Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

27/11/2011

L'International Pop Underground Convention ou l'apogée de l'esprit Do It Yourself

Cette semaine là, Kurt Cobain était enlisé à l'autre bout du monde. Cette semaine là, le gratin mondial de l'indi rock convergeait vers Olympia, Washington States, pour un évènement extraordinaire : l'International Pop Underground Convention... Et le leader de Nirvana et accessoirement résident d'Olympia, ça le rendait un peu ronchon... :

Thurston Moore (guitariste de Sonic Youth) : A l'époque, on partait en tournée ensemble, et l'IPUC tombait juste au même moment. Je me souviens juste les avoir vu descendre de l'avion et venir vers nous. Un des premiers trucs que je lui ai demandé, c'est s'il aurait aimé joué là bas. Et il m'a juste répondu : Carrément!!!

Cette semaine là, c'était celle du 20 au 25 aout 1991, et, ironiquement, un mois plus tard, Nevermind sortait en enterrant une part de l'esprit punk pour un moment... On avait eu l'occasion de lire, un moment à l'avance, quelques annonces de l'évènement. Comme un déclaration d'indépendance :

Alors que l'ogre corporatiste étend toujours plus son influence rampante dans l'esprit d'une jeunesse industrialisée, le temps est venu pour les rockeurs du monde entier de se réunir afin de célébrer leur indépendance. Bourreaux des pantalons taille basse, nouveaux mods, marcheurs des voies étroites, filles de rêve chevauchant scooter, punks, éditeurs de tout fanzine énervé, conspirateurs de rébellions de toutes sortes, bibliothécaires du midwest et moniteurs de ski écossais vivant la nuit, êtes tous attendus à Olympia.

L'International Pop Underground Convention, c'est d'abord deux activistes invétérés de l'univers Do It Yourself, actifs sur la scène punk du north west depuis la fin des années 70, et à ce titre figures absolument incontournables de la scène locale, pré-grunge, j'ai nommé Candice Pedersen et Calvin Johnson, fondatrice et -teur du mythique label archétypal du DIY : K Records (celui là même dont le logo décorait la guitare de Kurt Cobain, grand ami et fan absolu de Calvin)... A ce stade bien sûr, comment ne pas évoquer aussi Beat Happening, pionnier du lo-fi, musicalement minimaliste, et influence prépondérante de nombre de petits punks des 90's. On reparlera de ça un autre jour, sinon on n'en finit plus, mais on fera remarquer ici le poids essentiel d'Olympia, de son université très à gauche, l'Evergreen State College, et de sa scène indé (Beat Happening, le mouvement Riot Grrrl, Bikini Kill, Bratmobile, Sleater Kinney ou encore le Kill Rock Stars label...) sur la scène du north west étasunien, et conséquemment, sur la scène indé américaine et mondiale... Calvin Johnson donc, évoque l'idée d'amener tous les cinglés ayant la même idée de la musique, les groupes underground du pays entier, ou les propriétaires de petits labels indépendant dans un endroit ou ils pourraient tous se rencontrer.

A l'été 1990, un premier essai organisé sur la Steamboat Island chez Pedersen et estampillé K Records, barbecue à la cool qui vira subitement à une nuit dansante complètement frénétique, s'est révélé succès probant. De là germa l'idée chez ces deux zigotos du « fait le toi même » de le faire plus soi même et plus longtemps... L'isolement est un facteur majeur du succès de la scène d'Olympia, comme de celle de Seattle d'ailleurs, et les groupes du cru, à l'époque, se satisfont grandement de jouer les uns pour les autres... Pourquoi alors ne pas amener tous ces groupes actifs ailleurs, dont on entend parler, ceux qu'on n'a croisé à Olympia ou à Seattle que le temps d'un concert parmi d'autres au sein de tournées toujours trop speed, ou encore les amis œuvrant dans le pays entier pour la même cause, à se rencontrer.

Candice Pedersen : La question qu'on s'est posé, c'est simplement : qu'est ce qui nous ferait plaisir? Qui voudrait t'on voir? Qui est ce qui nous manque qu'on voudrait rencontrer? Venez chez nous!!!

Calvin Johnson : C'était une idée audacieuse d'organiser quelque chose comme ça. On vendait difficilement les disques du label, et personne n'avait jusque là vraiment prêté attention à ce qu'on faisait. On s'est donc dit que si juste ceux qui faisaient la musique se pointaient, ce serait un succès. Et puis en fait d'autres personnes se sont pointés aussi, donc c'était super...

L'idée s'arrête sur six jours de rencontres, concerts, mais aussi piques-niques, poésie, lectures publiques, concours de gateaux et projection grand écran de « La planète des singes ». Coté musique, on signale entre autres Unwound, Jack Off Jill, L7, the Fastbacks, the Spinanes, Girl Trouble, the Pastels, Kicking Giant, Rose Melberg, Seaweed, Scrawl, Nation of Ulysses, Some Velvet Sidewalk, Fugazi, Mecca Normal, Beat Happening, Jad Fair, Thee Headcoats, the Melvins ou encore Steve Fisk.

La première soirée de la convention restera pour tous l'évènement marquant de la semaine, et ce même 20 ans après. D'abord parce qu'en tant que soirée inaugurale, ce fut le moment chaleureux ou toutes les personnes qui se connaissaient seulement via les fanzines reçu de l'autre bout du pays, ou par téléphone, purent enfin faire connaissance et s'éclater ensemble. Ensuite parce qu'elle reste gravé comme une étape majeure de l'émancipation féminine dans l'univers rock. "Love Rock Revolution Girl Style Now", plus communément appelé « la nuit des filles », propose alors une affiche entièrement féminine, avec Bratmobile, Heavens to Betsy (premier groupe de Corin Tucker de Sleater Kinney), the Spinanes, Jack Off Jill, Nikki McClure, Lois Maffeo, Jean Smith de Mecca Normal, 7 Year Bitch, Toby Vail en solo et deux projets parallèles de Kathleen Hanna (Bikini Kill). Certaines d'entres elles jouant pour la première fois devant un public, dans un esprit total DIY. Pour le reste de la semaine, les participants ne parleront que de cette nuit des filles. Selon Pedersen, la convention aurait pu se terminer dès cette première soirée :

Candice Pedersen : C'était tellement sensationnelle que c'en était difficile pour tous d'exprimer ce qu'ils avaient ressenti lors de cette soirée. Peut être que c'était comme de voir le Velvet Underground pour la toute première fois. On ne pouvait pas mettre de mots dessus, parce qu'on avait jamais vu ni entendu un truc pareil.

Rebecca Gates (chanteuse et guitariste des Spinanes) : La Girl Night a été pour moi un cadeau extraordinaire. J'étais heureuse d'être capable de jouer. Je pourrais écrire des pages sur les mérites et inconvénients d'un tel projet, mais je vais seulement me limiter à répéter ce qu'un de mes amis disait : « On a entendu ce que pensent, veulent et sentent les hommes depuis pas loin de 2000 ans. On a écrit comme les hommes nous l'avait dicté, d'une manière formaté. C'est l'heure d'injecter un peu de féminin dans le monde ». Est ce qu'il était vraiment nécessaire d'insister là dessus en créant une telle atmosphère? Je pense que oui. Personnellement j'ai été pris de vertige et Scott était bouleversé par le nombre de gens présents. C'était la première fois qu'on jouait devant un public.

La « Girl Night », sans marquer le démarrage effectif de l'insurrection « Riot Grrrl », qui prendra vraiment forme avec l'action combinée des fanzines et autres meetings l'année suivante, en sera toutefois l'élément galvaniseur. La douzaine de participantes à cette nuit mythique deviendront les fers de lance d'un mouvement féministe perçu comme exemplaire même encore en 2011...

Ce serait cependant faux de dire que l'IPUC reste pour tous les participants comme un moment de référence de l'histoire de l'indi rock. Donita Sparks d'L7 y verra juste un concert super cool de plus. Mais pour grande majorité des personnes présentes, la convention a été vécue comme un évènement réellement intense, alimenté par les discos party qui s'étiraient jusqu'au petit matin, et les concerts éclectiques de la journée, partagés entre la pop minimaliste d'un Beat Happening, le punk furieux d'un Fugazi ou le sludge des Melvins... Pour certains comme Rose Melberg, qui monta pour la première fois sur scène lors du Girl Night, l'IPUC changea leur vie. Olympia s'est vu à l'époque littéralement envahie par un nombre de fans et de musiciens dont la plupart des américains n'avaient jamais entendu parler. Bars, restaurants, nombres de logements accueillirent tout ce petit monde... Pour exemple, les Pastels de Glasgow, Ecosse logeaient chez Pedersen, l'indi pop band Tsunami n'avait quand à lui, pas d'autres choix que de planter la tente après les derniers shows du jour sur le balcon du Capitol Theater. Certains pubs se retrouvèrent à sec après un jour ou deux.

Un certain Slim Moon (premier guitariste de Earth, ami de Dylan Carlson et Kurt Cobain et figure importante du mouvement grunge) profite de l'occasion, du haut de ses 23 ans, pour sortir de terre un tout nouveau label indépendant, Kill Rock Stars, et une première compilation du même nom... Du beau monde sur cette compil : Nirvana, Bikini Kill, Heavens to Betsy, Bratmobile, the Melvins ou encore Elliott Smith et d'autres artistes d'Olympia.

Slim Moon : J'étais nerveux parce que c'était le début d'une aventure pour moi et je voulais que le disque s'écoule bien... Relationnellement parlant, l'IPUC a été super pour moi, j'ai pu parler avec pratiquement tous les groupes présents.

Slim Moon vendra dans la semaine 300 copies d'un premier disque qui depuis s'est écoulé à 25000 exemplaires. Mais son initiative est à mettre en avant dans le sens ou elle est emblématique de l'esprit de la convention. K Records avait voulu faire de l'évènement quelque chose de pas uniquement musical, mais plutôt d'y refléter la culture punk dans toute son étendue, sa propre conception de la culture punk d'ailleurs. Punk dans l'attitude et pas seulement dans la musique. Lourdement influencés par l'éthique DIY, les groupes d'Olympia et Beat Happening au premier rang, penchaient fortement en faveur d'une musique brute, primitive, lo-fi, délibérément tentée d'amateurisme, de naïveté, refusant la technicité musicale et supportée par des slogans du genre : « Apprend comment NE PAS jouer de ton instrument » ou « Tu n'as pas à sonner comme le parfum à la mode du moment, tout ce que tu as à faire est de sonner comme toi même ». Un retour aux sources sans concessions, l'idée étant de retrouver la passion, le coté fun de la musique sans s'embarrasser des conventions du milieu, et d'effacer la distance entre musiciens et public. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Johnson et Pedersen ont appelé ça « convention » et non « festival ». On vient au festival pour écouter de la musique live, à la convention pour rencontrer les autres. Cette façon de voir les choses en a étonné plus d'un :

Jean Smith (Mecca Normal) : J'ai pensé en moi même « Est ce que ça veut dire quelque chose? ». J'étais une punk rockeuse totalement en colère, dans l'esprit. Ok, je participe à ça, mais qu'est ce que ça veut dire vraiment? Je tentais d'analyser la chose : comment cette manifestation qui était ouverte à tous, qui était réellement faite pour nous faire nous rencontrer dans la joie, pouvait être en conjonction avec des performances punk rock agressives?

Aujourd'hui on peut légitimement se poser la question de ce que veut dire le mot « punk »? Pour les gosses de 2011, on peut faire carrière dans le punk. En 1991 à Olympia, on était à mille lieux de ça. Etre punk c'était avant tout prendre le pouvoir, dans la droite lignée du hardcore 80's américain. C'était en quelque sorte une tentative de survie mentale. PUNK = POWER. Prendre le pouvoir, mais sans forcément être agressif. Pour ces gars et filles là, ça voulait dire monter son propre label, aider ses copains musicos à trouver des plans concerts, créer une émission radio, éditer un fanzine... C'était avant tout une manière de se définir soi même et avec, de définir son monde. Une manière de garder et cultiver ses propres valeurs sans les voir altérer par l'establishment en place.

Allison Wolfe (Bratmobile) : Le but ultime de ce que nous faisions était le DIY, créer par soi même, créer par nous même. Donc effectivement, quand les médias sont arrivés, ça a détruit ça. Parce qu'on voulait se représenter nous même à travers nos propres moyens, nos propres médias. Et donc ça a plus ou moins détruit ça. Personne parmi nous n'avait vraiment les outils pour faire avec ça. Pas moi pour le sûr.

Un mois après l'IPUC, la sortie de Nevermind attire tous les chacals de l'industrie musicale à Olympia. Les médias se mettent à voir les Riot Grrrl non comme des agitatrices féministes, mais comme des faiseuses de mode. Tout le monde aux US se met à voir Olympia comme un petit LA, en ne voyant que le succès artistiques des groupes du cru, mais pas l'éthique DIY... Les participants à l'IPUC n'avaient pas spécialement idée qu'ils étaient au crépuscule d'une époque, et à l'aube d'une autre, celle ou le monde du rock indépendant se scinderait en deux parties : ceux qui veulent être les prochains Nirvana, et ceux qui tenteront de rester jusqu'au bout dans cette esprit punk originel. C'est bien là la césure entre Olympia et Seattle. Entre la petite DYI, anti professionaliste, exaltant l'amateurisme, résistant à la hiérarchie et la grosse vendue aux majors...

Rebecca Gates : Je pense que beaucoup de monde aujourd'hui voit l'IPUC comme à la fois un sommet et le début de la fin d'un certain état d'esprit. J'entends souvent des gens en parler, expliquant que les choses ne seront jamais aussi bien qu'à cette époque, mais je ne pense pas comme ça. Partout dans le pays et dans le monde entier, il y a des gens qui ont peu ou prou la même idée de comment envisager la musique, le travail et la vie en général. C'était génial à l'époque de partager quelques jours avec des gens comme ça. Ça m'a donné l'énergie de continuer à travailler sur des projets qui étaient important pour moi. C'était génial d'aller prendre un café avec des gars que j'avais juste rencontré brièvement auparavant, ou avec qui j'avais juste échangé des lettres. C'était super de ne pas être la personne la plus mal fringué du coin juste pour une semaine...

Globalement, l'IPUC a vraiment galvanisé, soudé, lié, uni la scène rock pop punk underground, joignant en un seul endroit musiciens, proprio de label indépendants, et fans, pour une déclaration d'indépendance face à la machine à fric : Les laquets de l'ogre corporatiste ne sont pas admis ici.

Calvin Johnson : Ça a montré que les idées qu'on avait, notre façon de faire les choses n'étaient pas si utopiques...

L'IPUC reste un modèle du genre, et un idéal pour nombre de musiciens engagés de la planète, et a engendré quelques petits pas si petits que ça, comme le biannuel Yo Yo A Go Go Festival ou le désormais connu Ladyfest, tous deux basés originellement à Olympia. Originellement, car le concept du Ladyfest a depuis émigré partout dans le monde, jusqu'à Amsterdam, Glasgow ou Madrid. Et en France à Paris bien sûr, mais aussi Toulouse, Bordeaux ou Dijon... La preuve que tout est affaire de motivation et d'envie...

Se rencontrer physiquement en tant qu'alliés est impératif, particulièrement aujourd'hui ou les liens se forgent surtout via internet. C'est important de voir le Ladyfest dans le contexte d'une culture particulière, de voir les femmes de notre propre territoire créer, organiser, performer live – et c'est une manière efficace de créer et renforcer nos réseaux...

L'esprit de l'International Pop Underground Convention est plus que jamais vivant!!!! En bonus, un extrait live de Beat Happening lors de la Convention, ainsi qu'une vidéo bucolique du cake walk organisé durant la semaine, là ou l'on s'aperçoit de l'ambiance bon enfant, réellement spontanée et simple, et de l'importance apportée à la création de liens durant l’événement... Ou comment s'amuser, créer de bons moments avec rien... Le site de K Records : ... Celui du Kill Rock Stars : ici... La photo ci devant, c'est celle de la compil live qui documente l'évènement... Plus d'une vingtaine de morceaux des groupes les plus emblématiques de l'époque, et de l'esprit DIY... Un petit extrait d'ailleurs dans la playlist Grooveshark à droite : L7 et Packin' A Rod...




23/11/2011

Concert intégral Melvins Hellfest 2011!!!

Sans commentaires...



Jimmy Bower (batteur de Down et guitariste d'Eyehategod, qu'on peut voir sur le bord de la scène en compagnie de Phil Anselmo, et qui termine le set en lieu et place de Crover) : Ce sont les Melvins qui m'ont poussé à apprendre la guitare, mon deuxième tatouage vient aussi de là, c'est juste mon groupe préféré de tous les temps! La plus grande influence d'Eyehategod avec Black Flag!

20/11/2011

Seattle Grunge's Anecdotes : Slim Moon et les joies de la colocation

Slim Moon (premier guitariste de Earth et fondateur du Kill Rock Stars label) : Moi et Dylan Carlson avons bougé à Seattle en 1990, avec ces deux gars d'Ellensburg - Nate Hill, qui était dans un groupe appelé King Krab, et Lanegan, des Screaming Trees. A cette époque, il enregistrait son premier album solo. Je pense que Dylan et Kurt (Cobain) se droguaient déjà ensemble à ce moment, bien que Dylan n'était pas encore à fond dedans. Mais j'ai commencé à ne pas me sentir en sécurité avec Dylan, pas par rapport à lui spécialement, mais parce qu'il était tellement à fond dans sa passion des armes.

Il y a eu ce moment effrayant ou Krist Novoselic est venu à la maison. La porte d'entrée était fermée à clé, ce qui était inhabituel, et il était tard dans la nuit, mais Krist avait vraiment besoin d'un endroit ou se poser, parce qu'il était bourré. Donc il s'est démerdé pour grimper sur le toit et tenter d'ouvrir une des fenêtres du premier étage. Il y arrive finalement, jette un œil à l'intérieur et... se retrouve avec un flingue pointé droit sur lui. Il s'était avéré que Dylan ne l'avait pas entendu frapper à la porte, et s'était levé parce qu'il avait bien entendu, par contre, qu'on tentait d'ouvrir une fenêtre du premier. Il avait pris son flingue. Heureusement, malgré toute la bravoure dont il aurait certainement pu faire preuve pour tirer sur un intrus, il a été suffisamment patient pour tenter de voir qui c'était.

Ça m'a trop foutu les boules, mais Krist et Dylan trouvaient ça juste trop poilant. C'était une autre bonne histoire. Mais ça a été une de celles qui m'ont définitivement aidé à quitter Earth et à retourner vivre à Olympia.

Photo : Dylan Carlson, Mark Lanegan et Kurt Cobain...

06/11/2011

Eddie Vedder = Better Man


A un certain point, tu dois gagner le droit d'être heureux. C'est un challenge pour chacun d'entre nous. Peut on être heureux pour un jour entier? Ou pour deux à la suite? Eddie Vedder


On devrait être sa propre idole. Son propre modèle... Loin de moi l'idée de faire de la philosophie à deux balles, mais il me semble que la Vie est une expérience un peu courte et qui passe plutôt vite. Il me semble aussi que trouver le bonheur en est la quête essentielle, au delà de se faire du blé, comme ça semble être le cas pour quelque uns de mes concitoyens... Attention : l'argent et le bonheur, c'est pas pareil... On peut réussir dans la vie tout en foirant complètement sa vie... Alors moi mon idéal de vie il s'est nourri de ça : ce qui m'en apporte vraiment, du bonheur, c'est des choses hyper simples : le partage, la fraternité, le respect de l'autre, et un retour sur soi régulier qui permet d'avoir du recul sur sa propre vie, et ma foi de trouver le moyen de rire de soi... Important ça l'humour... Bon, moi c'est ma conception du truc, tous ne seront pas d'accord avec ça, mais au moins je garde ma conscience pour moi : j'ai peu de fric, mais pas la conscience lourde de me dire qu'en tant que trader ou même simple boursicoteur, je participe à plus d'inégalité dans le monde. Pas la conscience lourde de me dire qu'en tant que vendeur de pesticides ou entreprise pétrolière, je participe à faire crever mon voisin et la Terre elle même... On devrait toujours réfléchir aux conséquences de ses actes... J'en suis là...

On devrait être sa propre idole. Son propre modèle. De la musique, il en est passé des flots entre mes deux tympans. Des groupes soi disant géniaux, il en est passé des camions sur mes platines. Mais bien peu ont retenu mon attention sur la longueur, qui faisaient réellement preuve d'authenticité, d'éthique, de respect, d'indignation, d'intégrité, de générosité. Le rock n'roll, bordel, c'est ça, c'est une révolution permanente, c'est pas seulement un plaisir auditif. C'est ma conception du truc et tous ne seront pas d'accord avec moi. J'en suis là...

Moi j'ai lâché les idoles depuis un moment. A 33 ans il est temps d'essayer d'être son propre fan. Mais je dois avouer, bêtement, que certains, de modèles, ont bercé mon adolescence, et, bêtement, m'ont été d'un grand soutien dans les moments de blues pré adultériens... Et à l'époque, c'était essentiellement des musicos, et essentiellement des musicos de Seattle en fait. Un mec comme Kim Thayil par exemple, cet espèce de moine bouddhiste du grunge. Mais celui qui a eu le plus d'impact sur moi, ben c'est Ed Vedder... Eddie Vedder est typiquement le gars qui a pas eu la vie facile, né au sein d'une famille de classe inférieure, sans fric, pas aidé par son père qui en fait, de père, ne l'était pas. Un gars déchiré intérieurement. Un type qui, devenu star interplanétaire, a eu beaucoup de mal à dealer avec le succès. Mais un type qui a toujours su garder un sens de l'authentique, une intégrité sans faille. Un type qui a toujours su s'écouter, au point de faire de son statut une sorte de thérapie. Un type d'une douceur et d'une générosité sans nom, qui pourtant ne met pas deux secondes à s'insurger contre la connerie humaine, contre l'hypocrisie d'un monde qui n'hésite pas à sacrifier l'humain sur l'autel du fric... Un mec d'une humanité impressionnante. Il n'y a qu'à voir sa façon d'être avec ceux qu'il croise pour savoir qu'il a toujours érigé en règle absolu le respect de l'autre.

J'ai une estime sans bornes pour Eddie Vedder. Les valeurs qui suintent de ce gars, ben c'est bien celles que j'essaie de développer dans ma propre vie, et en cela, qui sait, il se pourrait bien qu'il ai participé à faire de moi un mec pas trop mauvais. Ce gars est un génie malgré lui... Car je ne suis pas le seul dans ce cas... Le succès de Pearl Jam est bien sûr dû à sa musique, extraordinaire, belle, pleine d'émotions, humaine simplement. Mais aussi et surtout à son leader. On ne doit pas s'étonner qu'il y ait autant de fans ultra-fidèles de Pearl Jam dans le monde. C'est peut être le groupe actuel qui peut se targuer d'avoir le plus de fans ultimes. Ceux là ne sont pas que de simples fanas de musique... Pearl Jam représente des valeurs qui les touchent, et en ce sens l'âme du groupe, Eddie, le véhicule de cette humanité, est très certainement le type de gars bien plus important dans le monde occidental que n'importe quel maître à penser ou politicien, en ce sens qu'il transmet cette humanité là à chaque concert et à chaque prise de position. Ce mec nous change. Ce mec change le monde. Truc de ouf quand on y pense : ce mec change le monde rien que par sa manière d'être, son sens de la générosité... Et la générosité, c'est contagieux...

Eddie Vedder : Cette reconnaissance envers nos fans fait partie intégrante de l'image que véhicule Pearl Jam. Ce que je vois aujourd'hui à nos concerts, ce sont aussi bien des familles, des couples, que des jeunes et des amis... Un public vraiment hétéroclite. Ces gens là sont réunis autour d'une seule et même chose : l'amour de la musique. Comment dès lors ne pas se sentir redevable? Je sais que c'est ce qui fait souvent la différence, pour beaucoup de gens, quand on parle de nous. C'est une chose qui revient et j'en suis tout particulièrement fier. Mais il ne faut surtout pas croire que c'est une attitude forcée, ou quoi que ce soit. C'est naturel. Cela vient de la relation que nous entretenons nous même à la musique.

Eddie est quelqu'un qui a su s'attirer le respect de tous à Seattle, ce qui n'était absolument pas évident au commencement : chanteur absolument pas natif du coin, et qui plus est d'un groupe qu'un certain nombre qualifia de "vendu". Humanité, générosité, don de soi reviennent souvent dans la bouche de ceux qui le côtoient...

Robin Taylor (organisateur de concerts) : Eddie Vedder est un saint - rapport à tout ce qu'il a fait pour le rock et la ville en général.

Libby Knudson (photographe et amatrice de concerts) : Je ne connaissais pas Eddie avant qu'il soit un de mes clients (elle tient une boite d'agencement d'intérieur), et que je conçoive son chez lui. Un jour que je bossais chez lui, il est arrivé avec un bandana dans les mains. Il était là : "Je sais pas quoi faire avec ça". Il était en train de faire le ménage dans ses affaires. Il avait rencontré cette fille dans un magasin, et elle lui avait donné ce bandana en lui disant : "Mon petit ami t'adorait. Il est mort dans un accident de moto. C'est son bandana". Et Eddie était là : "Qu'est ce que je fais avec ça? Je peux décemment pas m'en séparer. Je peux juste pas". En l'entendant, j'ai pensé "Mon gars, ta mémoire est entre de bonnes mains, tu ne seras pas oublié de si tôt..."

Carrie Brownstein (chanteuse guitariste de Sleater Kinney) : J'ai rencontré Eddie à Seattle en 1998, au Crocodile Café. Sleater Kinney y jouait ce soir là et Eddie est arrivé, s'est présenté à nous et nous a dit que pour lui, c'était comme si il était devant Jagger et Richards. C'est un compliment qu'une fille n'entend pas si souvent. C'est pas comme si il avait flatté mon ego, mais c'est quelque chose que j'ai appris plus tard d'Eddie : il n'a pas peur d'être un simple fan, et la musique est tout pour lui. (…) Il est souvent sur le bord de la scène à regarder les groupes qui ouvrent pour Pearl Jam. Même avec son propre groupe, parfois on peut le voir apprécier un solo de Mike Mc Cready. Parfois même il semble qu'il fait plus parti de l'audience qu'il est le propre chanteur du groupe.
Selene Vigil (chanteuse de 7 Year Bitch) : Quand Stefanie (Sargent - guitariste du groupe) est morte (d'overdose), Eddie Vedder m'a vraiment aidé à surmonter ça. J'étais perdu, je tombais folle. Une nuit que j'étais complètement à la ramasse, j'étais sur la jetée en centre ville avec lui, et j'étais vraiment trop bourrée. J'ai glissé et je suis tombé à l'eau, et Eddie m'a agrippé et m'a sorti d'affaire. Sans lui je me serais noyé.

La deuxième facette d'Eddie Vedder, c'est son indignation face à l'injustice du monde... Vous me direz, y'a de quoi!!!! Le fait que Pearl Jam soit un des groupes les plus politisés de la planète, sinon le plus politisé, est en grande partie dû à Vedder. Les prises de positions du groupe, contre Ticketmaster, ou Mtv, et plus tard contre le gouvernement Bush, la guerre en Irak, le Tibet sont désormais légendaires. Le soutien au Rock For Choice, les incalculables concerts de charité font partis intégrantes de l'histoire de Pearl Jam. Les causes environnementales préoccupent particulièrement Eddie, qui adhère aux valeurs de Earth First, organisation écolo radicale, et a fait le choix du végétarisme. Il s'est engagé aussi auprès de David Lynch et de sa fondation, afin de permettre d'enseigner la méditation aux enfants en difficulté... Amener les gens à se questionner sur le monde qui les entoure, c'est un des challenges d'Eddie Vedder... Petit florilège de pensées vedderiennes :

Eddie Vedder : Je crois qu'il est impossible aujourd'hui de ne pas se sentir responsable. (...) Le peuple ne comprend plus la politique, ses enjeux. Mais il faut que les gens comprennent que d'une certaine manière, ce sont eux qui ont le pouvoir. il faut qu'ils se battent pour leurs idées. Quelle que soit la solution qui s'offre à eux, il faut la saisir. Sinon, elle leur sera enlevée par la suite. Qu'ils réfléchissent bien : s'ils abandonnent chaque jour un peu plus de leur parcelle de pouvoir, bientôt ils n'auront plus d'emploi, ou seront exploités de manière encore plus significative. Bientôt, on enverra leurs enfants dans une autre guerre. Bientôt ils seront totalement à la merci de l'autorité. Que dois je faire en tant que citoyen américain? Attendre une autre guerre?

Quelqu'un qui vient à un concert de Pearl Jam s'attend à prendre du plaisir, et il en prend je crois. Il sait aussi qu'il vient voir un groupe engagé. Cela fait longtemps que nous nous battons pour des causes. La communauté rock s'est toujours battue pour des idées. Depuis ses débuts. A partir du moment ou je suis sur scène, à m'adresser au public, comment ne pas montrer de l'attention envers le monde qui m'entoure, comment ne pas exprimer ce que je ressens? (...) Ce qui m'importe le plus pour Pearl Jam et pour les gens qui nous écoutent, c'est de ne pas perdre la liberté d'expression. Je crois encore qu'un changement est possible. Pourtant, n'oublions pas que l’échéance se rapproche... Car quand je constate qu'à travers le monde, des quotidiens importants sont rachetés par des groupes d'armements, j'en viens à me demander ce qu'il reste de la liberté d'expression?
Je pense que la technologie ne nous emmène pas dans la bonne direction. Au lieu de nous aider et de nous rendre libre, elle nous rend esclave. C'est de ça que je parle dans le morceau Grievance, de ce que beaucoup dans ce monde ne voient pas et ne veulent pas voir. Pour chaque nouvel outil supplémentaire, on perd toujours plus d'indépendance et c'est vraiment la réalité. Tout va trop vite. La technologie est censée rendre les choses plus simples, plus faciles. Elle essaie de nous faire croire que c'est une nouvelle liberté qu'elle nous donne. Bien sûr, c'est facile et confortable de faire ses courses en ligne, sur internet. Mais d'un autre coté, qu'est ce qu'il se passe? On perd le contact avec les autres. On ne rencontre plus personne sauf sur le web, là où quoi que tu fasses, tu peux être tracé. Ils savent tout de toi, ils savent ce que tu achètes, ce que tu lis... Que devient l'individu dans tout ça?

Je pense que c'est un saine manière d'être, que de ne pas être en permanence engagé pour la planète, mais que de tenter d'accomplir quelque chose de positif. C'est une balance nécessaire à la vie. A un certain point tu te fiches de ce qui est dit dans la musique, le mieux que tu puisses espérer est que les graines soient plantées. Aucune musique n'arrêtera la guerre.

Susan Silver (manager de Soundgarden et Alice In Chains) : Un truc important à noter, c'est qu'il y en a un qui a rendu beaucoup de choses possibles ici et qui a fait un incroyable travail, publiquement, en privé, et caritativement aussi - et cette personne, c'est Eddie. Il a vraiment prit à bras le corps son statut de célébrité pour en faire quelque chose de bien, d'utile. Il a prit des positions en tant qu'artiste, il s'est forgé d'incroyables relations dans le monde de la musique. Et il a toujours su donner du respect aux personnes qui l'ont inspiré, et a soutenu constamment nombres de jeunes musiciens. C'est un super exemple de quelqu'un qui a supporté une grande pression tout en la transformant pour le bien commun. Pearl Jam a réalisé une impensable œuvre caritative. Ils ont tellement fait pour tellement d'organisations locales, nationales ou internationales. Sans avoir eu à sortir la moindre ligne de vêtements...

Voili voilou, que de belles valeurs : respect de l'autre, intégrité, indignation face à l'injustice, générosité... Bravo Eddie et infiniment merci... Comme le dit si bien une fan de PJ sur le docu PJ20 : "Je sais pas si ces gars se rendent vraiment compte tout ce qu'il nous ont donné"... Et pour ceux qui pensent qu'un peu de réflexion et de philosophie n'ont pas leur place dans un blog sur le grunge, je vous merde héhé. En lien, la page "Activism" du site officiel de PJ. En sus, une chouette vidéo d'Eddie, de Chris Cornell et de Pearl Jam lors du PJ20 Festival d'Alpine Valley d'avril 2011... Eddie y revient succinctement sur l'amitié profonde qu'il partage avec Cornell, une des premières personnes qu'il a rencontré à Seattle, et celui qui a su le soutenir face à la pression qu'il supportait...



Une des premières personnes que j'ai rencontré en dehors du cercle du groupe, est celui qu'on va accueillir maintenant. Je peux pas mesurer combien cette rencontre a affecté ma vie, ma relation à la musique, mon idée de l'amitié, et l'impact qu'a eu cet homme sur moi. J'aimerais introduire mon vieux compère Chris Cornell...

03/11/2011

Seattle Grunge's Anecdotes : Kurt et Eddie aux MTV Awards

On est tous au courant des inimitiées qu'entretenait Kurt Cobain à l'égard de Pearl Jam, et surement certains d'entre vous ont vu cette vidéo circulant sur le net et particulièrement visible sur Seattle Sound, montrant Eddie Vedder et Kurt Cobain dansant ensemble lors des MTV Awards de 1992 (merci les vieilles archives dévoilées dans PJ 20...). Voici à ce propos quelques éclaircissements intéressants tirés de l'excellent bouquin "Everybody Loves Our Town".



















Amy Finnerty (directrice des programmes de MTV à l'époque) : Eric Clapton était sur scène, qui chantait Tears In Heaven, et nous on était sur le coté de la scène. Il y avait Courtney, moi, Kurt, Eddie, et quelques autres. On dansait tous les uns avec les autres, et on changeait comme ça régulièrement de partenaire. Il y a un moment ou on s'est tous regardé en réalisant qu'on était tous du même cru, qu'on était tous du même mouvement. je me souviens Courtney me disant "on doit faire en sorte de les faire danser tous les deux"

Courtney Love : Eric Clapton jouait Tears In Heaven, un morceau sur son fils qui était tombé d'une fenètre. J'ai poussé Kurt dans les bras d'Eddie, et Eddie dans les bras de Kurt, et puis j'ai ris, juste un petit gloussement, parce que c'était génial, j'ai adoré ça. Ils dansaient ensemble, c'était trop mignon.

Eddie Vedder : Qui a pris l'initiative? C'est une bonne question. C'est ça qui est énorme : personne en fait.

Amy Finnerty : C'était juste un super beau moment, parce que ça signifiait la fin de la querelle. Je me souviens moi et Janet, une copine qui était là, sautant dans tous les sens l'air de dire "Yes, ils l'ont fait". Tout était bien après ça.

Dave Grohl : Ouais, un putain de sommet. C'était tellement ridicule, et ça avait pris de telles proportions. Je me souviens les deux ensemble souriant et se serrant dans les bras - et d'un seul coup, Seattle était ok (rires)

La vidéo complète ici