Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

27/11/2010

Seattle Grunge's anecdotes : les party houses avec Charles Peterson

Il n'y avait pas d'endroits ou jouer. Personne pour supporter la scène punk. C'est pour ça que je suis parti. Duff Mac Kagan à propos de son départ de Seattle pour LA en 1984...

Comme de fait, à Seattle au milieu des années 80, beaucoup de clubs, bars, salles de concerts où se produisent nombres de groupes locaux ont mis la clé sous la porte. Même les lieux ouverts au plus de 21 ans ne seront pas assez robustes pour résister. Les anciens clubs ferment plus rapidement que les nouveaux ouvrent, lesquels sont en général souvent plus petits, ou moins enclins que les précédents à promouvoir des groupes punk ou rock. Les causes : des problèmes récurrents avec les autorités locales et une certaine frange de la populasse cherchant avant tout la tranquillité. N'oublions pas que Seattle à l'époque, c'est 600000 habitants, plus petit que Marseille en France... On est loin de l'effervescence perpétuelle d'un New York ou d'un Los Angeles...

Pourtant, des groupes se forment et pratiquent toujours dans des sous sols, des entrepôts, et des salles de répet' installées dans des vieilles usines. Il y avait un besoin pour eux, des "party houses" se sont donc informellement mises en place afin de leur permettre de jouer, dans des maisons, appartements, habitations du centre ville et de la banlieue de Seattle. L'une d'elle était la Room Nine House, ou Ron et Tracy Rudzitis vivaient avec Charles Peterson et Dan Peters. Elle tenait son nom du fait que Ron, aka Ron Nine, était le leader à l'époque de Room Nine, un groupe qui avait une approche très psychédélique du rock. C'est d'ailleurs à l'une de ces party houses que Bruce Pavitt remarquera les photos que Peterson avait fait de ses amis musiciens, et qu'il se persuadera du réel potentiel rock de Seattle.

Charles Peterson : C'était des petites fiestas... Avec jamais moins de 200 personnes...

Ron Rutzitis (chanteur guitariste de Room Nine et Love Battery) : On habitait près de la Rainbow Tavern, ce qui était plutôt pratique. Ma copine à l'époque connaissait Charles (Peterson), c'est comme ça que je l'ai rencontré. Il est devenu notre colocataire, et là, d'un seul coup, les copains de Charles se sont mis à débarquer en permanence. Mark Arm était son meilleur pote, donc il était tout le temps là. Des gars comme Ed Fotheringham aussi, qui a fait les covers d'albums de tout le monde ici et qui était le chanteur des Thrown Ups. Au moment précis ou Charles a débarqué, on a immédiatement été connu comme le lieu des fiestas les plus tarés.

Lilly Milic (la femme de Garrett Shavlik, batteur des Fluid) : C'était toujours les mêmes personnes et la même bande son. Scratch Acid, Butthole Surfers, Bad Brains. Mêmes fiestas, mais différents endroits. Un truc marrant que je me rappelle à propos de ces soirées : tout le monde cachait ses bières quelque part - dans chaque maison on avait nos planques, parce que tout le monde piquait les bières de tout le monde.

Ron Rudzitis : Quand Charles est arrivé, la première chose qu'il a voulu, c'est faire une soirée. Ça s'est transformé en un de ces trucs complètement hors de contrôle, au point que notre voisin de palier, qui avait un tuyau d'arrosage, s'est mit à arroser tout le monde sur la pelouse. Il y avait toujours des instruments à trainer, et pas mal de groupes sont venus jouer là bas. Je pense que les Melvins y sont passés. Et Green River.

Dans le même quartier, il y avait le Green Barn. Tammy Watson de Kill Sybill y habitait.

Tammy Watson (Kill Sybill) : Le Green Barn était un défouloir sauvage, taré, un rendez vous permanent de punks et d'hippies. On ne savait jamais qui était en train de jouer dans la salle de répet', à pilonner un rock qu'on n'avait jamais entendu auparavant.

Charles Peterson : Je me souviens particulièrement d'une party house dans le quartier de l'Université. Cette nuit là, Green River et Feast devaient jouer dans un dépôt à Stanwood, mais tout a été annulé à cause de la pluie. Tout le monde a bougé jusqu'à une maison. On devait être 250 à 300 personnes dans un 5 chambres. A 2 heures du mat', "un panier à salade" est arrivé. Quelqu'un a dit qu'il devait bien y avoir 11 bagnoles de flics avec des chiens policiers. Perso j'ai rien vu, parce que moi et 8 autres personnes on s'était caché dans une des chambres...

Ron Nine fondera par la suite Love Battery, excellent groupe dont on aura l'occasion de reparler sur ces pages.

22/11/2010

3 Soundgarden + 1 Tad = Tadgarden

Et pis merde, puisqu'on en parle, peut être beaucoup d'entre vous l'ont déjà vu, mais pour le plaisir, on s'là refait... Kim Thayil + Ben Shepherd + Matt Cameron avec l'excellent Tad Doyle pour une réunion des 3/4 de Soundgarden et d'1/4 de TAD (héhé, ben ouais finalement, mais quel quart!!!) lors d'un concert de Tom Morello au Crocodile Cafe à Seattle le 24 mars 2009... Ca donne : TADGARDEN!!!! Et quelques mois après, ça donne la reformation de : SOUNDGARDEN!!!!




Kim Thayil : Tom Morello passait à Seattle pour le Justice Tour et il avait demandé à Susan (Silver, manager de Soundgarden) s'il pouvait avoir certain d'entre nous en guest. Ben et moi on nous a demandé séparément - on devait jouer séparément. La date approchait, et Ben ne savait toujours pas ce qu'il allait jouer, quand à moi et les gars avec qui je devais jammer, on n'avait pas des supers idées : on devait plancher sur des vieux morceaux punk rock avec Mark Arm au chant. C'est tombé à l'eau. Et puis Tom a appelé, en nous demandant à Ben et moi si on voulait bien le rejoindre sur scène pour jouer Spoonman. Et j'ai dit "Bien sûr, mais j'ai entendu dire que Matt (Cameron) serait là pour le show, et je ne jouerais pas un morceau de Soundgarden devant Matt - je veux le jouer avec Matt. Donc j'ai appelé Matt, et il a dit oui. Ben a proposé : Jouons le premier single Hunted Down / Nothing To Say, et après on jouera Spoonman. Après seulement est venu le problème de savoir qui allait chanter avec nous... Beaucoup des personnes à qui j'avais proposé le truc étaient vraiment hésitantes - elles ne voulaient pas s'attaquer aux performances de Chris. Donc ça devait être Tad, n'est ce pas? Ca devait être le gars avec les couilles de Dieu (God's Balls) pour dire "Fait chier, je le fais!!!" On est donc allé à la salle de répèt' de Pearl Jam, on a répété ces trois morceaux pendant 1h30, et le lendemain on était au Crocodile Cafe...




PS : Les vidéos sont un peu pourris, mais on fait avec ce qu'on a sous la main...

21/11/2010

TAD, pas de bol mais qu'est ce que c'est bon...

TAD, pur grunge, maximum heavy sound, on peut pas appeler ça faire dans la dentelle, bien que ça aurait certainement plût à ce bon Tad Doyle. Mais après tout, c'est pas ce qu'on leur demande. TAD, pronostiqué en 1989 comme « the next big thing » à Seattle. Puis finalement rangé dans la catégorie des groupes qui auraient pu faire la différence, mais qui ont surtout fait preuve d'une malchance à tout épreuve... Fleurons de Sub Pop, et pour moi vraiment l'archétype du son de Seattle : sale, heavy, lourd, drôle, énergie dévastatrice et sens de la scène hors du commun...
Garrett Shavlik (batteur des Fluid): Tad essayait d'être tellement heavy. Il était tellement drôle sur scène que c'en était à se taper le cul par terre. Le groupe jouait très bas et très dur, drop D. Son truc à lui c'était : « J'ai juste envie de jouer cette note, pour que les gens se chient dessus!!! »
Bruce Pavitt (co-fondateur de Sub Pop) : Extraordinaire présence, sens de l'humour brillant, et un musicien incroyable – il pouvait jouer tout à la fois batterie et guitares. Super heavy – probablement le plus heavy de tous les groupes du moment.
Tad Doyle avait quitté sa ville natale de Boise, Idaho, diplôme de musicologie en poche, excusez du peu, pour faire de la musique et profiter des concerts à Seattle. Dans les faits, il enchaine surtout les petits boulots, ce qui lui vaudra plus tard une réputation un peu facilement construite, et vendu avec, quelques désagréments.
Nils Bernstein (publicitaire de Sub Pop) : Tad était boucher chez QFC sur Broadway. Une fois ils ont trouvé un doigt dans la viande qu'ils vendaient... Mais je crois que c'était après que Tad soit parti...
Jim Blanchard (dessinateur de flyers pour les concerts) : Le Kinko ou je bossais était un Kinko très rock n'roll. Mark Arm y bossa fut un temps, Tad idem. Tad était le gars qui avait pour tache de vous saluer quand vous arriviez, et qui prenait votre commande. Imaginez vous aller au Kinko et être accueillit par ce gros mec patibulaire!!!
Tad Doyle : J'ai bossé à Muzac fut un temps. Et pendant cette période, j'ai rencontré des gens de la scène locale. La musique était très importante pour moi – j'allais voir des groupes tous les jours de la semaine, et j'ai monté mon propre groupe après avoir été batteur dans H-Hour. J'étais juste fatigué d'être le premier arrivé, dernier parti à cause de tout cet équipement qui te suis quand tu es batteur. TAD a vu le jour à cause de ça, parce que ça me faisait chier de continuer la batterie. J'ai décidé de jouer de la guitare. Et petit à petit j'ai écrit des morceaux, et quelques mois plus tard j'ai enregistré le tout à Reciprocal avec Jack (Endino), en y passant tout mon fric. Les guitares, la batterie, les chants, la basse, tout par moi même – 3 morceaux – et j'ai emmené ça au boulot, à Muzac, ou on passait toutes sortes de musiques cools pour les gens. Et ils étaient là : « Qu'est ce que c'est que ce putain de morceau, c'est qui? ». Ils semblaient aimer ça. Et Bruce Pavitt est arrivé, et m'a demandé : « C'est génial, c'est qui? Le nouveau Butthole Surfers? ». Et là c'était parti. Bruce voulait sortir ça!!!
Tad, qui se rend vite compte que c'est beaucoup de taf que de tout faire tout seul, se met en quête de musiciens pour former un vrai groupe. Il fait appel d'abord à Kurt Danielson, ex Bundle Of Hiss.
Kurt Danielson : Autour de 1980, j'habitais dans une petite ville à une heure de Seattle, et je jouais de la basse dans ce qui fut mon premier groupe, Bundle Of Hiss. J'étais le principal membre. Notre batteur était vraiment bon – Dan Peters – qui finit par jouer pour Mudhoney. Autour de 1986-87, on faisait beaucoup de concerts avec Green River, Soundgarden, Skin Yard. H-Hour aussi. Tad c'était quelque chose à voir sur scène. Extraordinaire batteur – énorme présence physique. Puis Bundle Of Hiss a splitté.
Puis tous deux recrutent Gary Thorstensen (ex-Treeclimbers, le groupe de Jonathan Poneman) à la guitare et Steve Wied à la batterie, originellement dans Skin Yard... Pavitt, sous le charme, et Sub Pop, se chargent de sortir les premiers singles, avec une technique de vente douteuse mais efficace...
Art Chantry (dessinateur de nombreux posters, flyers et couvertures de disques pour les groupes de Seattle) : Tad était vraiment gros. Il était énorme. Ses grosses guitares ressemblaient à des jouets quand il les portait. Bruce (Pavitt) décida de faire de ce gars quelque chose de burlesque, et le fait que Tad avait été boucher fut un temps allait faire parti intégrante de la blague. Donc il essayait de créer un personnage pour Tad, qui était, soyons franc, insultant pour Tad. Tad détestait ça, mais il pensait : « Bruce est mon pôte, et il sort mon disque, je le laisse faire ce qu'il veut ». Quand il était sur scène, il y avait ce mec énorme, mais il ne semblait pas pesant. Il flottait juste, jouant cette énorme, heavy musique. Tout le monde pensait qu'ils allaient devenir « the next big thing ».
Le groupe rentre presque immédiatement en studio.
Tad Doyle : On a enregistré le premier album (God's Balls) à Reciprocal, avec Jack. Je pense qu'il n'y avait qu'un seul morceau qui n'était pas sur la même clé, et c'est quelque chose que Gary n'avait pas apprécié. « Tous ces morceaux sont en E, ils sonnent tous pareils ». On s'est bien marré – on a utilisé des scies à métaux, et des archets sur les cymbales...
TAD fait son bout de chemin, avec des albums à suivre de qualité, mais loupe le coche en 1991, surement parce que Tad et ses pôtes n'ont pas la gueule d'ange d'un Kurt Cobain ou d'un Vedder... Ils resteront une des plus grosses victimes des obligations marketing... Coté puissance musicale, rien à redire, mais la voix rauque du monsieur et son physique « ample » sont considérés comme pas vraiment à la mode. La vidéo de Woodgoblins sur l'album Salt Lick est délaissée par Mtv, qui considère TAD comme pas assez présentable pour passer dans Headbanger's Ball. La stratégie de vente de Sub Pop, qui fait passer Tad pour un ancien bucheron, n'aidant pas à casser cette image ruste du bonhomme...
La loose qui leur colle aux semelles achèvera de dynamiter la carrière du groupe. Pour l'album qui suit, 8 Way Santa, ils veulent utiliser un photo qu'ils ont déniché dans un vide grenier du coin. Manque de bol, la fille sur la photo, devenue born-again christian, se reconnaît, et demande l'arrêt de la distribution du disque...
Art Chantry : Le groupe allait sortir 8 Way Santa, la meilleure chose qu'ils aient jamais sorti. Le disque qui allait tout casser. J'ai eu cet appel de Kurt Danielson : « On travaille sur la pochette du disque. On veut utiliser cette photo qu'on a trouvé dans un album photo à ce vide grenier. On l'a acheté, donc il est à nous, donc on a le droit de l'utiliser, n'est ce pas? Et moi je leur ai dit : «Surtout ne le faite pas, n'utilisez pas cette putain de photo ». Et bien sûr ils ne m'ont pas écouté. Quelqu'un dans un magasin de disque a reconnu le mec sur la photo, et l'a contacté. C'était sa photo de mariage. Il l'a montré à son ex femme, et la merde est arrivée...
Rebelote pour le single Jack Pepsi. Cette fois c'est Bruce Pavitt qui fait la connerie :
Art Chantry : Au même moment, Bruce décide de promouvoir le single Jack Pepsi – une chanson qui raconte l'histoire d'un mec bourré qui conduit un énorme truck, et qui tue quelqu'un, un truc dans le genre. Bruce trouve que ce serait hilarant d'utiliser le logo de Pepsi Cola, et mettant le mot TAD dessus – enlever le mot Pepsi, et mettre à la place le mot TAD. Et quelqu'un a filé des copies du disque au siège de Pepsi. Ils ont écouté le single, regardé leur logo détourné, et intenté un procès à Sub Pop...
La promotion complète de 8 Way Santa est ruinée. TAD part en tournée, mais en promouvant du coup un disque qui n'est pas encore sorti, avec un single qui lui même est encore sur le bureau. C'est en quelque sorte le début de la fin pour TAD, qui signera par la suite sur deux majors, sans jamais pouvoir faire valoir dans de bonnes conditions sa musique. TAD splitte en 1998. Paraîtrait que traine dans quelque tiroirs fermés à triple tours un dernier album oublié, et dont de temps en temps on nous promet une sortie imminente... Un très bon DVD sur le groupe est sorti en 2008... Tad Doyle, qu'on a pu voir s'amuser au Crocodile Cafe avec ses potes de Soundgarden pour un TadGarden plus vrai que nature, est à fond désormais dans son nouveau groupe Brother Of The Sonic Cloth.

3 morceaux de TAD à découvrir dans la playlist Grooveshark à droite, ainsi que d'autres de Bundle Of Hiss et H-Hour 


On laissera le mot de la fin à Ben Rew, fidèle roadie de TAD : J'ai rencontré Tad au Vogue. J'ai vu ce gars s'enfiler une pinte de bière cul sec. Il est devenu sur le champ mon idole. J'ai commencé à passer des soirées et sortir avec lui comme ça. Je me souviens quand Tad a rencontré celui qui est devenu l'agent du groupe au Canada, James Mc Lean, TAD venait juste de jouer un gros show à Vancouver. Je les présente. James : "Je suis un gros fan". Tad : " BARRE TOI!". "Mais je suis un gros fan!". BOUGE!!!! Tad l'a poussé et s'est mis à dégueuler dans l'instant...Sources tirées de "Grunge Is Dead" de Greg Prato

17/11/2010

Seattle Grunge's anecdotes : la loose de Green River en tournée

Green River, première tentative de fusion hard rock / punk sur Seattle au début des années 80. En tant que précurseur du genre, le groupe n'était pas toujours forcément bien accueilli pendant ses tournées nationales. Il faut dire qu'ils le cherchaient parfois un peu...

John Leighton Beezer (bassiste des Thrown Ups) : Je me rappelle être allé à leur premier show – aout 1984 – il y avait peut être 40 personnes dans la salle. Je pouvais pas croire ce que je voyais. Steve (Turner) parlait à cette époque, qu'ils essayaient d'avoir le son d'un avion au décollage, et c'était bien ça. C'était pas un mur du son, c'était un barrage de son.

Dale Crover (batteur des Melvins) : Deux trois gars chez Green River avaient des coupes à la Motley Crüe...

Mark Arm (guitariste chanteur de Green River et Mudhoney, batteur des Thown Ups) : Jeff était vraiment dans un gros trip à la Kiss. Au premier concert, Jeff est arrivé maquillé. Je me souviens Steve et moi pensant « C'est bizarre, d'où est ce que ça lui vient? » (rires). Je me rappelais vaguement Jeff évoquant la possibilité de se maquiller, mais je pensais qu'il déconnait. Je suis sûr que le fait que Landrew (Andy Wood) de Malfunkshun se maquillait a joué dans la décision de Jeff de faire pareil.

Tom Price (guitariste des U-Men) : Chaque fois que j'allais les voir jouer, il y a avait toujours des incidents, et forcément quelqu'un finissait par saigner. Ils saignaient beaucoup. Une fois, je vais les voir à la Central Tavern – j'avais fini mon taf tard. Mark se frittait toujours avec le public. Ils jouaient et j'essayais de me glisser à travers le public vers la scène. Juste au moment ou j'arrive au pied de la scène, la foule s'est écartée comme la mer Rouge – Mark avait une pinte de bière, et était en train de la lancer. Elle m'est arrivé directement sur ma tronche. J'avais pas vu venir : il m'avait juste douché de la tête aux pieds...

Mark Arm : Notre première tournée – on a joué à Détroit deux ou trois jours avant Halloween – pour the Big Halloween Punk Rock Show, avec Samhain, qui était le groupe de Glenn Danzig ex Misfits. Je me rappelle roulant dans Détroit, et on était comme : « Quel pied, Détroit, les Stooges, le MC5! ». On s'est mit une cassette des Stooges, on était prêt pour passer un bon moment ici. Mais au fur et à mesure qu'on rentrait dans la ville, on s'est aperçu que c'était pas forcément une bonne place pour nous. C'était une ville déchirée, brulée, pilonnée. On a finit par trouver un hôtel qui semblait assez sûr pour nous autres gamins de Seattle. Au petit dèj le lendemain matin, la serveuse avec son accent du Michigan nous demande : « Est ce que vous êtes gay les gars? Vous parlez comme des gays les gars! ». C'était une première indication de comment le show allait se passer pour nous la nuit suivante. Jeff s'était maquillé comme à son habitude, et portait un débardeur rose avec écrit San Francisco en brillant. Tous les mecs dans leur blousons de cuir étaient complètement livides quand ils nous ont vu monter sur scène. On s'est donné comme jamais à ce concert, mais les gens ne pouvaient tout simplement pas supporter comment on était fringué. Jeff en particulier. Il y avait une fille qui lui gueulait : « pédé, pédé! »

Jeff Ament (bassiste de Green River, Mother Love Bone, Pearl Jam) : A un moment, j'ai voulu lui foutre mon pied dans sa tronche, mais son mec était là, m'a choppé le pied, et m'a tiré dans la foule. Trois gars m'ont sauté dessus et ont commencé à me tabasser. Tout ce que je pouvais faire était de me protéger avec ma basse. Quand le mec de la sécurité est finalement venu pour repousser les trois gars, tous les gars du groupe étaient là à me regarder me faire botter le cul. J'étais un peu désappointé à ce moment précis. Je pensais : « Hmmm, mon groupe vient juste de me voir me faire botter le cul »...

Bruce Fairweather (guitariste de Green River, Mother Love Bone, bassiste de Love Battery) : Mark a sauté dans le foule, et je pense qu'Alex aussi. Stone et moi on s'est regardé et on a reculé, genre « Et merde, fait chier » (rires)

Mark Arm : J'avais déjà été trainé dans des publics mal lunés auparavant, comme quand on avait ouvert pour Black Flag et Saccharine Trust à Seattle. Jeff était toujours le premier à sauter dans le public pour m'aider à en sortir. Alors cette fois je me suis dis : « Ok, c'est à mon tour d'aider Jeff ». Donc j'ai sauté dans le public, et le seul truc que je me souviens, c'est que d'un coup on a été encerclé par un putain de groupe de mecs énormes à faire pâlir – prêts à nous tuer. Le seul truc qui nous a sauvé, c'est que le mec de la sécurité était un flic et qu'il avait un flingue. Après ça, dans les couloirs de la salle, des skinhead avec des tronches de chèvres nous tournaient autour (rires). Deux trois gamins sont venu nous parler : « On a compris ce que vous faites – vous mélangez les Stooges avec Alice Cooper. C'est génial ». mais pour la plupart des gens à Détroit en 1985, on n'était pas assez punk.




Le split de Green River en 1988 a pour beaucoup marqué le début d'une rivalité au sein du mouvement de Seattle, en cristallisant les influences en apparences contradictoires du mouvement : hard rock et punk hardcore. Mark Arm rejoindra Steve Turner, 1er guitariste chez Green River pour former Mudhoney, un condensé explosif de punk garage qui servira de définition quelques mois plus tard au son grunge. Ament, Gossard et Fairweather, de leur coté, fonderont Mother Love Bone avec Andy Wood au chant, avant de monter les très lucratifs Pearl Jam en 1990... Green River s'est reformé en 2008 à l'occasion des 20 ans de Sub Pop...

Quelques morceaux à découvrir dans la playlist Grooveshark à droite... Faut chercher...

09/11/2010

Valis : ou l'on reparle des frères Conner

Après le split des Screaming Trees en 2000, Van Conner se relance au sein de Valis, une formation qu'il qualifie lui même d'"acid rock"... On pourrait parler plus simplement de stoner rock... Originellement bassiste au sein des Trees, il passe à la guitare et au chant, et se fera accompagner dans les premiers temps de Kurt Danielson (ex Tad) et Dan Peters (Mudhoney). Le troisième frangin, Patrick, prend les leads guitars. Valis en est désormais à son 4ème album, et continue à tourner principalement aux Etats Unis, mais aussi en Europe...

Van Conner : Le fait d'avoir été dans les Trees a surement aidé Valis à s'ouvrir quelques portes, mais en même temps, quand les gens s'aperçoivent qu'on ne sonne pas vraiment comme les Trees, ils ne sont pas très heureux avec ça... Ce que je pense des Trees? Beaucoup de bons et de mauvais souvenirs. je pense qu'on était un vraiment bon groupe et qu'on s'est causé beaucoup de problèmes par nous même. On donnait des très bons concerts, et on a fait de très bons albums aussi... Jusqu'au split...

Valis : Indian Giver sur Champions Of Magic

(Morceau qui provient du site officiel de Valis. Pour plus de son : le My Space de Valis)

Melvins : Buzz's Venomous Concept... Du resucé mais tellement poilant!!!

Les Melvins c'est du lourd, dans la musique comme dans l'humour!!! Quelques réparties du frontman Buzz Osbourne, publiées à l'origine dans VS n°8, lequel contient un dossier Melvins bien fourni (devenue depuis Noise)... Attention : Buzz Osbourne n'est pas le cousin germain d'Ozzy Osbourne, ou alors seulement par alliance...

BUZZ à propos de White Zombie : «Ces mecs sont des bites (…) Le chanteur est le plus grand trou du cul à qui j’ai jamais eu à faire»

BUZZ à propos des Allemands : «Sans intérêt et absolument aucun sens de l’humour. Sans exception»

BUZZ à propos de Lord Of Chaos et de l’Inner Black Circle norvégien : «Je pense que ces gars étaient une bande de petites frappes pleurnichardes. Comme ce type en prison, Varg, qui sort “oooh, je suis si ennuyé qu’ils m’aient confisqué mon ordinateur”. Mettez-le en prison dans l’Arkansas avec ses cheveux longs et sa petite bouche en cœur pour voir… un prisonnier death-metalleux avec un putain d’ordinateur…»

BUZZ à propos d’Ozzy Osbourne : «Ozzy est une momie avec des dents de lapin. C’est horrible. Son cerveau est complètement ruiné à tel point qu’ils sont obligés de lui coller deux prompteurs tous les soirs avec des lettres de dix centimètres de haut juste pour qu’il arrive à sortir “ generals gathered in their masses ”. Va te faire foutre… Mais va te faire foutre ! Quarante balles pour voir ce putain de déchet»

BUZZ à propos du Ozzfest : «Je hais le Ozzfest, je hais l’organisation, je hais Ozzy et sa femme et tous les gens qui sont impliqués là-dedans (…) Ils traitent tout le monde comme de la merde, tous les groupes sont sous-payés, c’est de l’arnaqu

BUZZ à propos de Kid Rock : «Kid Rock ! Je déteste ! Ils sont idiots !»

BUZZ à propos des Nashville Pussy : «Dale m’a dit que la bassiste était une vraie merde. J’aimerais bien pouvoir lui dire : Écoute ‘dude’, t’as de la chance de ne pas avoir de pénis, parce que plus personne n’en aurait rien à foutre de toi. Bonne chance sur Mercury Records»

BUZZ à propos de Chris Cornell : «Si j’étais Chris Cornell et que j’avais des millions et des millions de dollars, je ferais des trucs de dingue avec (…) et qu’est-ce que fait ce mec ? Il est plein aux as et il fait LA MERDE LA PLUS CHIANTE JAMAIS PRODUITE SUR CETTE TERRE»

BUZZ à propos de Dave Grohl : «Si j’étais Dave Grohl, je ne perdrais pas mon temps à jouer de la merde. Si j’avais été dans un groupe comme Nirvana et que je voulais continuer ma carrière musicale, je ne serais pas là à sortir des tas de merdes pour devenir encore PLUS commercial que dans le passé»

05/11/2010

Pearl Jam 1995 : Self Pollution Radio

1994/95 : Une période déjà charnière pour Pearl Jam, qui sort Vitalogy, son troisième album, aux accents punk marqués et certainement le plus difficile d'accès à cette date. Et qui s'engagera dans une bataille rangée avec Ticketmaster, et les verra organiser par leur propre moyen une tournée Us qui s'avèrera éprouvante, et dont une partie des fans ne comprendra pas l'enjeu... Raillés depuis 1991 pour avoir soi disant profité des projecteurs braqués sur Seattle, ils s'avèreront paradoxalement bien plus proche de l'esprit punk qu'un Nirvana ou un Mudhoney... Et c'est pas leur initiative de faire de la radio pour un soir qui contredira ça...

Nils Bernstein, le publicitaire de Sub Pop : Dans un sens, Pearl Jam a été le groupe le plus punk de tous. Quand Nirvana changeait « Rape Me » en « Waif Me » pour pouvoir vendre In Utero dans les Kmart, Pearl Jam bataillait contre Tickermaster, ou refusait de faire des vidéos parce qu'il n'approuvait pas la politique de Mtv...

Doug Pray, réalisateur du documentaire Hype! : Self Pollution Radio était le résultat d'une réflexion du label de PJ : « Ok, vous ne voulez pas faire de vidéos, vous ne voulez pas faire d'interviews... Qu'est ce que vous voulez? Est ce qu'au moins vous voulez faire quelque chose? ». Ils avaient un énorme budget à dépenser... Donc la réponse du groupe fut : « Ok, on veut s'installer chez nous et inviter un tas de potes à jouer, et on veut diffuser ça dans le monde entier ».

Fin 1994 est donc annoncé que Pearl Jam diffusera par satellite une émission radio ouverte à toutes les radio stations qui en voudraient. Pas de pubs, pas de glorieux dj's, juste de la radio libre... A l'approche de la date, presque toutes les grosses radios Us et canadiennes avaient répondu favorablement pour ouvrir leur antenne le jour J.

Doug Pray : Donc ils avaient ce satellite, qu'ils ont installé à l'extérieur de leur salle de répet miteuse, et qui diffusait dans le monde entier!!! Juste eux jouant de la musique et de temps en temps se demandant si tout ça fonctionnait vraiment. C'était un peu mauvais dans un sens, mais en fait c'était vraiment bon. Tous ces groupes locaux pour qui ils faisaient de la pub... Si ça c'est pas un exemple radical de Do It Yourself à l'échelle globale, j'ai pas idée de ce que c'est!!!

Les Pearl Jam passèrent 4 heures à programmer leurs morceaux favoris, jouant live avec leurs potes de la scène locale, parlant de sujets sérieux mais déconnant aussi, lisant des histoires et des articles, appelant au téléphone leurs amis musiciens (Matt Lukin, Neil Young entre autres), et donnant leurs numéros pour que les fans les appellent... Pelle mêle : performance live de Pearl Jam bien sûr, des Fastbacks, Mudhoney et Soundgarden. De Mad Season aussi. Conversation à propos de l'organisation Home Alive avec des membres de Seven Year Bitch. Discussion avec Krist Novoselic. Annonce de l'arrivée de Jack Irons au sein du groupe. Tueries indies et une intervention poilante de Mike Watt, ex Minute Men...

Kurt Bloch des Fastbacks : On a eu un appel de PJ pour jouer ce show radio qu'ils faisaient. On y est allé, et en arrivant, c'était Eddie qui jouait des disques. On s'installe, et il y avait ce satellite, et il avait un petit mobile home avec un truc de Dj dedans. On devait jouer, et c'était un peu comme « Oh yeah, joue donc avec ma guitare ». C'était l'incroyable Les Paul de 1950 de Stone. On a jammé, discuté, on était détendus, on a pris quelques bières, et puis on a fait notre session...

C'est léger, tout le monde sur place prend son pied, ça sonne local, ça vient du cœur, c'est on ne peut plus authentique. L'émission est un succès auprès des fans. Joli pied de nez à l'industrie musicale, et le rappel, si certains n'avaient pas encore compris, que Pearl Jam n'a plus rien à prouver à qui que ce soit, et surtout que Pearl Jam emmerde les critiques... Comment un groupe aussi énorme que PJ, à l'époque, a pu se permettre ça? Peut être justement parce qu'ils étaient plus énormes que tous dans le milieu... Qui depuis 1995 a osé faire de même? Le groupe réitérera l'expérience en 1998 à l'occasion de la sortie de Yield avec une nouvelle émission intitulée Monkeywrench Radio...

Eddie Vedder : Un truc que j'aurais aimé qu'on fasse plus souvent... Un truc comme Monkeywrench Radio. Prendre du bon temps pour la nuit, et avoir les Fastbacks ou Mudhoney à jouer live. Et montrer aux gens ce qu'est vraiment la musique de Seattle...

Quelques morceaux pour se donner une idée :

Mudhoney - Judgment, Rate Retribution and Thyme

Soundgarden - Kyle Petty, Sons Of Richard

Fastbacks - Run No More

Le répondeur de Matt Lukin

(Attention : n'ayant malheureusement aucun autre moyen (Deezer ou autre) de faire découvrir la musique liée à l'évènement dont nous parlons, ces morceaux et autres bavardages sont exceptionnellement mis à disposition des visiteurs)

Seattle Grunge's anecdotes : les Conner au resto (fin 80's)

Les Screaming Trees d'Ellensburg, matinaient leur rock d'un brin de psychédélisme du meilleur effet. Outre Lanegan et Pickerel, c'était le groupe des frères Conner, Van et Gary Lee, deux gros bébés qui pesaient lourds sur la balance...

Stu Hallerman
(preneur de son de Soundgarden et proprio des studios Avast! à Seattle) : Après un concert des Screaming Trees, nous sommes tous allé au resto ensemble, au Rib Eye, une brasserie miteuse sur les hauteurs d'Olympia. C'était les deux frangins Conner, Mark Pickerel et moi même. Pickerel et moi d'un coté, et les deux Conner de l'autre. La serveuse prend en premier ma commande et celle de Mark, puis elle se tourne vers les deux autres, avec leurs cheveux longs et leurs faces de bébés, en disant : "Et pour ces dames, qu'est ce que ce sera?"


Ash Grey Sunday, 1er morceau d'un unreleased album jamais sorti, en écoute dans la playlist Grooveshark à droite, ainsi que quelques autres...



Seattle Grunge's anecdotes : March Of Crimes featuring Ben Shepherd et Stone Gossard (1982)

Au début des 80's, plusieurs groupes font leur apparition à Seattle, au sein d'une scène punk hardcore active. Parmi ceux-ci, March Of Crimes laissera son empreinte.

Slim Moon (guitariste de Earth et fondateur du Kill Rock Stars label) : March Of Crimes était un des meilleurs groupes hardcore qu'il m'ait été donné de voir. C'est dingue de voir le nombre de gars à jouer dans ces groupes à cette époque, qui venaient de Port Orchard ou Gig Harbor (des banlieues de Seattle). Il y avait une grosse scène là bas, et Ben (Shepherd) en était partie intégrante. On peut légitimement avancer l'argument que l'histoire de la scène de Seattle est avant tout l'histoire d'une ou deux classes au collège de Gig Harbor (rires). Les gars qui ont inventé le grunge...

Ben Shepherd (guitariste de March Of Crimes et bassiste de Soundgarden) : La première fois que j'ai rencontré Andy (Andrew) Wood? J'étais en route avec notre bassiste pour le premier concert de March Of Crimes, à Bainbridge. Il y avait un coin avec des vieilles épaves de voiture, on s'est arreté, et dans une des voitures il y avait des gars, qui nous ont rejoint, et il s'est avéré qu'on allait tous à la même fiesta. L'un d'entre eux dormait dans la voiture, et j'ai demandé qui c'était. "Oh c'est Landrew". Tout d'un coup, Landrew s'est réveillé, et est sorti de la caisse avec son kimono, les cheveux en pétard. Total character. Il était là : "Hey Shepherd, comment ça va?". On s'était jamais rencontré avant, mais je suis resté comme un rond de flan. Il connaissait mon nom.

Chad Channing (1er batteur de Nirvana) : On était des fouteurs de merde, mais ou on habitait, il n'y avait pas de gendarmerie. Si quelqu'un appelait la police, il leur fallait 20 mn pour venir. On avait l'habitude de sortir la nuit, sans jamais rester chez les uns et les autres. Je disais : "Je vais chez Andy", Andy disait à son père : "Je file chez Ben", et Ben disait : "Je vais rester chez Chad". Et on finissait par camper dans les bois ou sortir en ville. On faisait du stop partout ou on allait - on n'avait pas de voitures. Une fois on a décidé qu'on allait jammer. On avait tout ce bordel - batterie, amplis, guitares - trainant tout ce putain de matos le long de la route. On avait surement finalement dû se faire prendre par un gars avec un van ou quelque chose comme ça.

Jonathan Evison (le chanteur de March Of Crimes) : Ma principale contribution à l'histoire de la musique de Seattle vient du fait que c'est grâce à moi que Stoney Gossard et Andy Wood se sont rencontrés sur Bainbridge Island en 1983. Stoney avait l'habitude de passer la nuit sur l'île. On allait au collège ensemble. C'est comme ça qu'ils se sont rencontrés (...). J'avais 13 ans quand j'ai commencé March Of Crimes. Ben Shepherd a rejoint le groupe en 1982. Ben était excellent. Son Twin Reverb restera à jamais le meilleur ampli que j'ai jamais entendu. Stone Gossard a rejoint le groupe en 1984 - il a amené quelques "licks" de Van Halen avec lui. Je surnomme de temps en temps March Of Crimes de "Art Blakey and the Jazz Messengers de la scène punk de Seattle", à cause du nombre de talents incroyables qui sont passés dans nos rangs. On avait donné la master tape de ce qui était supposé devenir notre futur disque à Jello Biafra, et il l'a perdu. On était trop cons pour penser à faire une copie!

Ben Shepherd rejoindra bien sûr Soundgarden en 1990, Chad Channing a connu la première vie de Nirvana en participant notamment à l'album "Bleach", alors que Stone Gossard et Andrew Wood vivront ensemble l'aventure Mother Love Bone jusqu'à la mort de Wood en 1990... Conséquence directe à la création de Pearl Jam... Vous trouverez quelques morceaux sur le MySpace de March Of Crimes, créé et maintenu par le neveu de Jonathan Evison :

Les Thugs, des angevins dans la grande histoire du hardcore américaine

"Les Thugs, l’un des groupes les plus atypiques du rock français. Musicalement inclassables, entre punk rock et noisy pop, entre "les Beatles et Mötorhead"

 
Pourquoi donc, me direz vous, ces quelques mots sur les Thugs, groupe plus ou moins, souvent moins que plus, connu dans notre bien belle contrée... Parce que d'abord, si on aime les sons surfuzzés sursaturés des Mudhoney, Melvins et consorts, et qu'on est un peu chauvin, on est fier et content d'entendre des petits frenchis faire pareil. Et le faire bien surtout. Parce qu'à l'écoute, on pourrait facilement penser que les Thugs sont un de ces groupes sortis des bas fonds de l'underground américain... Parce que aussi, on se rend vite compte que l'histoire du groupe croise plus qu'à son tour celle de la scène alternative américaine de la fin des 80's et du début des 90's. Même qu'il se serait créé entre les uns et les autres une certaine fraternité, pour ne pas dire une fraternité certaine... On est pourtant à mille lieux de Seattle, futur épicentre de l'ère du temps... On est juste à... Angers, début des années 80, petite ville de province bien bourgeoise, sans histoire, et plus plate au goût qu'une bouteille de Volvic... 
 
L'histoire des Thugs commence en 1983. Eric et Christophe Sourice, deux frangins, se voient rejoints par deux potes de lycée : Thierry et Gerald. Les Thugs (« voyous, hooligans » en anglais) sont nés. A peine plus d'un an après, en 1985, sort l'EP « Frenetic Dancing » sur le label Gougnaf Mouvement. Un son sans compromission, une mélodie fredonnée, des guitares virulentes, noisy punk et pop a la fois. Les Thugs deviennent dès lors une référence du milieu punk contestataire français. Et demeureront une référence question éthique (réputation humaine exemplaire, intégrité sans faille), refusant toute frime (des prototypes du non-look absolu...) et s'impliquant dans les causes du moment. Le premier LP du groupe, « Radical Hystery » sort en février 1986. Enregistré en 10 jours dans la banlieue rouennaise sur un studio 16 pistes, le disque fait son petit effet. En 1988, Gérald laisse sa basse à Pierre-Yves Sourice, troisième de la fratrie.

Je pense que nos parents nous ont donné suffisamment confiance en nous pour pouvoir assumer ce qu'on était et pouvoir dire aux autres d'aller se faire foutre. C'est pas non plus quelque chose qui se fait beaucoup et c'est vrai que l'on apprend plus aux gamins à s'intégrer à la masse. Et nous avons toujours voulu revendiquer cela ”

Le groupe continue son bout de chemin en France et en Europe... Et en octobre 1988, alors qu'ils sont invités au Berlin Independance Days Music Festival, ils croisent deux américains qui viennent de créer une petite maison de disque à Seattle : Sub Pop, et qui accompagnent le fleuron de leur catalogue naissant : Mudhoney. Première apparition en Europe. Poneman se souviendra plus tard :
˝Je prenais mon pied à constater que la plupart des groupes européens qui jouaient ici étaient abominables. Pour voir jusqu'à quel point ça pouvait être horrible, je suis allé jeter un œil à un groupe français, histoire de rire. Peut être qu'il allait jouer des covers de Mink DeVille... Ce groupe, c'était les Thugs, et ils n'ont pas été longs à me botter le cul.˜
Poneman et Pavitt, dont le but avoué est avant tout de promouvoir et donner une identité forte aux groupes alternatifs du nord ouest américain, resteront cependant toujours ouverts aux formations « étrangères » à Seattle,qui partagent les mêmes affinités de son et d'esprit. Ils leur proposent le soir même d'enregistrer un 45T pour ce qui deviendra le mythique Sub Pop Single Club. En février 1989 sort donc Chess And Crimes/ Sunday Time numéroté SP029. C'est le début de l'aventure américaine, deux années (un gouffre) avant l'explosion grunge...
Il est évident que les Thugs auront toujours plus à voir avec Sonic Youth qu'avec les Bérus. Sans oublier qu'ils chantaient en anglais, fait rare à l'époque en France. Pas de doutes possibles : il y a une parenté de style avec l'écurie Sub Pop, et c'est sans conteste bien plus dans l'esprit du hardcore à l'américaine que du punk rock à la française qu'on se trouve. Musicalement parlant, les Thugs n'avaient rien à envier au hardcore Us en terme d'intensité, d'explosivité et d'ingéniosité. Curieusement, ils se sont hissés au niveau de ce qui se faisait outre atlantique sans s'en être particulièrement inspiré, et c'est évident en les écoutant : leur son est particulier, et même unique. Sur le site web du groupe, il est défini comme ça : (…) "Bombe atomique en pleine poire", "747 au décollage", "hourra rock'n'roll", "maëlstrom sonique", "chorégraphie du tumulte", la griffe Thugs, alliage subtil sous une apparence primitive voire brutale, superposant rythmiques hypnotiques, courses sonores effrénées, murs de grattes, chant fragile et chœurs entêtants (...)

Il y avait cette recherche chez les Thugs, d'une sonorité différente, et avec, d'une certaine indépendance, d'une liberté de penser, de faire les choses comme ils le voulaient, sans que quiconque ait à leur dicter quoi que ce soit... Une recherche qui a fait d'eux, et malgré eux, un groupe atypique de la scène française, non conforme aux standards de l'époque. On a là une similitude frappante entre la manière dont se sont construits les Thugs et celle dont s'est formé le mouvement de Seattle : on y retrouve l'ensemble des ingrédients qui a fait que les uns et les autres ont pu s'affirmer petit à petit. Et surtout, cette recherche de l'authenticité, cette pureté d'intention, cette volonté de conserver une éthique sans faille... 
 
Eric Sourice : (…) On est au tout début du hardcore. On va être à la croisée des chemins et l’on va se situer entre Buzzcocks pour le côté très simple, mélodique et simple, et Husker Dü pour le côté “mur du son”, les guitares à fond. En plus, on chantait en anglais. À cette époque, en 83, on peut dire que la France était divisée entre le punk qui chantait en français, essentiellement les parisiens, et le rock’n’roll qui chantait en anglais, la scène de province. Nous on était entre les deux… Le public était un peu décontenancé par ce qu’on faisait, sauf quand on a eu notre propre public. On ne répondait pas aux clichés du mouvement. On n’avait pas de poses, pas le côté festif… Du début à la fin du concert, j’allais dire trois mots, les morceaux allaient s’enchaîner… On nous l’a beaucoup reproché.

Alors je vous la pose, la question : comment la musique des Thugs a t'elle pu s'apparenter autant, depuis leurs débuts, au son du hardcore américain, ce à des milliers de kilomètres de distance? A l'origine de la rencontre de 1988, il y a peut être une vision commune des choses... Une affinité dans les méthodes, dans le son bien sûr, et dans l'éthique... L'éthique du rock alternatif américain à la fin des années 80 ressemble grosso modo à ça : une méprise de l'establishment musical, et sociétal globalement, et comme proposition, ou comme ultime recours, faire les choses soit même, et prendre l'initiative par tous les moyens. Une manière de s'affirmer dans un système étouffant à la base...

Chez les Thugs : (…) Et il y avait un truc qui arrivait et qui correspondait à l’état d’esprit qu’on avait, le DIY. On est monté sur scène, c’est un peu la légende, on est monté sur scène et on ne savait pas jouer. Pour nous, un groupe, c’est un moyen d’expression, comme au lycée lorsqu’on faisait des journaux, qu’on appelait des journaux de contre-information. Au début c’était une expression, comme un journal de contre-info, comme la radio. On cherchait à foutre le bordel, c’est pour ça que le punk nous correspondait bien musicalement, parce que c’était une explosion sonore. Foutre le souk un peu partout avec les différents moyens qu’on pouvait prendre… Ça correspondait aussi totalement à notre état d’esprit, le côté un peu anar que pouvait véhiculer le mouvement punk.

A propos de la scène locale : (…) C’était le désert. Évidemment, il y avait quelques groupes, mais on les comptait sur les doigts d’une main. Sauf qu’avec ce DIY qui arrivait, on pouvait monter des assos, faire des émissions radios, des fanzines, monter un magasin de disques, faire un label, monter un groupe. Nous, on a tout fait… On a essayé de se saisir des radios libres le plus rapidement possible. On a fait une émission pirate avec un pote, avec un petit émetteur qui devait porter à 50 mètres, ça devait être en 79-80. En 1981, on a participé à des vraies radios libres associatives avec plusieurs émissions dont une qui s’appelait “Black et noir” en 83/84. De cette émission naîtra une association et, plus tard, le magasin de disques. La radio était vraiment un vecteur très intéressant.

Mais musicalement, la musique alternative Us, c'est aussi ça : un mélange de brutalité bien masculine, d'énergie pure, avec une volonté toute féminine d'aller au maximum vers la mélodie pop. Le succès des Pixies, de Nirvana se résumera à ça : de l'énergie brute avec des mélodies ultra pop
 
 
A la remarque qu'ils avaient un son atypique sur la scène française : (…) C’est lié à l’idée qu’on voulait tout contrôler et tout faire, dans la mesure du possible. On a toujours énormément travaillé le son. Le son de scène, et sur disque également. Christophe était vraiment branché là-dessus, il refusait les producteurs et voulait produire. Son idée, c’était cette espèce de bloc que tout pouvait faire ensemble, avec cette espèce de mur de guitares/basse/batterie, sur lequel surnageaient des voix. On voulait tout maîtriser et tout essayer. 
 
(…) C’était plus ce “tous ensemble”, les deux guitares qui faisaient souvent la même chose, le bloc monolithique qui avance… Avec le côté pop qu’amenaient les mélodies de voix ou les gimmicks de guitare. Ça correspondait vraiment à ce qu’on était. L’envie de foutre le bordel… J’ai souvent comparé un concert à une manif. Tu as la même dose d’adrénaline, tu as envie que ça fasse bouger le monde. Cette volonté de se battre, de s’amuser ensemble… Ce qu’on voulait faire avec les Thugs, c’était ça.
Les Thugs, c’était aussi un engagement permanent. Le groupe est né de la vague punk de la fin des années 70, de la nécessité de faire du bruit contre l’ordre établi, la révolte au cœur, la hargne des guitares électriques, le tambour battant.
(…) On était un groupe très politisé. On n’a jamais été comme les Bérus proches des milieux d’extrême gauche, on n’a pas fait beaucoup de concerts de soutien. Mais on avait des choses à dire, et quasiment toutes nos paroles étaient d’inspiration politique, sociale. On a toujours parlé de ça, qu’on n’avait pas envie de travailler, de participer à une société capitaliste, néolibérale… En même temps on se méfiait énormément des slogans. On était dans une lutte des classes, mais on pensait que c’était trop facile de ne dire que ça. On s’est toujours un peu méfié des foules, des gens qui lèvent le poing, et qui, en même temps, d’ici trois ou quatre ans finiront par être des cadres dynamiques dans une entreprise. On a toujours eu ce côté un peu désabusé… Mais on était complètement dedans… Une manif c’est bien, on y va parce qu’on se dit que la révolution est peut être au bout, et en même temps on n’y croit pas une seule seconde… Ce qui ne nous empêche pas d’essayer, et d’y revenir la fois d’après… Et toujours… On ne voulait pas être des portes drapeaux. On s’est impliqué dans des trucs militants, mais au niveau musical on n’était pas évidents. Il fallait aller chercher la substantifique moelle. Je me souviens d’un titre du “Monde Diplomatique”  : ”Informer fatigue”… Et nous c’était un peu ça. C’est aussi pour ça que l’on nous a proposé peu de concerts de soutien.
Suite à la signature chez Sub Pop, le groupe entame une tournée de deux mois aux USA. Vont suivre une trentaine de dates passant par New York, Chicago, San Francisco … La presse spécialisée outre-atlantique va alors s'enthousiasmer pour ce qu'ils appellent malicieusement le Woody Core (en référence à la ressemblance existant entre Eric Sourice, chanteur du groupe, et Woody Allen).
(…) 1989, c’est aussi une date charnière pour nous… Les premières tournées aux USA, les premiers disques qui sortent là-bas, d’abord chez Sub Pop puis chez Alternative Tentacles. Le fait d’avoir une reconnaissance à l’étranger a fait qu’on a commencé à avoir beaucoup de monde aux concerts en France. “Il paraît que vous vendez plein de disques aux Etats-Unis -non, pas plein, au contraire…”. Dans l’esprit des gens, cette reconnaissance à l’étranger faisait que ça devait être bien…
Trois albums sortiront chez Sub Pop, un chez Alternatives Tentacles. Les tournées américaines et européennes se succèdent, ils partagent la scène avec les groupes les plus reconnus du moment : Tad, Faith No More, Hole, Love Battery, Nirvana, The Breeders, Sonic Youth, Seaweed, The Posies... Ils participent à l'émission de John Peel sur BBC Radio 1. En 1991, en pleine Guerre du Golfe, leur chanson Stop the War est distribuée aux États-Unis. Les collaborations avec la scène de Seattle, et plus globalement l'underground Us, s'étoffent aussi : Steve Albini, ex Big Black, ultra respecté dans le milieu, produira « Strike » en 1996, Kurt Bloch des Fastbacks s'attardera sur « Ninetheen Something » en 1998.
Jello Biafra (Alternatives Tentacles et ex Dead Kennedys) : "J’ai sorti les Thugs il y a presque vingt ans. Il me semble qu’ils avaient envoyé une copie d’un 45T. Je l’ai écouté et j’ai été bluffé. C’était une combinaison hypnotique sans pareil du Velvet Underground et des Buzzcocks. Les Thugs font parti de ces rares groupes dont tu ne te lasses jamais."
Poneman, en 1996 : ˜Je tiens en haute estime le fait que Sub Pop continue à être le label des Thugs. A l'exception de IABF, qui est sorti chez Alternatives Tentacles (ils étaient fans, on était fauchés), Sub Pop a fièrement sorti tous les albums des Thugs en Amérique du Nord. Ils sont maintenant le plus ancien des groupes de Sub Pop. Ils sont le meilleur porte drapeau de notre label. (…) Les Thugs sont un des meilleurs groupes de rock au monde. Ils fusionnent l'hypnotique et l'explosif comme aucun autre groupe. A chaque album, ils ont systématiquement redéfini et étendu leur œuvre. Et même s'ils chantent dans une « deuxième langue », leur champ d'émotion, de sophistication et d'humour ne faiblit jamais et inspire toujours.˜
S'ils ont alors acquis une reconnaissance indéniable, les membres des Thugs ont toujours montré une fidélité sans faille, fidélité à leur ville et leurs amis d'Angers, aux labels qui les ont soutenu. Il faut également rappeler la création de Black et Noir, d'abord émission de radio, puis magasin de disque et label d'Eric Sourice jusqu'en 1995.C'est donc naturellement qu'en 1993 les Thugs reviennent chez Sub Pop pour la parution de l'album qui sera le plus grand succès commercial du groupe : « As Happy As Possible ». Enregistré à Seattle, il se vendra à 40 000 exemplaires dans le monde. Mais à aucun moment les membres du groupe ne souhaiteront surfer sur ce succès. Ils se disent alors surtout désabusés et pessimistes. Leur seul souhait est de vivre en groupe une aventure propre et authentique. Le dernier concert du groupe aura lieu à La Roche sur Yon fin 1999 et scellera une histoire de plus de 15 ans de bruit et d'émotion. Le groupe est cependant remonté sur scène à Seattle, à l'occasion des 20 ans du label Sub Pop. Et en France au cours de l'été 2008 pour une ultime tournée. La sortie d'un dvd retraçant leur carrière (qui annonce des images d'archives tournées à Seattle), bien que sans cesse retardée, doit sortir courant 2010...
Discographie :
Radical Hystery (1986), Electric Troubles (1987), Dirty White Race (1988), Still Hungry (1989), I.A.B.F. (1991), As Happy As Possible (1993), Strike (1996), Nineteen Something (1997), Tout doit disparaitre (1999), Road Closed (2004)
Pour vos petites oreilles fragiles, trois morceaux à découvrir dont une reprise des Dead Kennerys, dans la playlist Grooveshark à droite... Faut chercher...

Article réalisé par multi plagiats agrémenté de quelques passages originaux... Les nombreux extraits pompés sont lisibles sur les quelques sites web documentés sur les Thugs... Dans le même ordre d'idée, les traductions sont parfois approximatives mais les idées sont là...

Seattle Grunge's anecdotes : Kim Thayil par Mark Arm et Charles Peterson (début 80's)

Mark Arm (chanteur de Mudhoney) : Kim est un vieil ami à moi. On était ensemble en cours de philosophie à l'Université de Washington. Je l'ai rencontré à un concert de TSOL au Showbox. C'est peut être bien aussi le concert ou j'ai rencontré Steve (Turner, futur Green River et Mudhoney), mais je me rappelle surtout clairement Kim en pensant à cette soirée. Kim arrivait systématiquement en classe 10 minutes en retard, et se mettait à monopoliser la conversation en cours, ce qui irritait le professeur à un point qu'on imagine pas! Il a finit par obtenir un diplôme de philosophie dans la même institution. Ce gars avec des cheveux longs et une moustache est venu vers moi ce soir là et m'a dit : "Hey, tu serais pas dans ma classe de philosophie toi?

Charles Peterson (photographe) : J'ai rencontré Kim à l'Université - Bruce Pavitt me l'avait présenté. On était tout le temps fourré dans ce resto chinois à 2,99$, à parler philosophie pendant des heures. Un jour, au milieu d'une conversation, il a par erreur mis de la sauce soja dans son thé à la place du sucre, et je l'ai vu gober ça sans qu'il s'aperçoive le moins du monde de sa connerie...

Ben Shepherd : Mon frère le plus agé, Henry, habitait à Seattle, et il a rencontré ce gars, Kim. Ils étaient amis, et il a amené Kim à la maison. J'avais 14 ans.

Du Kyuss au Hellfest... et Pearl Jam au Mainsquare

Quelques mots sur le Hellfest 2010, et particulièrement la journée du dimanche et son pot pourri de groupes stoner et desert rock, intercalés entre Slayer, malsain à souhait, un Devin Townsend plus lourd que jamais et un Motorhead qui fait... du Motorhead... John Garcia, ex chanteur de Kyuss, y fait office de tête d'affiche, lui qui va reprendre sur tout un set les morceaux de son groupe d'origine... Kyuss, formation ultra culte née officiellement en 1989 au fin fond du désert californien, et composé de Josh Homme (guitare), John Garcia (chant), Nick Oliveri (basse), et Brant Bjork (batterie)... (suivront Scott Reeder à la basse, et Alfredo Hernandez à la batterie). Kyuss, tête de gondole de ce qu'on appellera plus tard le desert rock, co-organisateur des fameuses Generator Parties, concerts donnés au milieu du désert avec l'aide de groupes électrogènes, et futur modèle adulé de la horde stoner rock à venir... En 1995, après 4 albums, le groupe se sépare, Josh Homme part jouer avec les Screaming Trees pour la tournée qui suit la sortie de l'album Dust, Oliveri reprend du service chez les Dwarves, avant que tous deux partent fonder les très lucratifs mais néanmoins excellents Queens Of the Stone Age et le concept des Desert Sessions ou passeront pèle mêle les Dave Grolh, Mark Lanegan, ou Ben Shepherd...

Garcia Plays Kyuss donc, est de la partie pour ce dimanche au milieu des vignes nantaises, mais aussi, et c'est la cerise sur le gâteau, Brant Bjork et ses Bros, Nick Oliveri et Mondo Generator, et Alfredo Hernandez + Mario Lalli et les légendaires Yawning Man... Soit 4 des six membres du groupe, et 3 des membres d'origine... Ça promet quelques bons guests... Yawning Man nous balance son rock instrumental tout droit sorti du désert Mojave, c'est bien bon si on aime fumer des fleurs de cactus, pas de bol ici on est plutôt au muscadet... Concert bien sympathique cependant, à défaut d'être excitant. Mondo Generator nous envoie la purée sans concession... Du rock n'roll survitaminé au frontière du punk... Et la voix du bonhomme n'est pas là pour peaufiner la mélodie. Tout en puissance, on perd pas de temps, ça déménage!!! En sus quelques morceaux de QOTSA... Brant Bjork nous ressert ce qu'il fait de mieux depuis quelques années : du très bon rock 70's. Dixit l'excellent magazine Noise : un hard rock à la cool, un brin psyché, délicieusement groovy et blusy en diable. Efficace est le bon mot...

Quand à Garcia Plays Kyuss, concert ultra énergique pour une bonne masse de fans venus des 4 coins de l'Europe, et qui n'ont pas confondu avec Kiss, qui joue en même temps sur la grande scène. C'est heureux!!! 15 ans que ces morceaux n'avaient pas été joués live, on sent qu'il y a eu de la frustration durant toutes ces années, parce que bordel, c'est peu de dire que la tente Terrorizer est bien petite pour contenir la débauche d'énergie lachée au son des premières notes d'Asteroïd... Votre serviteur, 170 cm les bras levés, n'aura pas vu grand chose, mais aura bien profité de la frénésie ambiante, entre pogos endiablés autour, et slammeurs au dessus... Suivront un bon paquet de classiques, Freedom Run, Gardiena et Green Machine en tête, avec, on l'aura deviné, Oliveri et Bjork, la gueule fendue en deux d'une belle banane, pour se rappeler au bon souvenir du bon vieux temps... Au total, 1h20 d'un concert qui se terminera sous les huées d'un public qui ne loupera pas l'organisation, elle même fâchée de voir s'éterniser un set de retrouvailles entre Garcia, légende du stoner rock, et son public... Faut dire qu'il est pas loin d'une heure du mat', et que le Hellfest n'a pas le droit à l'erreur, la moindre faute ne sera pas pardonnée par le voisinage héhé... Hormis ce petit couac, chapeau bas à l'organisation parfaite de cette fête de l'enfer complètement bon enfant et respectueuse de tous... A noter que les Melvins sont d'ores et déjà programmés pour l'édition 2011!!!



Deux semaines plus tard, rendez vous à Arras pour la sixième édition du Mainsquare Festival... Le Mainsquare... Y serait t'on venu si Pearl Jam n'en avait fait sa seule date française en 2010... A la vue du minimum syndical fourni par l'organisation, c'est sûr qu'on y retournera pas de sitôt... A moins qu'un improbable Soundgarden n'y apparaisse l'année prochaine... Qui sait?! Site original à défaut d'être sympathique, mais trop petit, voire minuscule face à l'affluence, bouffe sans choix et puante, et bordel, les verres consignés, personne leur a encore dit que ça existait!!! Résultat : un vrai dépotoir en fin de soirée...

Heureusement, coté programmation, c'est presque un sans faute. La fraicheur de Lilly Wood and The Prick, un duo franco français, fait plaisir à voir... Toute en pudeur, la chanteuse nous balance des petites merveilles pop rock aussi bonnes que celles de Julian Casablanca, le parolier des Strokes venu promouvoir son album solo... C'est bon, c'est sympa, mais le son est archi pourri, et le morveux est un peu puant... C'est pas avec cette attitude qu'on fera l'effort d'acheter son disque!!!! Phoenix, par contre, confirme tout le bien qu'on pensait d'eux : humilité et amour du public, et y'a pas à dire, le petit dernier Wolfrang Amadeus Mozart sonne excellemment bien en live... M fait du M, c'est à dire un vrai show, et le fait bien. Le bonhomme mérite le détour en live, c'est peu de le dire... Ben Harper assure avec Ressentless 7, on ne sera jamais déçu par ces éternelles revisites modernes du blues du Delta. Le temps de faire un tour d'un répertoire déjà étoffé, et agrémenté d'une reprise énergique du Heartbreaker de Led Zep, d'une autre du Under Pressure de Bowie (avec en guest l'apparition d'un Vedder qui nous laisse entrevoir l'ambiance pour le dernier concert de la soirée), et le set se termine par l'un des grands classiques du blues : un Red House époustouflant... Jusque là, on a pris son pied. Mais on attend surtout le clou du spectacle : Pearl Jam!!!

PEARL JAM. Le mythe. La légende. On ne peut pas dire que Pearl Jam ait jamais pris une grande ampleur en France, et c'est pas la presse musicale hexagonale qui dira le contraire, elle qui n'a jamais vraiment soutenu les 5 américains. Il n'en reste pas moins que le groupe y bénéficie d'une base de fans très solide, il suffit de regarder autour de soi pour comprendre que la majorité des gens ici sont venus pour eux... Y'a pas à chier, ce sera toujours un groupe qui suscitera la passion, par l'aura de son leader d'abord, la musique fédératrice du groupe ensuite, mais aussi par les symboles qu'il véhicule : intégrité sans faille, engagement politique, valeurs humaines... Et surtout, surtout, Pearl Jam représente tout à la fois le fondement et la synthèse de la grande aventure du rock alternatif américain, des débuts de certains de ses membres à l'aube des années 80 dans les bas fonds de Seattle, jusqu'à l'explosion Grunge, les désillusions des années 90, et l'entrée à l'aube des années 2000 dans le cercle très fermé des géants du rock (élu groupe du siècle par les lecteurs de USA Today en 2005...). C'est clair et net, certains sont venus pour le symbole, et donc, un peu, par nostalgie pour cette époque bénie...

Que dire d'un tel concert, sinon qu'il a respecté le vieil adage qui dit : « qu'on récolte ce que l'on sème » : Pearl Jam a toujours clairement pris soin de ses fans, en a toujours fait sa priorité. Pearl Jam aime profondément son public. Il est donc plus que logique que ce même public le lui rende au centuple... Si on pouvait évaluer l'intensité d'un concert au degré de communion d'un groupe et de son public, on dirait bien sûr que celui-ci fut extraordinaire... Surement pas plus, cependant, que celui qu'ils donneront dans deux jours, ni que celui qu'ils ont donné deux jours avant... Il se trouve seulement que Pearl Jam n'a plus rien à prouver, n'a plus de fans à conquérir. Ils sont conquis depuis belle lurette, et c'est peu de dire qu'il resteront à jamais fidèles... Quel pied ces mecs doivent prendre à partir en tournée!!! Il y a un tel respect et une telle ferveur autour d'eux. Pas un classique ou l'on entend pas la foule chanter en cœur... Et dieu sait si la discographie du groupe en contient, de classiques. On peut même parler d'hymnes, tellement tout ça est fédérateur.

C'est Unthought Known qui commence le set, et comme toujours, Vedder touche droit au cœur quand il s'agit d'interpréter des morceaux mi tempo qui montent en puissance progressivement... Il transporte... Got Some est taillé pour le live, et décidément un excellent morceau. Given To Fly se termine tout en puissance. La musique de Pearl Jam est belle, tout simplement, parce qu'elle magnifie ensemble Tristesse et Joie... et cette voix d'écorché vif y est pour quelque chose... Une marque de fabrique... La valse des classiques State Of Love And Trust, Corduroy, Even Flow, Porch déchaine le public... Just Breathe ne déroge pas à la tradition des chansons tout en douceur, souvent par ailleurs les plus touchantes. Of The Earth, morceau inédit, et Elderly Woman terminent la première partie... Début du deuxième set : Ben Harper à la slide apporte le petit plus qui va bien à Red Mosquito, et on est tout simplement heureux de voir le plaisir qu'ont ces 6 là à jouer ensemble. Le rock, c'est avant tout un sens du partage, et Pearl Jam sait le faire plus que nul autre : Ben Harper est entouré d'attention par les 5 autres, à commencer par Vedder, qui chantera assis pour mieux accompagner son invité. Mc Cready arbore un T-shirt Ressentless 7, et les gestes qu'il envoie aux trois compères de Ben Harper ne cachent rien du respect qu'il souhaite leur donner. Pearl Jam est un rêve de groupe rock, respectueux au possible, chaleureux envers tous, public, musiciens, entourage... Complètement humain. Un exemple. Jeremy, un Black extraordinaire, The Fixer et un Alive fédérateur prennent la suite, pour un show très marqué par Ten. Rarement vu un public aussi réceptif... Yellow Ledbetter et Baba O' Riley terminent un set de folie. Trop court...

Pearl Jam, total respect... Quel groupe!!! Quelle performance scénique!!! C'est bô... Après ça, on peut arrêter de courir les concerts... On a vu Le groupe rock par excellence, on a touché l'Essence du Rock, on a entendu la Quintessence du Rock. Suffit pas que la musique soit bonne, elle doit nous faire passer par toutes les états possibles du Bonheur : quiétude, joie, beauté, chaleur, tristesse, amour, nostalgie, don de soi, humanité, douceur, énergie... Beaucoup de groupes savent nous emporter dans l'un ou l'autre, rares sont ceux qui peuvent nous emmener en l'espace d'1h30 dans tous à la fois... Pearl Jam est de ceux là, c'est ce qui fait que ce groupe est unique et adulé... Pas de doute, Pearl Jam mérite son succès, l'amour de ses fans, le respect de ses pairs musiciens... Ces 5 là sont juste des gars bien!!!




"Grunge Is Dead" de Greg Prato

Quelques mots sur l'excellent bouquin sorti l'année dernière, en version anglaise seulement (le verra t'on un jour en français? on peut légitimement en douter), « Grunge is dead : the oral history of Seattle rock music » de Greg Prato.

Complément parfait au documentaire Hype et autres albums photos du fameux Charles Peterson, qui sont à mon goût ce qu'on a fait de mieux en matière de retranscription visuelle du mouvement de Seattle, ce petit pavé d'un demi millier de pages, est un réel travail de titan... On a là les témoignages de plus ou moins 130 personnes, connues ou moins connues, liées de près aux évènements qui nous intéressent. Et même si au commencement, on est un peu déçu de ne pas avoir le point de vue des Novoselic, Grohl, Cornell ou Lanegan (les grands absents), au final on se dit qu'ils n'auraient absolument rien apportés de plus au schmilblick, tellement les propos sont denses, intenses et variés...

Pour les plus documentés sur l'affaire en question, l'apport de ce bouquin vaudra surtout pour les nombreux détails distillés sur la genèse du mouvement. Lequel prend forme dès 1980, avec certains membres éminents du futur Seattle sound... J'entend par là les Ben Shepherd, Mike Mc Cready, Mark Arm, Stone Gossard, etc, tous encore boutonneux... Mais déjà actifs au sein des confidentielles scènes punk hardcore et hard rock locales... Tout part de là, finalement, et le grunge, en définitive, se résumera aux possibilités d'hybridation existantes entre ces deux scènes à première vue opposées (Black Flag versus Van Halen, c'était pas gagné d'avance... l'expérience mitigée de Green River en sera quelques années plus tard un bon exemple). Hybridation qui deviendra cependant petit à petit réalité. Les U Men pointent le bout de leurs nez, parmi quelques autres... Les Fastbacks sont déjà bien en place... Se sent déjà l'amorce d'une mouvance solide et soudée, et le brassage constant de musiciens qui passent de groupes en groupes, est déjà bien présent...

Parmi ceux-ci, on remarque les contributions plus ou moins prédominantes de quelques natifs de Seattle qui façonneront le hard metal américain par la suite. Paul Barker, futur bras droit de Jourgensen dans Ministry, a fortement influencé la scène locale de part les prestations des Blackouts, un groupe punk hors norme (et à mille lieux des combos de la scène hardcore californienne de l'époque). Surtout, comment ne pas citer Duff Mac Kagan, bientôt chez les Guns N' Roses, et dont l'apport se révelera absolument prépondérant à la scène punk émergente (qui l'eut cru?), de par son implication, alors qu'il n'est pas même majeur, au sein de plusieurs groupes du cru, et notamment les Fastbacks, The Fartz et Ten Minutes Warning.

On s'attardera ensuite sur l'apparition progressive des groupes historiques du mouvement, les Soungarden, Melvins, Green River, Screaming Trees, Skin Yard... Et sur l'organisation anarchique et pas vraiment réfléchie, mais néanmoins progressive de la scène, l'apport conjugué des petites maisons de disques naissantes, des radios indé, et des quelques clubs qui font jouer les groupes intra muros... Olympia, Sub Pop, Aberdeen, Beat Happening, K Records, les Riot Grrrl... La suite, on la connaît, Nirvana, Pearl Jam, Alice, le succès planétaire, la déchéance, les morts... Même si rien n'est dénué d'intérêt du début à la fin!!!

Surtout, ce qui est vraiment captivant, c'est la vivacité des propos des uns et des autres, véritables dépositaires de l'histoire d'un mouvement qu'on ne peut pas trouver dans des bouquins écrits par d'autres, qui n'y étaient pas... Ceux là, étaient bien présents tous les we au bas de la scène, la bière à la main, les oreilles et le cerveau souvent défoncées, la plupart étaient de réels potes des Arm, Cobain, Conner, Cornell ou Thayil... Tous ont participé à ce que fut, de l'intérieur, ce mouvement... C'est la réelle force de ce bouquin... Et ça nous vaut, à nous autres, de bien rire au fil des pages : ces mecs étaient juste de bien bons comiques...

Et au delà de ça, ce que moi je retiendrais personnellement de cette excellente lecture, c'est cette histoire de famille... Et c'est bien ça le plus extraordinaire, on a là un mouvement aux ramifications planétaires, avec des groupes devenus des superstars du business musical... Mais ce qu'on oublie souvent, c'est que toutes ces personnes formaient réellement une famille, un groupe soudé... Une grosse bande de potes...

Certains qualifieront la scène d'incestueuse, à raison, tellement était présent ce mouvement constant de musiciens : untel qui remplace untel, qui file fonder tel groupe avec machin, ancien membre de tel groupe etc... Et c'est ça qu'on ressent en lisant ce bouquin : l'extrême bonheur de tous d'avoir participé ensemble à ce blitzkrieg musical, l'amitié simple qu'ils avaient tous les uns pour les autres, le soutien qu'ils pouvaient se donner... Ce mouvement, c'est en un mot, l'amitié qui l'a formé et soutenu... Rien de calculé dans cette démarche, le seul truc un temps soit peu réfléchit, c'était l'envie de jouer et s'amuser entre potes... Même les Pearl Jam ou Alice In Chains, bien qu'ayant muri en parti en dehors de la sphère d'influence de la scène locale, y ont été intégré très rapidement, malgré tout ce qui a pu être dit à ce sujet...

L'histoire du rock à Seattle reste pour ces raisons un excellent exemple de ce que la vie est capable de donner quand on fait l'effort d'y cultiver une chose toute simple : la notion de fraternité... C'est de mon point de vue le réel héritage laissé par ce « mouvement malgré lui », et qui va bien au delà de la musique, aussi extraordinaire soit t'elle... Et c'est bien, à peine voilée, cette idée dominante qui suinte de ce bouquin, avec, vendu dans le lot, un sens de l'authenticité qu'on aimerait voir plus souvent de nos jours dans le milieu musical, et beaucoup d'humour...

Et techniquement parlant, en un mot : n'ayez pas peur de la langue anglaise... On reste dans un style purement oral, donc plus simple à comprendre, et si, moi qui parle anglais comme une vache franco-irlandaise, ai pu prendre vraiment plaisir à lire ce bouquin, vous y arriverez aussi... Sans compter que ça fait pas de mal de travailler un peu son angliche...