titre toute en émotion de leur premier album Ten. Eddie Vedder le chanteur est en grande forme mais on n'entend pas trop la guitare de Gossard qui demandera un réglage quelques temps après. Jeff Ament (basse) est groovy, Matt Cameron (batterie) impeccable, Stone Gossard (guitare) souriant et tranquille, Boom Gaspard (orgue) discret et Mike McCready (guitare) est là pour en découdre. Le public chante le refrain en chœur. Un bon début.


Après ça, c'est l'explosion car ils enchaînent sur Go, Severed hand et Do the Evolution. Et c'est là que je me suis rappelé d'où venait Pearl Jam. Avec le temps, les albums s'énervant moins qu'aux premiers jours, je m'étais fait cette image mentale d'un groupe pêchu mais faisant la part belle aux mid tempos, aux ballades subtiles. Quand ils ont attaqué les choses sérieuse,s les six premiers rangs se sont mis à sauter partout à bouger comme des excités. Je me suis dit deux choses : "Merde ! Pourquoi je me suis foutu à deux mètres des barrières ?" et "Va falloir être solide sur mes pattes pour rester où je suis parce que quand même, c'est PJ !"

Quelques mouvements de foule plus tard, les choses se calment enfin. Eddie Vedder remercie Florence and the Machine pour le soleil, parle de ses bons souvenirs d'Arras 2010 (ils étaient également têtes d'affiche) avant de s'extasier devant tous ces drapeaux qu'il voit dans le public, invitant les politiciens du monde entier à se rassembler avec autant de ferveur. En ces temps de G20, sera-t-il entendu ? Puis il enchaîne avec l'un de leurs plus grands succès : Better Man. Les fans compressés chantent à tue-tête histoire d'obliger Vedder à leur laisser le lead. Le chanteur s'efface un peu mais reprend vite le chant car un public de festival n'est pas un public de concert de Pearl Jam (même si on pouvait parfois s'y tromper) et tout le monde ne connaît pas les paroles (à part les cinq premiers rangs). J'ai les jambes en feu et appréhende le prochain morceau. Mais Eddie, la voix un poil fatiguée, nous parle de lumière idéale pour la prochaine chanson et entame un Low Light chaloupé avant d'enchaîner sur Amongst the Waves, titre qui prend toute sa saveur et sa force en concert. Puis voilà que le rock dur revient à la charge, mais cette fois mes jambes sont chauffées, et puis je ne suis pas au milieu d'un public de brutal hard-core. La fosse s'est un peu calmée quand résonnent les premiers accords du mythique Even Flow. McCready est déchaîné et nous fait le coup de la guitare dans le dos pour débuter le long solo d'impro finale. Ceux qui découvrent le groupe en sont scotchés. On a droit à quelques excités qui tentent un slam sur le public. Les mère de familles et les jeunes filles en fleur n'apprécient pas, d'autant qu'une boue bien fournie accompagne les godasses de ces surfeurs de foule. On recalme le jeu avec Wishlist (sans la partie solo E-Bow de Vedder) pour balancer un Lukin de furie, puis le manifeste Corduroy. Sur les 28 000 personnes présentes, on est bien cinq cents péquins à beugler toutes les paroles qu'on connaît.

Le silence se fait après Corduroy. Ou presque. Le problème de ce festival est la trop grande proximité des deux grosses scènes. On entend Izia qui se produit au même moment deux cent mètres à côté. Eddie fait une blague sur le fait qu'ils allaient tenter de faire plus de bruit qu'eux. Le soleil est sur le point de disparaître définitivement, le moment parfait pour la prochaine chanson nous annonce le chanteur. Nothing Man débute, mémorable valse de Vitalogy. Et si le Vedder est un poil bourré et un peu fatigué, force est de constater que ça ne change rien à sa force d'interprétation. Plus tard dans la soirée il va se casser la gueule (sans gravité puisqu'il continuera à chanter) et se remontera même la braguette comme s'il était chez lui, mais le show sera plus qu'assuré. C'est d'ailleurs étonnant de voir à quel point ce groupe est chez lui sur scène, comparé aux autres formations de la journée. Les six musiciens sont tout hilares, lancent quelques vannes avant de repartir au charbon avec une énergie impressionnante. De ça j'étais au courant depuis longtemps. Le constater pour de vrai, c'est autre chose. Après ça, le groupe entame Arms Aloft en mémoire de Joe Strummer, avant d'aligner deux morceaux de Backspacer leur dernier album : Unthought Known et The Fixer. Mais quand la foule entend les premières notes de Rearviewmirror, c'est à nouveau la folie à Arras City. L'impro finale, tonitruante, et les spots qui balancent dans tous les sens offrent une fin explosive à cette première partie de concert.

"Twelve years ago. Be safe, be carefull." balance Eddie lors du rappel cinq minutes plus tard. Car nous sommes le 30 juin. Il y a douze ans de ça, A Roskilde au Danemark, neuf jeunes avaient péri dans un mouvement de foule alors que les PJ interprétaient Daughter. Si les musiciens de Seattle n'oublient jamais cette date, le temps a passé et le traumatisme s'est atténué puisque, pour une fois, ils n'ont donné aucune consigne particulière de sécurité aux organisateurs. Après Given to Fly, le chanteur explique un peu l'historique du groupe autour du projet Temple of the Dog de 1991, avant d'interpréter Breath, morceau rare issu de la B.O du film Single ; on dit que des fans leur envoient régulièrement des lettres pour qu'ils jouent ce titre. Et pour enfoncer le clou, et comme ils sont quand même là en théorie pour fêter leur plus de 20 ans d'existence, voilà qu'ils nous balancent la triplette Black, Jeremy et Alive. De quoi achever tous les fans de la première heure. A part un plantage de paroles sur Alive (ben ouais !), le chanteur nous fait l'honneur d'une interprétation magistrale. Sur les écrans géants on voit une fille qui pleure sur Black ! McCready nous sort ses meilleures notes de gratte, improvise plusieurs minutes sur Alive pendant qu'Eddie sillonne la longue scène pour aller voir les gens sur les côtés. Les dernières notes se font sur Yellow ledbetter comme de tradition dans les concert de PJ.

"Have a great night. Have a great life !" conclue le grand Eddie Vedder, tout en remerciant en riant le groupe d'à côté - une blague que lui aura soufflé Jeff Ament hilare - avant de quitter les lieux. La foule conquise se sépare. Les fans sont heureux, persuader d'avoir assister au meilleur moment de ce samedi, ce en quoi je suis d'accord même s'il paraît que la prestation de Skip the Use était terrible, et que j'ai adoré l'électro trash impro de Birdy Nam Nam.
Après ça, devant une dernière bière je me mets à espérer que les Pearl Jam repassent par la France en 2013 pour la tournée de leur dixième album. Sait-on jamais...

La set list :
Release, Go, Severed Hand, Do the Evolution, Better Man, Low Light, Amongst The Waves, Even Flow, Wishlist, Lukin, Corduroy, Nothingman, Arms Aloft, Unthought Known, The Fixer, Rearviewmirror.

Le rappel :
Given to Fly, Breath, Just Breath, Black, Jeremy, Alive, Yellow Ledbetter.

Le concert en intégralité tout en haut, un peu loin mais son  pas pourri du tout!!! Cyril Jégou sort donc à l'automne, aux dernières nouvelles, un bouquin sur PJ chez Camion Blanc, une bonne grosse œuvre de fan comme on les aime... A ne pas louper!!! Sur ce, Seattle Grunge c'est terminé pour l'été, peut être verra t'on un article ou deux sortir d'ici septembre, mais l'été est trop chargé pour rester le cul assis devant son ordi... Bon vent à vous chers fans du son de Seattle!!!