Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

24/12/2011

Communiqué important : l'ANPE en rupture de bassiste pour les Melvins...

Pour fêter Noël, rien ne vaut une bonne partie de rigolade... Originellement paru sur Vs n°8, devenu depuis l'excellent magazine Noise, voici un petit résumé tout en finesse de la horde de bassiste passé chez les Melvins... Par François Massacre...

Les Melvins un trio? Ha, vous plaisantez. Car nul n’est censé l’ignorer: dans la mathématique Melvinsienne, 2+1 sera toujours égal à 2. On a beau préférer Joe Preston à Mark D, trouver l’ère Lorax de meilleure facture que l’ère Lukin, se dire que Rutmanis avait du style et était parti pour durer, que Trevor Dunn (ignominieusement oublié dans ces lignes) aurait bien fait l’affaire, les trouver tour à tour uniques, talentueux, défoncés, paresseux, vaniteux ou exemplaires, il n’en reste pas moins que la grande valse spinal-tapesque des bassistes des Melvins témoigne paradoxalement de la souveraine infaillibilité du couple Osborne/Crover, seuls maîtres à bord de leur navire. Retour cursif sur 23 ans de flux et de reflux.

MATT LUKIN

Melvins de : 1983 à 1987
A joué sur : The Mangled Demos From 1983, 6 Songs, 10 Songs, Gluey Porch Treatments
Autres groupes : Mudhoney
Signe particulier : premier bassiste des Melvins, allergique aux maths.
Buzz : «La rumeur dit qu’il est devenu un born-again Christian, mais c’est sûrement des conneries»
Dale : «La rumeur dit que c’est un born-again»

LORAX

Melvins de : 1988 à 1991 (puis en 1993 ?)
A joué sur : Ozma, Bullhead, Eggnog, Your Choice Live Series, Houdini
Autres groupes : Clown Alley (avec Mark Deutrom)
Signe particulier : fille de Shirley Temple, seule Melvins de sexe féminin, on l’a dite morte par overdose, ce qui n’est pas confirmé.
Buzz : «Qui sait ? Pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Elle a rencontré les «Beetles» backstage… Elle est loin, très loin!»
Dale : «Un jour elle a piqué une crise simplement parce que j’avais dit qu’on était des nerds»

JOE PRESTON

Melvins de : 1991 à 1992
A joué sur : Joe Preston, Nightgoat, Lysol
Autres groupes : The Whip (avec Jared Warren et Scott de Karp), Witchypoo, Men’s Recovery Project, The Need, Earth, Sunn O))), Thrones (son projet solo), High On Fire…
Signe particulier : caractère trempé, un peu paresseux, génial par ailleurs. S’est brouillé avec la moitié des groupes sus-cités, avec Buzz en particulier. Vient de quitter High On Fire. On l’aurait aperçu jouant du marteau piqueur pour le prochain Sunn O))).
Buzz : «La rumeur dit qu’il serait sur le point de terminer un master spécialisé en Sciences Actuarielles»
Dale : «Le torse de Joe est aussi poilu que celui de Paul Stanley»

BILLY ANDERSON
Melvins de : 1993 à 1993
A joué sur : Houdini
Autres groupes : Men Of Porn (avec Tim Moss et Dale Crover), Blessing The Hogs
Signe particulier : producteur/ingénieur du son au palmarès effrayant (High On Fire, Neurosis, Melvins, Swans, Sleep, Sourvein, Sick Of It All, Red House Painters, Om, Orange Goblin, Neurosis, Mr. Bungle, Fantômas, Eyehategod, Crisis, Cathedral, Buzzov’en, Asva, Altamont…)
Buzz : «La rumeur dit qu’il pratique une chirurgie d’effacement de tatouages intensive et qu’il serait sur le point de soutenir sa thèse de doctorat en Pharmacologie»
Dale : «Le surnom de Billy est Shredlocks ! (Ndlr : chevelure en lambeaux

GENE $IMMON$

(Ndlr : « S » transformés en « $ » sur l’initiative de Buzz)
Melvins : Jamais
A joué sur : quelques morceaux live sur une poignée de concerts des Melvins entre 1993 et 1994, dont une version de son propre morceau «Going Blind», qu’il décide alors de réintégrer au set de Kiss.
Autres groupes : Kiss
Signe particulier : aurait amené son lecteur de K7 à réparer après avoir écouté la version de «Going Blind» sur la demo-tape d’Houdini, pensant qu’elle était lue à la mauvaise vitesse.
Buzz : «La rumeur dit qu’il est gay, complètement à la rue et non-kasher»
Dale : «J’aurais cru que jouer avec nous le ramollirait»

MARK DEUTROM

Melvins de : 1994 à 1997
A joué sur : Stoner Witch, Prick, Stag, Honky, une partie d’Electroretard, Alive At The Fucker Club
Autres groupes : Clown Alley, Mark D. (solo)
Signe particulier : chapeau
Buzz : «La rumeur dit que c’est un mec bien. Un cow-boy grincheux, wannabe, déchu ou quelque chose comme ça. On a entendu dire qu’il nous HAIT… ce qui est intéressant»
Dale : «Mark était le cow-boy grincheux»

KEVIN RUTMANIS

Melvins de : 1997 à 2004
A joué sur : The Maggot, The Bootlicker, The Crybaby, une partie d’Electroretard, Hostile Ambient Takeover, Pigs Of The Roman Empire, Never Breathe What You Can’t See, Sieg Howdy, Colossus Of Destiny
Autres groupes : The Cows, Tomahawk
Signe particulier : détient le record de longévité de la discipline «bassiste des Melvins»
Buzz : «La rumeur dit que c’est un mec bien ou quelque chose comme ça… On a entendu dire qu’il nous HAIT… ce qui est intéressant»
Dale : «J’ai entendu dire qu’il s’était mis à peindre. Mais j’ignore s’il peint des maisons ou des tableaux»

JARED WARREN
Melvins de : 2006 à ?
A joué sur : le prochain album studio (A) Senile Animal
Autres groupes : Karp, Tight Bros From Way Back When, The Whip, Big Business
Signe particulier : pas encore viré
Buzz : «La rumeur dit que c’est un mec bien. Ça reste à voir»
Dale : «Un jour, Jared et moi, nous avons fait une partie de bowling avec Ed McMahon (acteur et producteur américain). Sans blague!»


COADY WILLIS (batteur)

Melvins de : 2006 à ?
A joué sur : le prochain album studio (A) Senile Animal
Autres groupes : Murder City Devils, Dead Low Tide, Big Business
Signe particulier : pas bassiste, gaucher, pas encore viré
Buzz : «Orthographe déformée de son nom de Baptême. Ses couteaux à beurre sont tout noirs au bout»
Dale : «Ne cherche pas Coady. Il te botterait le cul!»

PATTON (homme à tout faire)

(Ndlr : rajouté à la liste sur l’initiative de Buzz)
Melvins : jamais
A joué sur : The Crybaby, tous les concerts avec le FantômasMelvins Big Band
Autres groupes : Faith No More, Fantômas, Tomahawk, Peeping Tom, Mister Bungle, Maldoror, Lovage, Mike Patton (solo) …
Signe particulier : juif fier et patenté, co-dirige le label Ipecac
Buzz : «Bottait des culs Nazis dès son plus jeune âge, guerrier-poète mystique dans le sens classique du terme»

Sacrés foutus Melvins, là on a un sens de l'humour qui décape plus que le nouveau Le Chat Machine, c'est moi qui vousl'dit... Sur ce, quoi de neuf pour cette fin d'année sur la planète grunge???

Pearl Jam, comme annoncé plus tôt par Sly, revient à Arras début juillet, et accessoirement en Europe pour une tournée des festivals,

Mark Lanegan partout en Europe (mais vraiment partout, même en Finlande, même en Pologne, pour un peu il aurait pu aller au Liechtenstein que j'aurais pas été étonné plus que ça...) de fin février à début avril... Bon : sauf en France... 31 dates exactement, et rien en France... Putaing de bordel d'enculés de promoteurs qui nous cassent vraiment les c*******... On n'est vraiment pas gâtés nous ici...

Soundgarden qui commence à annoncer des dates en Europe pour début juin... Champagne!!!!!! Rien en France pour le moment, mais je serais pas étonné que ça vienne, d'autant que le Hellfest se tient à la mi juin, et que la tournée PJ commence le 20 du même mois... Mathématiquement faisable donc pour la star des batteurs de Seattle, j'ai nommé Matt Cameron... Mais comme au Hellfest ils sont malins, si c'est le cas, on ne le saura que dans un mois ou deux, lors des prochaines annonces... Soundgarden aurait vraiment sa place à Clisson, ils pourraient botter le cul de bien des métalleux niveau riffs gras et puissants... Un nouvel album attendu dans le courant de l'année, tout comme pour Alice In Chains d'ailleurs, qui pourrait bien passer aussi dans le coin en 2012... Une bonne année qui s'annonce...

Sur ce, bonnes fêtes à tous... Prochain article sur un groupe précurseur du son de Seattle : The Blackouts...

18/12/2011

Seattle Grunge's Anecdotes : Kevin Wood en visite guidée sur la tombe d'Andrew

Kevin Wood (guitariste de Malfunkshun et frangin d'Andrew Wood) : Après la mort d'Andy, j'ai passé pendant longtemps énormément de temps à faire le conducteur de taxi, et il m'arrivait d'avoir des conversations avec lui, dans ma tête, et je rêvais beaucoup de lui. Un jour que je conduisais mon taxi, j'ai pris des touristes japonaises qui voulaient absolument voir la tombe d'Andy. Elles avaient pas idée que j'étais son frère. Je les ai prises à Winslow, au terminal des ferrys dans notre ville natale, et comme Andy avait été inhumé à Bremerton, je les ai emmené là bas. C'était vraiment bizarre comme trajet. C'était une bonne course pour moi, quelque chose comme 150$. Ces deux filles - elles avaient probablement tout juste 20 ans - parlaient à peine anglais, et elles ont eu un mal fou à me dire ou elles voulaient aller et ce qu'elles voulaient voir. Quand je leur ai dit que non seulement je savais ou c'était, mais qu'en plus j'étais son frère, elles en sont resté sur le cul. On a prit des photos sur la tombe - un truc de touriste typiquement japonais. J'ai posé pour quelques photos. En fait on s'est tous pris en photo les uns les autres. C'était juste des filles sympas qui étaient de vraies fans et qui avaient sauté dans le bon taxi. On étaient tous un peu sous le choc parce que c'était vraiment une expérience étrange. J'étais probablement autant sidéré qu'elles par ce qu'on a vécu cet après midi là...

Kevin Wood vient de reformer Malfunshun avec ses vieux potes Regan Hagar, Corey Kane (Satchel) et Shawn Smith (Brad, Satchel) au chant, le temps de promouvoir un disque de raretés intitulé Malfunkshun Monument et la réédition de Return To Olympus : Après la mort d'Andy en 1990, j'ai hérité de quelques trucs qui lui appartenaient. Des centaines d'LP, un couple de guitares et une pile de paroles de chansons perdues, qui dataient du début des 80's. J'ai toujours eu ça en tête, de faire quelque chose avec, et au printemps 2006 ça a prit forme...

03/12/2011

Seattle Grunge's Anecdotes : Supersuckers super prétentieux!!!

Les Supersuckers (originellement Black Supersuckers), de Tucson, Arizona, débarquent en 1989 à Seattle, pour tout sauf pour les bonnes raisons :

Eddie Spaghetti (chanteur et bassiste) : On ne voulait pas du cliché genre "on monte à LA", et Danny (Bland, guitariste de Catt Butt et bassiste des Dwarves, originaire de l'Arizona), qui était un ami à nous, nous avait dit "Vous les gars vous devez venir ici. Y'a au moins trois bars en ville pour jouer alors qu'il n'y en a qu'un à Tucson, et ici on peut garder facile son blouson de cuir jusqu'en mai". On a pensé que c'était vraiment une super idée parce qu'à Tucson il fait tellement chaud que les vaches sous leurs cuirs, elles en crèvent.

Ron Heathman (guitariste) : Tout était plus puissant ici : la bibine, l'herbe... On manquait jamais de rien ici à ce niveau là, et c'était un peu merveilleux comme sensation.

Eddie Spaghetti : On pensait que notre musique était énorme et qu'on allait être le meilleur groupe que Seattle ai jamais connu. On a vite déchanté! La scène locale était juste en train d'emmerger... Ça nous a électrisé de voir que cette musique agressive qu'on aimait était si populaire à Seattle.

Deux morceaux géniaux des Supersuckers dans la playlist Grooveshark à droite...

Les sources elles viennent de là...

27/11/2011

L'International Pop Underground Convention ou l'apogée de l'esprit Do It Yourself

Cette semaine là, Kurt Cobain était enlisé à l'autre bout du monde. Cette semaine là, le gratin mondial de l'indi rock convergeait vers Olympia, Washington States, pour un évènement extraordinaire : l'International Pop Underground Convention... Et le leader de Nirvana et accessoirement résident d'Olympia, ça le rendait un peu ronchon... :

Thurston Moore (guitariste de Sonic Youth) : A l'époque, on partait en tournée ensemble, et l'IPUC tombait juste au même moment. Je me souviens juste les avoir vu descendre de l'avion et venir vers nous. Un des premiers trucs que je lui ai demandé, c'est s'il aurait aimé joué là bas. Et il m'a juste répondu : Carrément!!!

Cette semaine là, c'était celle du 20 au 25 aout 1991, et, ironiquement, un mois plus tard, Nevermind sortait en enterrant une part de l'esprit punk pour un moment... On avait eu l'occasion de lire, un moment à l'avance, quelques annonces de l'évènement. Comme un déclaration d'indépendance :

Alors que l'ogre corporatiste étend toujours plus son influence rampante dans l'esprit d'une jeunesse industrialisée, le temps est venu pour les rockeurs du monde entier de se réunir afin de célébrer leur indépendance. Bourreaux des pantalons taille basse, nouveaux mods, marcheurs des voies étroites, filles de rêve chevauchant scooter, punks, éditeurs de tout fanzine énervé, conspirateurs de rébellions de toutes sortes, bibliothécaires du midwest et moniteurs de ski écossais vivant la nuit, êtes tous attendus à Olympia.

L'International Pop Underground Convention, c'est d'abord deux activistes invétérés de l'univers Do It Yourself, actifs sur la scène punk du north west depuis la fin des années 70, et à ce titre figures absolument incontournables de la scène locale, pré-grunge, j'ai nommé Candice Pedersen et Calvin Johnson, fondatrice et -teur du mythique label archétypal du DIY : K Records (celui là même dont le logo décorait la guitare de Kurt Cobain, grand ami et fan absolu de Calvin)... A ce stade bien sûr, comment ne pas évoquer aussi Beat Happening, pionnier du lo-fi, musicalement minimaliste, et influence prépondérante de nombre de petits punks des 90's. On reparlera de ça un autre jour, sinon on n'en finit plus, mais on fera remarquer ici le poids essentiel d'Olympia, de son université très à gauche, l'Evergreen State College, et de sa scène indé (Beat Happening, le mouvement Riot Grrrl, Bikini Kill, Bratmobile, Sleater Kinney ou encore le Kill Rock Stars label...) sur la scène du north west étasunien, et conséquemment, sur la scène indé américaine et mondiale... Calvin Johnson donc, évoque l'idée d'amener tous les cinglés ayant la même idée de la musique, les groupes underground du pays entier, ou les propriétaires de petits labels indépendant dans un endroit ou ils pourraient tous se rencontrer.

A l'été 1990, un premier essai organisé sur la Steamboat Island chez Pedersen et estampillé K Records, barbecue à la cool qui vira subitement à une nuit dansante complètement frénétique, s'est révélé succès probant. De là germa l'idée chez ces deux zigotos du « fait le toi même » de le faire plus soi même et plus longtemps... L'isolement est un facteur majeur du succès de la scène d'Olympia, comme de celle de Seattle d'ailleurs, et les groupes du cru, à l'époque, se satisfont grandement de jouer les uns pour les autres... Pourquoi alors ne pas amener tous ces groupes actifs ailleurs, dont on entend parler, ceux qu'on n'a croisé à Olympia ou à Seattle que le temps d'un concert parmi d'autres au sein de tournées toujours trop speed, ou encore les amis œuvrant dans le pays entier pour la même cause, à se rencontrer.

Candice Pedersen : La question qu'on s'est posé, c'est simplement : qu'est ce qui nous ferait plaisir? Qui voudrait t'on voir? Qui est ce qui nous manque qu'on voudrait rencontrer? Venez chez nous!!!

Calvin Johnson : C'était une idée audacieuse d'organiser quelque chose comme ça. On vendait difficilement les disques du label, et personne n'avait jusque là vraiment prêté attention à ce qu'on faisait. On s'est donc dit que si juste ceux qui faisaient la musique se pointaient, ce serait un succès. Et puis en fait d'autres personnes se sont pointés aussi, donc c'était super...

L'idée s'arrête sur six jours de rencontres, concerts, mais aussi piques-niques, poésie, lectures publiques, concours de gateaux et projection grand écran de « La planète des singes ». Coté musique, on signale entre autres Unwound, Jack Off Jill, L7, the Fastbacks, the Spinanes, Girl Trouble, the Pastels, Kicking Giant, Rose Melberg, Seaweed, Scrawl, Nation of Ulysses, Some Velvet Sidewalk, Fugazi, Mecca Normal, Beat Happening, Jad Fair, Thee Headcoats, the Melvins ou encore Steve Fisk.

La première soirée de la convention restera pour tous l'évènement marquant de la semaine, et ce même 20 ans après. D'abord parce qu'en tant que soirée inaugurale, ce fut le moment chaleureux ou toutes les personnes qui se connaissaient seulement via les fanzines reçu de l'autre bout du pays, ou par téléphone, purent enfin faire connaissance et s'éclater ensemble. Ensuite parce qu'elle reste gravé comme une étape majeure de l'émancipation féminine dans l'univers rock. "Love Rock Revolution Girl Style Now", plus communément appelé « la nuit des filles », propose alors une affiche entièrement féminine, avec Bratmobile, Heavens to Betsy (premier groupe de Corin Tucker de Sleater Kinney), the Spinanes, Jack Off Jill, Nikki McClure, Lois Maffeo, Jean Smith de Mecca Normal, 7 Year Bitch, Toby Vail en solo et deux projets parallèles de Kathleen Hanna (Bikini Kill). Certaines d'entres elles jouant pour la première fois devant un public, dans un esprit total DIY. Pour le reste de la semaine, les participants ne parleront que de cette nuit des filles. Selon Pedersen, la convention aurait pu se terminer dès cette première soirée :

Candice Pedersen : C'était tellement sensationnelle que c'en était difficile pour tous d'exprimer ce qu'ils avaient ressenti lors de cette soirée. Peut être que c'était comme de voir le Velvet Underground pour la toute première fois. On ne pouvait pas mettre de mots dessus, parce qu'on avait jamais vu ni entendu un truc pareil.

Rebecca Gates (chanteuse et guitariste des Spinanes) : La Girl Night a été pour moi un cadeau extraordinaire. J'étais heureuse d'être capable de jouer. Je pourrais écrire des pages sur les mérites et inconvénients d'un tel projet, mais je vais seulement me limiter à répéter ce qu'un de mes amis disait : « On a entendu ce que pensent, veulent et sentent les hommes depuis pas loin de 2000 ans. On a écrit comme les hommes nous l'avait dicté, d'une manière formaté. C'est l'heure d'injecter un peu de féminin dans le monde ». Est ce qu'il était vraiment nécessaire d'insister là dessus en créant une telle atmosphère? Je pense que oui. Personnellement j'ai été pris de vertige et Scott était bouleversé par le nombre de gens présents. C'était la première fois qu'on jouait devant un public.

La « Girl Night », sans marquer le démarrage effectif de l'insurrection « Riot Grrrl », qui prendra vraiment forme avec l'action combinée des fanzines et autres meetings l'année suivante, en sera toutefois l'élément galvaniseur. La douzaine de participantes à cette nuit mythique deviendront les fers de lance d'un mouvement féministe perçu comme exemplaire même encore en 2011...

Ce serait cependant faux de dire que l'IPUC reste pour tous les participants comme un moment de référence de l'histoire de l'indi rock. Donita Sparks d'L7 y verra juste un concert super cool de plus. Mais pour grande majorité des personnes présentes, la convention a été vécue comme un évènement réellement intense, alimenté par les discos party qui s'étiraient jusqu'au petit matin, et les concerts éclectiques de la journée, partagés entre la pop minimaliste d'un Beat Happening, le punk furieux d'un Fugazi ou le sludge des Melvins... Pour certains comme Rose Melberg, qui monta pour la première fois sur scène lors du Girl Night, l'IPUC changea leur vie. Olympia s'est vu à l'époque littéralement envahie par un nombre de fans et de musiciens dont la plupart des américains n'avaient jamais entendu parler. Bars, restaurants, nombres de logements accueillirent tout ce petit monde... Pour exemple, les Pastels de Glasgow, Ecosse logeaient chez Pedersen, l'indi pop band Tsunami n'avait quand à lui, pas d'autres choix que de planter la tente après les derniers shows du jour sur le balcon du Capitol Theater. Certains pubs se retrouvèrent à sec après un jour ou deux.

Un certain Slim Moon (premier guitariste de Earth, ami de Dylan Carlson et Kurt Cobain et figure importante du mouvement grunge) profite de l'occasion, du haut de ses 23 ans, pour sortir de terre un tout nouveau label indépendant, Kill Rock Stars, et une première compilation du même nom... Du beau monde sur cette compil : Nirvana, Bikini Kill, Heavens to Betsy, Bratmobile, the Melvins ou encore Elliott Smith et d'autres artistes d'Olympia.

Slim Moon : J'étais nerveux parce que c'était le début d'une aventure pour moi et je voulais que le disque s'écoule bien... Relationnellement parlant, l'IPUC a été super pour moi, j'ai pu parler avec pratiquement tous les groupes présents.

Slim Moon vendra dans la semaine 300 copies d'un premier disque qui depuis s'est écoulé à 25000 exemplaires. Mais son initiative est à mettre en avant dans le sens ou elle est emblématique de l'esprit de la convention. K Records avait voulu faire de l'évènement quelque chose de pas uniquement musical, mais plutôt d'y refléter la culture punk dans toute son étendue, sa propre conception de la culture punk d'ailleurs. Punk dans l'attitude et pas seulement dans la musique. Lourdement influencés par l'éthique DIY, les groupes d'Olympia et Beat Happening au premier rang, penchaient fortement en faveur d'une musique brute, primitive, lo-fi, délibérément tentée d'amateurisme, de naïveté, refusant la technicité musicale et supportée par des slogans du genre : « Apprend comment NE PAS jouer de ton instrument » ou « Tu n'as pas à sonner comme le parfum à la mode du moment, tout ce que tu as à faire est de sonner comme toi même ». Un retour aux sources sans concessions, l'idée étant de retrouver la passion, le coté fun de la musique sans s'embarrasser des conventions du milieu, et d'effacer la distance entre musiciens et public. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Johnson et Pedersen ont appelé ça « convention » et non « festival ». On vient au festival pour écouter de la musique live, à la convention pour rencontrer les autres. Cette façon de voir les choses en a étonné plus d'un :

Jean Smith (Mecca Normal) : J'ai pensé en moi même « Est ce que ça veut dire quelque chose? ». J'étais une punk rockeuse totalement en colère, dans l'esprit. Ok, je participe à ça, mais qu'est ce que ça veut dire vraiment? Je tentais d'analyser la chose : comment cette manifestation qui était ouverte à tous, qui était réellement faite pour nous faire nous rencontrer dans la joie, pouvait être en conjonction avec des performances punk rock agressives?

Aujourd'hui on peut légitimement se poser la question de ce que veut dire le mot « punk »? Pour les gosses de 2011, on peut faire carrière dans le punk. En 1991 à Olympia, on était à mille lieux de ça. Etre punk c'était avant tout prendre le pouvoir, dans la droite lignée du hardcore 80's américain. C'était en quelque sorte une tentative de survie mentale. PUNK = POWER. Prendre le pouvoir, mais sans forcément être agressif. Pour ces gars et filles là, ça voulait dire monter son propre label, aider ses copains musicos à trouver des plans concerts, créer une émission radio, éditer un fanzine... C'était avant tout une manière de se définir soi même et avec, de définir son monde. Une manière de garder et cultiver ses propres valeurs sans les voir altérer par l'establishment en place.

Allison Wolfe (Bratmobile) : Le but ultime de ce que nous faisions était le DIY, créer par soi même, créer par nous même. Donc effectivement, quand les médias sont arrivés, ça a détruit ça. Parce qu'on voulait se représenter nous même à travers nos propres moyens, nos propres médias. Et donc ça a plus ou moins détruit ça. Personne parmi nous n'avait vraiment les outils pour faire avec ça. Pas moi pour le sûr.

Un mois après l'IPUC, la sortie de Nevermind attire tous les chacals de l'industrie musicale à Olympia. Les médias se mettent à voir les Riot Grrrl non comme des agitatrices féministes, mais comme des faiseuses de mode. Tout le monde aux US se met à voir Olympia comme un petit LA, en ne voyant que le succès artistiques des groupes du cru, mais pas l'éthique DIY... Les participants à l'IPUC n'avaient pas spécialement idée qu'ils étaient au crépuscule d'une époque, et à l'aube d'une autre, celle ou le monde du rock indépendant se scinderait en deux parties : ceux qui veulent être les prochains Nirvana, et ceux qui tenteront de rester jusqu'au bout dans cette esprit punk originel. C'est bien là la césure entre Olympia et Seattle. Entre la petite DYI, anti professionaliste, exaltant l'amateurisme, résistant à la hiérarchie et la grosse vendue aux majors...

Rebecca Gates : Je pense que beaucoup de monde aujourd'hui voit l'IPUC comme à la fois un sommet et le début de la fin d'un certain état d'esprit. J'entends souvent des gens en parler, expliquant que les choses ne seront jamais aussi bien qu'à cette époque, mais je ne pense pas comme ça. Partout dans le pays et dans le monde entier, il y a des gens qui ont peu ou prou la même idée de comment envisager la musique, le travail et la vie en général. C'était génial à l'époque de partager quelques jours avec des gens comme ça. Ça m'a donné l'énergie de continuer à travailler sur des projets qui étaient important pour moi. C'était génial d'aller prendre un café avec des gars que j'avais juste rencontré brièvement auparavant, ou avec qui j'avais juste échangé des lettres. C'était super de ne pas être la personne la plus mal fringué du coin juste pour une semaine...

Globalement, l'IPUC a vraiment galvanisé, soudé, lié, uni la scène rock pop punk underground, joignant en un seul endroit musiciens, proprio de label indépendants, et fans, pour une déclaration d'indépendance face à la machine à fric : Les laquets de l'ogre corporatiste ne sont pas admis ici.

Calvin Johnson : Ça a montré que les idées qu'on avait, notre façon de faire les choses n'étaient pas si utopiques...

L'IPUC reste un modèle du genre, et un idéal pour nombre de musiciens engagés de la planète, et a engendré quelques petits pas si petits que ça, comme le biannuel Yo Yo A Go Go Festival ou le désormais connu Ladyfest, tous deux basés originellement à Olympia. Originellement, car le concept du Ladyfest a depuis émigré partout dans le monde, jusqu'à Amsterdam, Glasgow ou Madrid. Et en France à Paris bien sûr, mais aussi Toulouse, Bordeaux ou Dijon... La preuve que tout est affaire de motivation et d'envie...

Se rencontrer physiquement en tant qu'alliés est impératif, particulièrement aujourd'hui ou les liens se forgent surtout via internet. C'est important de voir le Ladyfest dans le contexte d'une culture particulière, de voir les femmes de notre propre territoire créer, organiser, performer live – et c'est une manière efficace de créer et renforcer nos réseaux...

L'esprit de l'International Pop Underground Convention est plus que jamais vivant!!!! En bonus, un extrait live de Beat Happening lors de la Convention, ainsi qu'une vidéo bucolique du cake walk organisé durant la semaine, là ou l'on s'aperçoit de l'ambiance bon enfant, réellement spontanée et simple, et de l'importance apportée à la création de liens durant l’événement... Ou comment s'amuser, créer de bons moments avec rien... Le site de K Records : ... Celui du Kill Rock Stars : ici... La photo ci devant, c'est celle de la compil live qui documente l'évènement... Plus d'une vingtaine de morceaux des groupes les plus emblématiques de l'époque, et de l'esprit DIY... Un petit extrait d'ailleurs dans la playlist Grooveshark à droite : L7 et Packin' A Rod...




23/11/2011

Concert intégral Melvins Hellfest 2011!!!

Sans commentaires...



Jimmy Bower (batteur de Down et guitariste d'Eyehategod, qu'on peut voir sur le bord de la scène en compagnie de Phil Anselmo, et qui termine le set en lieu et place de Crover) : Ce sont les Melvins qui m'ont poussé à apprendre la guitare, mon deuxième tatouage vient aussi de là, c'est juste mon groupe préféré de tous les temps! La plus grande influence d'Eyehategod avec Black Flag!

20/11/2011

Seattle Grunge's Anecdotes : Slim Moon et les joies de la colocation

Slim Moon (premier guitariste de Earth et fondateur du Kill Rock Stars label) : Moi et Dylan Carlson avons bougé à Seattle en 1990, avec ces deux gars d'Ellensburg - Nate Hill, qui était dans un groupe appelé King Krab, et Lanegan, des Screaming Trees. A cette époque, il enregistrait son premier album solo. Je pense que Dylan et Kurt (Cobain) se droguaient déjà ensemble à ce moment, bien que Dylan n'était pas encore à fond dedans. Mais j'ai commencé à ne pas me sentir en sécurité avec Dylan, pas par rapport à lui spécialement, mais parce qu'il était tellement à fond dans sa passion des armes.

Il y a eu ce moment effrayant ou Krist Novoselic est venu à la maison. La porte d'entrée était fermée à clé, ce qui était inhabituel, et il était tard dans la nuit, mais Krist avait vraiment besoin d'un endroit ou se poser, parce qu'il était bourré. Donc il s'est démerdé pour grimper sur le toit et tenter d'ouvrir une des fenêtres du premier étage. Il y arrive finalement, jette un œil à l'intérieur et... se retrouve avec un flingue pointé droit sur lui. Il s'était avéré que Dylan ne l'avait pas entendu frapper à la porte, et s'était levé parce qu'il avait bien entendu, par contre, qu'on tentait d'ouvrir une fenêtre du premier. Il avait pris son flingue. Heureusement, malgré toute la bravoure dont il aurait certainement pu faire preuve pour tirer sur un intrus, il a été suffisamment patient pour tenter de voir qui c'était.

Ça m'a trop foutu les boules, mais Krist et Dylan trouvaient ça juste trop poilant. C'était une autre bonne histoire. Mais ça a été une de celles qui m'ont définitivement aidé à quitter Earth et à retourner vivre à Olympia.

Photo : Dylan Carlson, Mark Lanegan et Kurt Cobain...

06/11/2011

Eddie Vedder = Better Man


A un certain point, tu dois gagner le droit d'être heureux. C'est un challenge pour chacun d'entre nous. Peut on être heureux pour un jour entier? Ou pour deux à la suite? Eddie Vedder


On devrait être sa propre idole. Son propre modèle... Loin de moi l'idée de faire de la philosophie à deux balles, mais il me semble que la Vie est une expérience un peu courte et qui passe plutôt vite. Il me semble aussi que trouver le bonheur en est la quête essentielle, au delà de se faire du blé, comme ça semble être le cas pour quelque uns de mes concitoyens... Attention : l'argent et le bonheur, c'est pas pareil... On peut réussir dans la vie tout en foirant complètement sa vie... Alors moi mon idéal de vie il s'est nourri de ça : ce qui m'en apporte vraiment, du bonheur, c'est des choses hyper simples : le partage, la fraternité, le respect de l'autre, et un retour sur soi régulier qui permet d'avoir du recul sur sa propre vie, et ma foi de trouver le moyen de rire de soi... Important ça l'humour... Bon, moi c'est ma conception du truc, tous ne seront pas d'accord avec ça, mais au moins je garde ma conscience pour moi : j'ai peu de fric, mais pas la conscience lourde de me dire qu'en tant que trader ou même simple boursicoteur, je participe à plus d'inégalité dans le monde. Pas la conscience lourde de me dire qu'en tant que vendeur de pesticides ou entreprise pétrolière, je participe à faire crever mon voisin et la Terre elle même... On devrait toujours réfléchir aux conséquences de ses actes... J'en suis là...

On devrait être sa propre idole. Son propre modèle. De la musique, il en est passé des flots entre mes deux tympans. Des groupes soi disant géniaux, il en est passé des camions sur mes platines. Mais bien peu ont retenu mon attention sur la longueur, qui faisaient réellement preuve d'authenticité, d'éthique, de respect, d'indignation, d'intégrité, de générosité. Le rock n'roll, bordel, c'est ça, c'est une révolution permanente, c'est pas seulement un plaisir auditif. C'est ma conception du truc et tous ne seront pas d'accord avec moi. J'en suis là...

Moi j'ai lâché les idoles depuis un moment. A 33 ans il est temps d'essayer d'être son propre fan. Mais je dois avouer, bêtement, que certains, de modèles, ont bercé mon adolescence, et, bêtement, m'ont été d'un grand soutien dans les moments de blues pré adultériens... Et à l'époque, c'était essentiellement des musicos, et essentiellement des musicos de Seattle en fait. Un mec comme Kim Thayil par exemple, cet espèce de moine bouddhiste du grunge. Mais celui qui a eu le plus d'impact sur moi, ben c'est Ed Vedder... Eddie Vedder est typiquement le gars qui a pas eu la vie facile, né au sein d'une famille de classe inférieure, sans fric, pas aidé par son père qui en fait, de père, ne l'était pas. Un gars déchiré intérieurement. Un type qui, devenu star interplanétaire, a eu beaucoup de mal à dealer avec le succès. Mais un type qui a toujours su garder un sens de l'authentique, une intégrité sans faille. Un type qui a toujours su s'écouter, au point de faire de son statut une sorte de thérapie. Un type d'une douceur et d'une générosité sans nom, qui pourtant ne met pas deux secondes à s'insurger contre la connerie humaine, contre l'hypocrisie d'un monde qui n'hésite pas à sacrifier l'humain sur l'autel du fric... Un mec d'une humanité impressionnante. Il n'y a qu'à voir sa façon d'être avec ceux qu'il croise pour savoir qu'il a toujours érigé en règle absolu le respect de l'autre.

J'ai une estime sans bornes pour Eddie Vedder. Les valeurs qui suintent de ce gars, ben c'est bien celles que j'essaie de développer dans ma propre vie, et en cela, qui sait, il se pourrait bien qu'il ai participé à faire de moi un mec pas trop mauvais. Ce gars est un génie malgré lui... Car je ne suis pas le seul dans ce cas... Le succès de Pearl Jam est bien sûr dû à sa musique, extraordinaire, belle, pleine d'émotions, humaine simplement. Mais aussi et surtout à son leader. On ne doit pas s'étonner qu'il y ait autant de fans ultra-fidèles de Pearl Jam dans le monde. C'est peut être le groupe actuel qui peut se targuer d'avoir le plus de fans ultimes. Ceux là ne sont pas que de simples fanas de musique... Pearl Jam représente des valeurs qui les touchent, et en ce sens l'âme du groupe, Eddie, le véhicule de cette humanité, est très certainement le type de gars bien plus important dans le monde occidental que n'importe quel maître à penser ou politicien, en ce sens qu'il transmet cette humanité là à chaque concert et à chaque prise de position. Ce mec nous change. Ce mec change le monde. Truc de ouf quand on y pense : ce mec change le monde rien que par sa manière d'être, son sens de la générosité... Et la générosité, c'est contagieux...

Eddie Vedder : Cette reconnaissance envers nos fans fait partie intégrante de l'image que véhicule Pearl Jam. Ce que je vois aujourd'hui à nos concerts, ce sont aussi bien des familles, des couples, que des jeunes et des amis... Un public vraiment hétéroclite. Ces gens là sont réunis autour d'une seule et même chose : l'amour de la musique. Comment dès lors ne pas se sentir redevable? Je sais que c'est ce qui fait souvent la différence, pour beaucoup de gens, quand on parle de nous. C'est une chose qui revient et j'en suis tout particulièrement fier. Mais il ne faut surtout pas croire que c'est une attitude forcée, ou quoi que ce soit. C'est naturel. Cela vient de la relation que nous entretenons nous même à la musique.

Eddie est quelqu'un qui a su s'attirer le respect de tous à Seattle, ce qui n'était absolument pas évident au commencement : chanteur absolument pas natif du coin, et qui plus est d'un groupe qu'un certain nombre qualifia de "vendu". Humanité, générosité, don de soi reviennent souvent dans la bouche de ceux qui le côtoient...

Robin Taylor (organisateur de concerts) : Eddie Vedder est un saint - rapport à tout ce qu'il a fait pour le rock et la ville en général.

Libby Knudson (photographe et amatrice de concerts) : Je ne connaissais pas Eddie avant qu'il soit un de mes clients (elle tient une boite d'agencement d'intérieur), et que je conçoive son chez lui. Un jour que je bossais chez lui, il est arrivé avec un bandana dans les mains. Il était là : "Je sais pas quoi faire avec ça". Il était en train de faire le ménage dans ses affaires. Il avait rencontré cette fille dans un magasin, et elle lui avait donné ce bandana en lui disant : "Mon petit ami t'adorait. Il est mort dans un accident de moto. C'est son bandana". Et Eddie était là : "Qu'est ce que je fais avec ça? Je peux décemment pas m'en séparer. Je peux juste pas". En l'entendant, j'ai pensé "Mon gars, ta mémoire est entre de bonnes mains, tu ne seras pas oublié de si tôt..."

Carrie Brownstein (chanteuse guitariste de Sleater Kinney) : J'ai rencontré Eddie à Seattle en 1998, au Crocodile Café. Sleater Kinney y jouait ce soir là et Eddie est arrivé, s'est présenté à nous et nous a dit que pour lui, c'était comme si il était devant Jagger et Richards. C'est un compliment qu'une fille n'entend pas si souvent. C'est pas comme si il avait flatté mon ego, mais c'est quelque chose que j'ai appris plus tard d'Eddie : il n'a pas peur d'être un simple fan, et la musique est tout pour lui. (…) Il est souvent sur le bord de la scène à regarder les groupes qui ouvrent pour Pearl Jam. Même avec son propre groupe, parfois on peut le voir apprécier un solo de Mike Mc Cready. Parfois même il semble qu'il fait plus parti de l'audience qu'il est le propre chanteur du groupe.
Selene Vigil (chanteuse de 7 Year Bitch) : Quand Stefanie (Sargent - guitariste du groupe) est morte (d'overdose), Eddie Vedder m'a vraiment aidé à surmonter ça. J'étais perdu, je tombais folle. Une nuit que j'étais complètement à la ramasse, j'étais sur la jetée en centre ville avec lui, et j'étais vraiment trop bourrée. J'ai glissé et je suis tombé à l'eau, et Eddie m'a agrippé et m'a sorti d'affaire. Sans lui je me serais noyé.

La deuxième facette d'Eddie Vedder, c'est son indignation face à l'injustice du monde... Vous me direz, y'a de quoi!!!! Le fait que Pearl Jam soit un des groupes les plus politisés de la planète, sinon le plus politisé, est en grande partie dû à Vedder. Les prises de positions du groupe, contre Ticketmaster, ou Mtv, et plus tard contre le gouvernement Bush, la guerre en Irak, le Tibet sont désormais légendaires. Le soutien au Rock For Choice, les incalculables concerts de charité font partis intégrantes de l'histoire de Pearl Jam. Les causes environnementales préoccupent particulièrement Eddie, qui adhère aux valeurs de Earth First, organisation écolo radicale, et a fait le choix du végétarisme. Il s'est engagé aussi auprès de David Lynch et de sa fondation, afin de permettre d'enseigner la méditation aux enfants en difficulté... Amener les gens à se questionner sur le monde qui les entoure, c'est un des challenges d'Eddie Vedder... Petit florilège de pensées vedderiennes :

Eddie Vedder : Je crois qu'il est impossible aujourd'hui de ne pas se sentir responsable. (...) Le peuple ne comprend plus la politique, ses enjeux. Mais il faut que les gens comprennent que d'une certaine manière, ce sont eux qui ont le pouvoir. il faut qu'ils se battent pour leurs idées. Quelle que soit la solution qui s'offre à eux, il faut la saisir. Sinon, elle leur sera enlevée par la suite. Qu'ils réfléchissent bien : s'ils abandonnent chaque jour un peu plus de leur parcelle de pouvoir, bientôt ils n'auront plus d'emploi, ou seront exploités de manière encore plus significative. Bientôt, on enverra leurs enfants dans une autre guerre. Bientôt ils seront totalement à la merci de l'autorité. Que dois je faire en tant que citoyen américain? Attendre une autre guerre?

Quelqu'un qui vient à un concert de Pearl Jam s'attend à prendre du plaisir, et il en prend je crois. Il sait aussi qu'il vient voir un groupe engagé. Cela fait longtemps que nous nous battons pour des causes. La communauté rock s'est toujours battue pour des idées. Depuis ses débuts. A partir du moment ou je suis sur scène, à m'adresser au public, comment ne pas montrer de l'attention envers le monde qui m'entoure, comment ne pas exprimer ce que je ressens? (...) Ce qui m'importe le plus pour Pearl Jam et pour les gens qui nous écoutent, c'est de ne pas perdre la liberté d'expression. Je crois encore qu'un changement est possible. Pourtant, n'oublions pas que l’échéance se rapproche... Car quand je constate qu'à travers le monde, des quotidiens importants sont rachetés par des groupes d'armements, j'en viens à me demander ce qu'il reste de la liberté d'expression?
Je pense que la technologie ne nous emmène pas dans la bonne direction. Au lieu de nous aider et de nous rendre libre, elle nous rend esclave. C'est de ça que je parle dans le morceau Grievance, de ce que beaucoup dans ce monde ne voient pas et ne veulent pas voir. Pour chaque nouvel outil supplémentaire, on perd toujours plus d'indépendance et c'est vraiment la réalité. Tout va trop vite. La technologie est censée rendre les choses plus simples, plus faciles. Elle essaie de nous faire croire que c'est une nouvelle liberté qu'elle nous donne. Bien sûr, c'est facile et confortable de faire ses courses en ligne, sur internet. Mais d'un autre coté, qu'est ce qu'il se passe? On perd le contact avec les autres. On ne rencontre plus personne sauf sur le web, là où quoi que tu fasses, tu peux être tracé. Ils savent tout de toi, ils savent ce que tu achètes, ce que tu lis... Que devient l'individu dans tout ça?

Je pense que c'est un saine manière d'être, que de ne pas être en permanence engagé pour la planète, mais que de tenter d'accomplir quelque chose de positif. C'est une balance nécessaire à la vie. A un certain point tu te fiches de ce qui est dit dans la musique, le mieux que tu puisses espérer est que les graines soient plantées. Aucune musique n'arrêtera la guerre.

Susan Silver (manager de Soundgarden et Alice In Chains) : Un truc important à noter, c'est qu'il y en a un qui a rendu beaucoup de choses possibles ici et qui a fait un incroyable travail, publiquement, en privé, et caritativement aussi - et cette personne, c'est Eddie. Il a vraiment prit à bras le corps son statut de célébrité pour en faire quelque chose de bien, d'utile. Il a prit des positions en tant qu'artiste, il s'est forgé d'incroyables relations dans le monde de la musique. Et il a toujours su donner du respect aux personnes qui l'ont inspiré, et a soutenu constamment nombres de jeunes musiciens. C'est un super exemple de quelqu'un qui a supporté une grande pression tout en la transformant pour le bien commun. Pearl Jam a réalisé une impensable œuvre caritative. Ils ont tellement fait pour tellement d'organisations locales, nationales ou internationales. Sans avoir eu à sortir la moindre ligne de vêtements...

Voili voilou, que de belles valeurs : respect de l'autre, intégrité, indignation face à l'injustice, générosité... Bravo Eddie et infiniment merci... Comme le dit si bien une fan de PJ sur le docu PJ20 : "Je sais pas si ces gars se rendent vraiment compte tout ce qu'il nous ont donné"... Et pour ceux qui pensent qu'un peu de réflexion et de philosophie n'ont pas leur place dans un blog sur le grunge, je vous merde héhé. En lien, la page "Activism" du site officiel de PJ. En sus, une chouette vidéo d'Eddie, de Chris Cornell et de Pearl Jam lors du PJ20 Festival d'Alpine Valley d'avril 2011... Eddie y revient succinctement sur l'amitié profonde qu'il partage avec Cornell, une des premières personnes qu'il a rencontré à Seattle, et celui qui a su le soutenir face à la pression qu'il supportait...



Une des premières personnes que j'ai rencontré en dehors du cercle du groupe, est celui qu'on va accueillir maintenant. Je peux pas mesurer combien cette rencontre a affecté ma vie, ma relation à la musique, mon idée de l'amitié, et l'impact qu'a eu cet homme sur moi. J'aimerais introduire mon vieux compère Chris Cornell...

03/11/2011

Seattle Grunge's Anecdotes : Kurt et Eddie aux MTV Awards

On est tous au courant des inimitiées qu'entretenait Kurt Cobain à l'égard de Pearl Jam, et surement certains d'entre vous ont vu cette vidéo circulant sur le net et particulièrement visible sur Seattle Sound, montrant Eddie Vedder et Kurt Cobain dansant ensemble lors des MTV Awards de 1992 (merci les vieilles archives dévoilées dans PJ 20...). Voici à ce propos quelques éclaircissements intéressants tirés de l'excellent bouquin "Everybody Loves Our Town".



















Amy Finnerty (directrice des programmes de MTV à l'époque) : Eric Clapton était sur scène, qui chantait Tears In Heaven, et nous on était sur le coté de la scène. Il y avait Courtney, moi, Kurt, Eddie, et quelques autres. On dansait tous les uns avec les autres, et on changeait comme ça régulièrement de partenaire. Il y a un moment ou on s'est tous regardé en réalisant qu'on était tous du même cru, qu'on était tous du même mouvement. je me souviens Courtney me disant "on doit faire en sorte de les faire danser tous les deux"

Courtney Love : Eric Clapton jouait Tears In Heaven, un morceau sur son fils qui était tombé d'une fenètre. J'ai poussé Kurt dans les bras d'Eddie, et Eddie dans les bras de Kurt, et puis j'ai ris, juste un petit gloussement, parce que c'était génial, j'ai adoré ça. Ils dansaient ensemble, c'était trop mignon.

Eddie Vedder : Qui a pris l'initiative? C'est une bonne question. C'est ça qui est énorme : personne en fait.

Amy Finnerty : C'était juste un super beau moment, parce que ça signifiait la fin de la querelle. Je me souviens moi et Janet, une copine qui était là, sautant dans tous les sens l'air de dire "Yes, ils l'ont fait". Tout était bien après ça.

Dave Grohl : Ouais, un putain de sommet. C'était tellement ridicule, et ça avait pris de telles proportions. Je me souviens les deux ensemble souriant et se serrant dans les bras - et d'un seul coup, Seattle était ok (rires)

La vidéo complète ici

28/10/2011

Les greffés du Seattle Sound Part 1 : Ceux de Chicago

La communauté des musiciens à Seattle dans les années 80, malgré ce qu'on aurait tendance à croire, est loin d'être composée de "natives" comme on dit... J'entend par là : la majorité est né dans le North West, c'est indéniable, mais en fait pas mal des futurs acteurs du mouvement viennent d'ailleurs... Viendra un jour où l'on parlera du Montana (Jeff Ament, Bruce Fairweather...), de l'Ohio (The Gits, 7 Year Bitch, Alcohol Funnycar), mais comme on peut pas parler de tout à la fois, aujourd'hui on va s'attarder sur Chicago!!!

Chicago a donné au grunge de Seattle quelques uns de ses éléments les plus représentatifs, et on pourrait même avancer que sans Chicago, point de grunge!!! Pensez donc : sans Bruce Pavitt, point de Sub Pop, sans Kim Thayil et Hiro Yamamoto, point de Soundgarden. Ajoutez à cela un Stuart Hallerman ingé son, fondateur des fameux studios Avast à Seattle et à ce titre producteur pour entre autres Soundgarden, The Posies, Mudhoney, Sleater Kinney ou Queens Of The Stone Age. Ou un Matt Dentino à l'origine malgré lui de la rencontre avec Chris Cornell... Une première bande de potes qui débarquent à Seattle au tout début des années 80...

Matt Dentino (guitariste des Shemps) : Kim (Thayil), moi même, Hiro (Yamamoto), et Bruce (Pavitt) avons tous grandi à Park Forest, Illilois, banlieue sud de Chicago. J'ai toujours ça en tête... que le grunge est né à Park Forest.

Hiro Yamamoto (bassiste originel de Soundgarden et bassiste de Truly) : J'ai rencontré Kim quand j'étais en senior au lycée. On était tous les deux élèves au Rich Township High School, mais dans un programme spécial appelé ALPS (Alternative Learning Process School). Bruce Pavitt en était aussi. Là bas au ALPS, on n'avait pas vraiment de cours en classe, ni de grades à passer. On jouait beaucoup au frisbee... Déjà à l'époque Kim aimait discuter et était beaucoup dans l'introspection (rires). Il était vraiment dans la philosophie. Tu pouvais déjà dire qu'il réfléchissait en permanence à pourquoi il était sur Terre et à ce que tout ça voulait dire...

Matt Dentino : Je connais Kim depuis 1972. On était ensemble dans ce lycée alternatif à Park Forest. C'était une alternative au lycée traditionnel, mais ça ne m'a pas empêché d'en être viré parce que j'étais de mon coté plus alternatif encore... Tout ce que je faisais était de jouer de la guitare et étudier Jimi Hendrix.

Stuart Hallerman (ingénieur du son de Soungarden, propriétaire des studios Avast) : J'allais au ALPS - Kim Thayil avait 1 an de plus que moi. Un de mes grands amis d'enfance était Hiro Yamamoto.

Kim Thayil (guitariste de Soundgarden) : Au lycée, un de mes meilleurs amis était le premier frangin de Bruce Pavitt, et son plus jeune frère était dans un groupe avec moi appelé "Identity Crisis". Tom Zuzaut - qui a signé Motley Crue et Guns N'Roses, il était de l'age de Bruce Pavitt, une classe au dessus de moi - était le référent de la station de radio du lycée à l'époque...

Bruce Pavitt (co fondateur de Sub Pop Records) : Je connais Kim depuis qu'il a 11 ans, probablement. Il venait souvent chez mes parents à Park Forest. On est allé au même lycée alternatif ensemble. C'est un ami de toujours de notre famille.

Hiro Yamamoto : La première fois que je suis sorti de Park Forest, c'était après le lycée, quand j'ai bougé avec mon pote Stuart (Hallerman) sur Olympia. J'avais un boulot là bas, mais ça m'a saoulé et je suis retourné à Chicago.

Kim Thayil : En 1981, Hiro et moi étions tous les deux dans des groupes, avions tous les deux des copines, mais d'un coup nos groupes ont splittés, nos relations amoureuses aussi, et au final on n'avait pas plus de raisons que ça de rester. J'ai clôt mon compte bancaire - j'avais très peu de fric - et Hiro et moi avons chargé nos instruments dans ma vieille Datsun B210, et on a fait les 2000 miles jusqu'à Seattle. On est parti à Seattle comme on partait à l'aventure. Bruce était déjà là bas (qui s'était installé à Olympia en 1979 pour étudier à l'Evergreen State College), Stuart aussi. Bruce nous avait refilé des disques de groupes de Seattle et d'Olympia qui étaient vraiment excellents... The Blackouts, the Beakers...

Matt Dentino : En 1980, Reagan a été élu président. Je me suis dis qu'il fallait que je me barre, parce que j'avais 20 ans et que ce gars allait finir par me raser les cheveux et m'envoyer chez les Marines. Le jour même où Reagan a été élu, je partais à Seattle en bus, essentiellement parce que mon frère était étudiant là bas. (...) Quand Kim et Hiro sont arrivés, on sortait ensemble de temps en temps. En 1984, j'ai monté the Shemps. Hiro jouait de la basse, puis Kim l'a remplacé. Parfois je prenais la guitare, parfois c'était Kim... On jouait beaucoup de classic rock, parce que, premièrement, c'était facile à apprendre, et ensuite, il y avait beaucoup de soirées hippies dans le coin, et ça nous assurait des cachets. J'avais besoin de bosser. Je crevais de faim là bas, je vivais dans la penderie de Kim...

Hiro Yamamoto : Un de nos amis, Matt Dentino, qui était de Park Forest comme nous, était dans un cover band. Quand il était au lycée, c'était un vraiment bon guitariste - il jouait mieux que nous tous. Il jouait du rock n'roll dans ce cover band et avait posé une annonce dans The Rocket pour trouver un chanteur. Chris Cornell y a répondu, et comme il cherchait un coin ou crécher, il a finit par s'installer chez moi.

Putaing j'adore ces histoires, c'est dingue de voir la somme de coïncidences qui ont fait l'histoire du grunge... Parfois on se demande si les choses ne sont pas écrites... Houlé je crois que je me kimthayilise moi... Paraitrait que Soundgarden en termine avec l'enregistrement d'un nouvel album, qui, selon Kim Thayil justement, contiendrait certains morceaux aux relents de Sunn O))) ou Om... Ce qui tombe bien vu que ces deux groupes ont surement bien pioché dans les premiers Soundgarden... Un retour aux sources en gros, qui sent bien bon... Il serait pas impossible par ailleurs que Soundgarden passe en Europe l'été prochain, pas mal de rumeurs courant en ce moment, autant en Angleterre qu'en France, sur des passages au Download, au Main Square ou au Hellfest... Si ça pouvait être vrai!!!

En photo dans l'ordre : Kim Thayil, Hiro Yamamoto, Stuart Hallerman et Bruce Pavitt

Sources tirées de ces deux supers bouquins!!!

22/10/2011

Le dégoutant et enivrant Jim Rose Circus Sideshow!!!

Actuellement encore, personne ne sait vraiment ce qu'était le grunge. Je ne pense pas qu'il y ai jamais eu une quelconque histoire d'un son particulier que tout le monde aurait partagé. Mais si tu vois le grunge comme une communauté de gens qui ne se prennent pas au sérieux, alors tu es dans le vrai : il semble que c'était avant tout quelque chose comme ça... Doug Pray (réalisateur du docu Hype!)

A Seattle au début des 90's, cette communauté justement, bien que tournant essentiellement autour du gros son, est bien loin de n'être que ça... Je dirais même plus, elle est bien plus que cela... Au sein de ce patchwork de caractères bien affirmés dont on connait essentiellement les musiciens qui deviendront les dernières superstars du rock mondial avant l'avènement de... personne en fait, et ben on trouve un paquet de gars décalés, différents, pas pareils... Jim Rose est de ceux là.

Jim est né à Phoenix, Arizona, et c'est là qu'il commence à fréquenter des troupes de cirques itinérantes. Ses voyages sur le vieux continent, où il croise nombres de petits cirques sillonnant les routes de la vieille Europe, achèvent de le convertir au phénomène suscité... C'est même là bas qu'il montera son premier numéro, basé sur des techniques glanées au fil des rencontres. Il intitulera ça Le lit de clous et Regurgitatia... Tout un programme, pas besoin de vous faire un dessin... Car l'homme est un maniaque de la souffrance gratuite, un aficionado du gros bobo jouissif... Ses performances et celles de sa future bande seront d'ailleurs bien plus proche de l'esprit des freaks shows, bêtes de foire d'un autre siècle que des cirques traditionnels... L'idée est de choquer, de faire naviguer les spectateurs dans un panel d'émotions allant du bizarre au carrément gore... C'est à Venice Beach qu'il fait ses armes, avant de monter, allez savoir pourquoi, voir si Seattle est aussi chiante qu'elle le laisse présager... L'histoire, son histoire, est en marche...

V'là t'y pas qu'arrivé là bas, le gars, y' s'trouve des copains dans son style. Folie. Démence. Le Jim Rose Circus prend naissance et commence par simplement assurer les intermèdes lors des concerts, entre première partie et tête d'affiche. Entre deux, on s'emmerde, alors pourquoi pas regarder souffrir un mec qui s'attache par les piercings de ses tétons des objets aussi lourds que les riffs de Soundgarden... Why not... Véritable musée des horreurs pour les uns, souffrance indescriptible pour les autres, bonne partie de rigolade jaunissante pour tous, le Jim Rose Circus ne peut pas laisser de marbre. Ou alors on n'est pas humain... A l'époque le Jim Rose Circus, c'est ça :

The Enigma : l'homme qui mange de tout, vers de terre, sauterelles, mais aussi des épées... Tiens, pourquoi pas, une petite épée bien assaisonnée, ma foi... Celui là est bien connu de nombre d'entre nous : il a finit couvert de tatouages bleus, et la tête implantée de petites cornes de diables...

Mr Lifto, le fameux : celui qui se sert de tous ses piercings (oui oui de tous ses piercings, même celui de ses parties génitales...) pour y accrocher des charges invraisemblables et les soulever sans même se dire que c'est pas fait pour ça...

The Tube : le gars qu'a trouvé l'idée fantastique de s'enfoncer un tube depuis la bouche jusqu'à son estomac pour y ingurgiter tout ce que son copain Jim introduit, à l'aide d'une pompe, de liquides divers et variés... Le must c'est quand le copain Jim se sert de la pompe pour y faire revenir tous qui a transité dans l'estomac de The Tube... Le must du must, c'est quand un des spectateurs accepte de boire ce petit mélange stomacal.

Jim Rose, quand à lui, joue le maître de cérémonie, et à l'occasion, en bon masochiste, se met quelques clous dans le nez et se laisse monter sur la tête par des spectateurs pleins de bonnes intentions, bien que cette dernière repose gentiment dans une boite pleine de verres pilés. D'autres, au fil des ans participeront à la grand messe, entre autres certains membres des Dwarves, Bebe the Circus Queen, Torture King ou the Armenian Rubberman... Et des douzaines d'autres...

C'est en 1992 que le moment de gloire du Jim Rose Circus prend forme. Invité au Lollapalooza en compagnie de Pearl Jam et de Soundgarden, il accède à une notoriété inattendue...

Jim Rose : J'offrais toujours aux spectateurs une chance de monter sur scène et venir boire le vomi de the Tube. Un jour sur la tournée, Eddie Vedder l'a bu et la foule est devenue dingue. Puis Al Jourgensen de Ministry est arrivé, et ils se sont lancés le défi de savoir lequel des deux en boirait le plus. Finalement, à la fin de la tournée, Eddie avait clairement gagné...

Jeff Gilbert (journaliste et organisateur de concerts) : Un jour je suis allé à un show du Jim Rose Circus au Crocodile Café. Jim est venu me demander une faveur : "On va faire le petit jeu du "bois le vomi de the Tube", et je voudrais être sûr, comme la TV est là, que quand on demandera un volontaire pour ça, quelqu'un saute sur la scène et le fasse". Donc j'ai dis "Ok je le fais". Arrivé à ce point du show, Jim a demandé "Qui veut boire la bile?". A ce moment, normalement, l'assistance refuse catégoriquement. Donc j'ai sauté sur scène. Mais Eddie était aussi là, il s'est faufilé devant moi, m'a prit le verre des mains et l'a enfilé aussi sec. Sur la vidéo, tu peux me voir lui tourner autour, le serrer de près, et lui foutre le nez à tremper dans le contenu du verre... Et je lui ai chuchoté dans l'oreille : "Sale cochon d'extrémiste de la bile"

Le Lollapalooza sera le prélude à nombre de tournées, internationales ou pas, en tête d'affiche ou pas, accompagné ou pas de Nine Inch Nails, Korn ou Godsmack. Une apparition dans les Simpsons, où Homer fait un essai pour le Jim Rose Circus en tant que boulet de canon humain, achève de faire de Jim Rose une star. Il est, à ce moment précis, catapulté parmi les références d'une sub culture en passe de devenir pop culture ultime.



Z'ont rien inventé, les Johnny Knoxville, Bam Margera et autres Steve O... http://www.jimrosecircus.com/. En photo Eddie Vedder pendant le Lollapalloza avec un verre de bile à la main...

13/10/2011

L'émocore de Seaweed... The come back!!!

Et 2011 signe le retour de... SEAWEED!!!! Quoi? Comment se fesse? Point d'explosions de joies comme il avait été de mise avec Soundgarden ou Alice In Chains??? Faut dire que ces gars là sont pas des plus connus en Europe... Et pourtant, peut être l'auraient t'ils mérité... Explosion d'énergie brute balancée en plein dans ta face, Seaweed est un de ces groupes happés, situation géographique oblige (ils sont de Tacoma), par la vague grunge, ce sans en avoir le son caractéristique... Pour preuve, leurs premiers méfaits seront sortis chez Sub Pop, et produits par Endino (pourtant dépositaire du son "grunge" par excellence). Et puis il faut dire que les petits gars savent s'entourer de certains membres expérimentés de la scène de Seattle... Kim Warnick des Fastbacks assurera les chœurs sur plusieurs de leurs albums, Ken Stringfellow des Posies les chapeautera un temps... Car les Seaweed sont des jeunos à leur début en 1989, et rendent quelques années aux futures stars du grunge... C'est cependant en à peine un an d'existence qu'ils signent leur premier album, Despited.
Wade Neal (guitariste de Seaweed) : On n'en était pas (parti intégrante du mouvement). On est le meilleur exemple du groupe un peu « nerd » que tout le monde aime bien, mais que personne ne connait vraiment... Je peux pas dire. C'était une période intéressante.
Aaron Stauffer (chanteur de Seaweed) : Je sais pas si c'était une bénédiction ou si on a été maudit de signer avec Sub Pop, c'était juste cool d'avoir un label qui sortait nos disques, et ce dès notre première année d'existence, et c'était cool que ce soit un label local. Donc je peux pas dire si avoir été sur un autre label aurait été mieux ou moins bien. Peu importe. Il s'avère qu'on avait juste au début, un court contrat, et qu'après le premier album, on ne voulait déjà plus faire de disques avec eux (rires)
Le groupe signera trois albums chez Sub Pop. Pur produit DIY, ils enregistrent Four dans un studio aménagé par leur soin chez les parents de Clint Werner, le guitariste, en six mois de temps...
Aaron Stauffer : Ses parents n'habitaient plus la maison, sa mère était décédée, mais cette maison était une bénédiction pour nous. Clint avait construit ce petit studio où on répétait de temps en temps, et c'était vraiment petit. Pour Four, on a dû enregistrer la batterie dans le salon, et je pense le chant aussi... C'est toujours bizarre quand j'entends ces morceaux, au regard des conditions d'enregistrement qu'on avait. Parce c'est pas comme si tu chantais avec le groupe, là tu chantes tout seul dans le salon de quelqu'un avec un casque sur la tête. TacWa, c'était le nom qu'on avait donné à ce studio... Ken Stringfellow m'a aidé pour l'enregistrement du chant, mais sinon c'était une auto production complète, ce qui était vraiment excitant pour nous. Pas besoin de conduire jusqu'à Seattle. Pas besoin de quitter notre bien aimée Tacoma...
Sub Pop a aimé l'idée qu'on se démerde complètement avec cet album, juste parce que, de cette manière, on respectait complètement le budget. Habituellement quand les gens font des disques ils dépassent leur budget pour sortir de la merde. C'est comme ça qu'on a été capable de laisser tomber les petits boulots, juste parce qu'on économisait notre fric et qu'on enregistrait tout le temps par nous même. Je pense pas qu'ils croyaient qu'on pouvait le faire, je pense qu'ils se disaient juste « peu importe », ils se mêlaient pas vraiment des décisions de leurs groupes, ils les laissaient juste faire ce qu'ils voulaient. Ils étaient surement sceptiques à voir notre façon de faire, mais bon, ça a marché. Je pense qu'ils ont été surpris...
Le fait d'avoir signé sur Sub Pop avant la ruée vers l'or grunge de 1991 aura néanmoins le « mérite » de garantir à Seaweed une quasi automatique signature chez une major, en l'occurrence Hollywood Records, filiale de Disney... Spanaway, excellent album au demeurant, ne vend malheureusement pas aussi bien que Nevermind, héhé, et l'association ne durera pas plus...
Aaron Stauffer : A l'époque Sub Pop était sur le point de signer un deal avec Warner (ils étaient fauchés). On a pensé que quitte à aller sur une major, autant négocier nous même avec le diable plutôt que laisser Sub Pop le faire pour nous. (...) Hollywood Record c'est de la merde!!! Laissons les majors sortir toute la soupe qu'ils veulent et laissons les labels indépendants sortir toute la bonne musique... (...) Faire des vidéos n'est pas fun du tout, j'ai jamais eu aucun plaisir à faire des vidéos. C'est complètement stupide, je déteste les vidéos. J'ai pas de putain de télévision, j'aime pas la télévision et j'aime pas MTV, ça pue bordel, ça pue (rires).
Un cinquième et dernier album sortira chez Merge en 1999... Le groupe décide de stopper l'aventure sur un commun accord, mais sans jamais complètement fermer la porte pour toujours... La preuve en est : 2011 voit l'arrivée d'un nouveau single et le départ d'une nouvelle tournée US. Entre temps, Aaron Stauffer aura joué dans Gardener avec Van Conner, et se sera essayé à la new wave en compagnie de Steve Fisk et Ken Stringfellow...
Aaron Stauffer : On a arrêté parce que Seaweed était debout depuis 10 ans, et que 10 ans c'était bien assez. Mais on n'a jamais vraiment pensé que c'était un vrai split parce qu'on est toujours plus que jamais amis... On est de Tacoma, pas de Seattle. Tacoma est le lieu du crime, Seattle est le lieu du grunge... (...) Je pense qu'on a vécu entre l'underground et « l'overground ». Les plus gros concerts qu'on ai fait, c'était 1000 personnes, et habituellement on ne jouait pas pour plus de 100 personnes...
Emocore. C'est le petit tiroir qu'on a trouvé pour ranger Seaweed... Qu'on aurait presque inventé rien que pour lui d'ailleurs, tellement l'étiquette semble lui coller comme un gant... Une manière de présenter un hardcore le plus rentre dedans, auquel on aurait rajouté une bonne giclée de mélodies pop... Guitares cinglantes, catchy, avec riffs TGV qui donnent une furieuse envie de sauter partout... Même si Seaweed est loin d'être le premier combo affublé de l'étiquette en question, de Sunny Day Real Estate jusqu'aux plus dispensables zhéros du punk rock californien actuel, tous lui doivent un peu quelque chose...
Wade Neal : J'ai eu vent que pas mal de monde disait ça de nous (qu'ils sont une grosse influence pour les groupes punks d'aujourd'hui), et surement qu'il y a une certaine vérité là dedans. On était juste un groupe parmi d'autres. C'est un compliment, et j'apprécie... Ça me fait juste plaisir que les gens disent ça de nous...
Et le mot de la fin sera pour... Aaron Stauffer : Je suis un grand fan des Melvins. J'avais fait un t-shirt pour un concert des Melvins en 1986, qui avait écrit dessus : Mevins (not Melvins). Mevins. Pas mal de mes potes l'ont porté (rires). Je suppose que j'étais pour quelque chose dans le fait que Kurt Cobain ait appelé son chat Mevins... Les Melvins sont irréels. Personne ne peut faire mieux.
Seaweed vient de sortir un single : Service Deck/The Weight, en écoute dans la playlist Deezer à droite. Quelques autres morceaux dans la playlist Grooveshark plus bas... Une petite vidéo en sus...