Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

11/01/2013

Interview de Dieu le Père : Bruce Pavitt en direct!!!!!

Après un premier gros poisson pèché par le sieur PYC en la personne de l'inventeur du "son" grunge, j'ai nommé Mr Jack Endino, v'là t'y pas qu'un deuxième vient mordre à l'hameçon. Bruce Pavitt. Dieu le Père du Grunge. L'inventeur, quand à lui, de "l'identité" grunge, du "concept" grunge, et accessoirement de Sub Pop Records, qui signa en son temps tout ce qu'il est possible de signer de groupes indies (la liste est , elle est tellement énorme qu'on va pas s'éterniser à développer ici), démarre l'aventure en 1979 dans le plus pur esprit DIY, après avoir passé une enfance heureuse à Chicago en compagnie de ses potes d'enfance Kim Thayil ou Hiro Yamamoto... On peut donc dès maintenant pousser un peu plus loin la découverte de la vie pas toujours facile de Mr Pavitt, après l'interview posté la semaine dernière qui retraçait magnifiquement le parcourt du bonhomme...


Seattle Grunge : Salut Bruce!!! On est surpris de te voir si occupé encore aujourd'hui (dj la nuit, conseiller musical pour jeunes groupes inexpérimentés et conférencier le jour), alors qu'on te croyait retiré des affaires... Tu as pour de vrai survécu à "l'explosion grunge"!!!!. Bon, la vie est malgré tout plus tranquille pour toi aujourd'hui, comparé aux années 90...

Bruce Pavitt : Oui, la vie est plus calme, d'autant plus que j'habite dans une île perdue : Orcas Island, pas loin de la frontière canadienne. J'adore faire le dj, rapprocher les gens rien qu'avec un peu de musique...

SG : Qu'en est t'il de Sub Pop? En es tu toujours parti prenante?

BP : Plus ou moins. Je fais parti du groupe de conseillers, on se rencontre de temps en temps pour discuter musique...

SG : Tu es originaire de Chicago, une cité très active musicalement, avec beaucoup de label influents (Wax Trax, Chess Records)...

BP : C'est ça. Avant d'arriver à l'Evergreen State College d'Olympia, j'étais déjà très influencé par le punk rock, et pour tout dire je passais beaucoup de temps à Chicago dans le magasin de Wax Trax, à acheter fanzines et disques. C'est grâce à ce magasin là que j'ai fais mon éducation punk. Comme pour le blues d'ailleurs : j'avais l'habitude de faire tourner les disques d'un label de Chicago nommé Alligator Records (Hound Dog Taylor, Johnny Winter, Buddy Guy etc) quand je bossais à la station radio du lycée. J'étais un grand fan de blues, j'ai même eu la grande chance de voir le légendaire Howlin' Wolf en 1976...

SG : Et donc tu débarques en 1979 à Olympia, WA, pour les études... Enfin, officiellement... Puisque tu te lance immédiatement à corps perdu dans la promotion de la scène musicale locale, via la création de la version 1.0 de Sub Pop... Peux tu nous en dire un peu plus, comment tu t'y es pris tout ça?

BP : J'ai très vite animé une émission indie/punk sur KAOS-FM, la radio de l'université, que j'avais appelé Subterranean Pop. En mai 1980, j'ai décidé de publier un fanzine, sous le même nom, où on pourrait trouver les critiques des disques que je passais dans l'émission. La plupart de ces disques était super durs à trouver, donc à la fin de la critique j'incluais toujours une adresse où se les procurer. Au bout du troisième numéro, Subterranean Pop est devenu Sub Pop, et pour le cinquième numéro, j'ai décidé de contacter certains de mes groupes favoris pour qu'ils me fassent parvenir des démos de morceaux que je pourrais utiliser pour faire une compilation cassette, laquelle serait vendue avec le fanzine. Je faisais toujours en sorte de parler d'un maximum de villes américaines, mon idée était de partager la musique de différentes régions des States. L'ensemble de ces musiques offrait une variété de sons totalement différents. Les cassettes étaient dupliquées par des professionnels, mais c'est moi qui me chargeait d'insérer le livret et d'envoyer le tout depuis mon petit appartement d'Olympia. Ces cassettes m'ont permis de payer mon loyer pour un couple d'année!!! Calvin Johnson m'a aussi pas mal aidé à l'époque...

SG : En parlant de Calvin Johnson, y a t'il eu une influence "Olympia" sur ton travail a l'époque? Le fait que tu te retrouves dans une ville où l'activité musicale est très intense, et l'éthique DIY une religion, a t'il joué sur la création de Sub Pop?

BP : Sans aucun doute. J'étais très influencé par ce qui se passait à KAOS, et par les dj's qui bossaient là bas, comme Steve Fisk par exemple, ou Calvin bien sûr, et John Foster, qui publiait à l'époque un fanzine nommé OP Magazine, que je considère encore aujourd'hui comme la bible de l'indie rock. John Foster et OP ont définitivement influencé mon taf. Et K Records par la suite, qui est né en 1983.

SG : Tu finis ensuite par te baser à la grande ville, Seattle, où tu découvres les photographies d'un certain Charles Peterson au cours d'une de ces fameuses "party houses", lesquelles photos te convainquent du réel potentiel de la scène punk rock locale. Comment des simples photos peuvent t'avoir aidé à penser ça?

BP : C'était en 1986, et ça faisait déjà 3 ans que je vivais à Seattle. Je commençais sérieusement à avoir le sentiment que le son plutôt heavy des nouveaux groupes qui émergeaient à Seattle créait une sorte de cohérence, et qu'il y avait là une vraie scène en formation. Et les photos de Charles capturaient admirablement l'énergie des shows de tous ces groupes. Elles étaient le chainon manquant qui allait m'aider à développer le tout nouveau label qu'était Sub Pop à l'époque.

SG : Sub Pop devient donc officiellement un label en 1986. Une question me taraude : toi et Jonathan Poneman êtes vu aujourd'hui comme des businessmen géniaux, alors que paradoxalement, vous étiez l'un et l'autre de très très mauvais gestionnaires (voir ici). Penses tu que, dans le cas contraire, vous auriez signé tous ces groupes que vous avez signé sans absolument vous préoccuper de savoir s'ils allaient vous rapporter un peu de fric ou pas?

BP : Haha. Excellente question!! Je peux t'assurer que si on avait été de bons businessmen, il y a longtemps qu'on ne serait plus dans le business!!! La façon dont on s'y est prit était très risquée, elle nous a permis de continuer bon an mal an, mais tu peux pas imaginer comme ça a été dur. La prise de risque a finit par payer, mais ça reste une période très éprouvante pour moi, et j'ai probablement perdu des années de vie à cause du stress constant vécu à l'époque. Je suis vraiment ravi de l'avoir fait, mais jamais je voudrais le refaire!!

SG : Une question très française : vous avez signé les Thugs, un groupe qu'on connait bien ici, après les avoir rencontré à Berlin en 1988. As tu un souvenir spécial les concernant?

BP : Le premier disque qu'ils ont sorti chez nous, un 45 tours : Chess and Crimes. Définitivement l'un des meilleurs singles qu'on ai jamais sorti. Epique. 

SG : Quel est ton actualité actuellement?

BP : Je viens juste de sortir un e-book via iTunes : Experiencing Nirvana : Grunge in Europe 1989. Il contient un paquet de photos de Nirvana, TAD et Mudhoney lors de la tournée européenne de 1989, et y'a même quelques photos de Paris dedans! Plus d'infos sur www.experiencingnirvana.com

Enorme merci à toi Bruce!!! Dessous l'intégralité de la 1ère compil vinyl Sub Pop 100, ainsi qu'un court extrait de K7...


Le track listing de Sub Pop 100 :

1. Steve Albini – Spoken Word Intro Thing
2. Scratch Acid – Greatest Gift
3. Wipers –
Nothing To Prove (live)
4. Sonic Youth – Kill Yr Idols
5. Naked Raygun – Bananacuda
6. U-Men – Gila
7. Dangerous Birds – Smile On Your Face
8. Skinny Puppy – Church In Hell
9. Steve Fisk – Go At Full Throttle
10. Lupe Diaz – Itsbeena
11. Boy Dirt Car – Impact Test
12. Savage Republic – Real Men

13. Shonen Knife – One Day Of The Factory

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