Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

04/01/2013

Ouais, le chanteur avait une bonne voix : Bruce Pavitt a fondé Sub Pop, signé Nirvana et changé votre vie

On savait que Bruce Pavitt venait de sortir un de ces documents rares qui font baver tout fan de "grunge" qui se respecte. On savait qu'un jour ou l'autre Bruce Pavitt répondrait à nos questions qu'on lui a envoyé y'a un mois de ça bordel merde tu fous quoi Pavitt, balance les tes réponses putaing!!!! On savait aussi qu'il y avait des gars autrement meilleurs que nous en interview, enfin des gars dont c'est le métier, enfin je pense. Et on se disait qu'en le lisant, celui là d'interview, ben on avait une chouette rétrospective de la folle aventure que fut la vie du bonhomme, en même temps que moults détails sur ce qui marqua l'arrivée de la musique de Seattle en Europe : cette fameuse tournée TAD / Nirvana / Mudhoney. C'était en 1989. On se disait que ce serait bien de vous le proposer, cet interview, avec l'accord de l'auteur Sylla Saint-Guily (et de son patron, vice.com), qu'on remerçie vivement au passage... C'est parti : 

Si vous vous intéressez à l'indie-rock (l'indie-rock d'avant, celui des mecs crades en échec scolaire), le label Sub Pop est le plus proche équivalent de la Bible, de Jésus et de Dieu réunis. Pas seulement parce que c'est grâce à lui que vous connaissez Nirvana, Mudhoney, les Thugs, Beat Happening et No Age – ou plus récemment Pissed Jeans ou Metz – mais aussi parce que Jonathan Poneman et Bruce Pavitt, les deux fondateurs du label, ont été assez malins pour faire en sorte que le label soit toujours, vingt-cinq ans après sa création, une référence pour les kids en fringues trouées.

Récemment, j'ai appris que Bruce Pavitt sortait un e-book intitulé Experiencing Nirvana, retraçant l'historique de la première tournée Sub Pop en Europe – qui regroupait Tad, les Headcoats de Billy Childish, Mudhoney et les jeunes Nirvana. Juste pour que vous sachiez : ce truc tue du début à la fin. En plus de retracer le voyage sur notre continent de ces kids de la côte Ouest américaine, c'est la première fois que ces documents inédits sont publiés. Ces photos, chopées à l'époque par Bruce sur un appareil claqué, constituent aujourd'hui un vestige inestimable pour ceux qui, comme moi, ont appris la musique avec les groupes du label.

J'ai chopé Bruce par mail ces dernières semaines pour l'interviewer à propos de ces photos oubliées et lui parler de Seattle avant que la ville ne devienne le haut-lieu des cafés prétentieux. Après de longues négociations, il m'a raconté par téléphone comment il avait transformé un punk rocker adolescent en Michael Jackson.

VICE : Comment vous est venue l’idée de sortir un e-book sur la première tournée de Nirvana en Europe ?

Bruce Pavitt : Récemment, je suis retombé sur cette photo de Kurt Cobain devant une croix du Colisée, à Rome. J’ai toujours trouvé cette photo incroyable – Kurt ressemble à Jésus, dessus. Puis j'ai cherché et retrouvé les autres photos de cette tournée. J’ai été surpris par le fait que ces photos racontaient une vraie histoire. Je me suis dit qu’en les sortant au format e-book, tout le monde pourrait les choper de suite, partout.

OK. Quel âge aviez-vous quand vous avez découvert le punk rock ?

J’ai grandi dans la banlieue de Chicago. J'ai toujours adoré la musique. À 9 ans, mes parents m’ont offert mon premier lecteur de vinyles et très rapidement, je me suis mis à dépenser tout mon argent de poche en disques. Je me trimballais toujours avec une petite radio sur moi. Je voulais tout connaître. En terminale, en 1977, j’ai découvert le punk et j'ai passé le reste de l’année à traîner chez les disquaires du centre-ville à la recherche de tout ce qui avait l’air punk.

C'est le moment où vous avez emménagé à Seattle ?

J’ai déménagé à 20 ans à Olympia, à côté de Seattle, pour m’inscrire dans une université alternative, l’Evergreen State College – elle était connue pour sa station de radio, KAOS. Ils passaient pas mal de punk et de musique indépendante – ce qui était inédit à l’époque. J’ai commencé à faire de la radio là-bas, avec mon émission, « Subterranean Pop », en 1979. Puis, en 1980, j’ai lancé mon fanzine du même nom. C’était le premier fanzine aux États-Unis qui ne publiait que des chroniques de disques qui sortaient sur des labels indépendants.

Subterranean Pop ne chroniquait que des groupes locaux ?

Pas seulement. Les groupes étaient classés en fonction de leur provenance. J’avais une section pour les groupes d’Austin, une autre pour les groupes de Seattle, de Chicago, etc. Je voulais parler des groupes qui venaient de régions reculées des États-Unis, pas seulement de New York ou LA, pour donner une visibilité à toutes ces scènes locales. Je publiais l’adresse des labels, pour que les lecteurs puissent commander leurs disques.
KAOS FM avait un énorme catalogue de disques de labels indé – je trouvais tout ce que je voulais chez eux. À l’époque, j'adorais les Wipers de Portland et les Blackouts de Seattle. Puis, j’écoutais beaucoup de punk rock californien, les Dead Kennedys, The Gun Club, tous ces groupes-là.

Comment avez-vous fini par monter le label ?

J’ai d’abord sorti des compilations sur tapes. J’en ai sorti trois, à partir des démos de groupes d’un peu partout. J’étais en contact avec les groupes, je récupérais leurs cassettes, et quand j’ai déménagé à Seattle, en 1983, j’ai décidé de sortir ces morceaux en vinyle. En 1986, j’ai sorti mon premier disque, la compilation Sub Pop 100. Dessus, il y avait Sonic Youth et The Wipers. Elle s’est plutôt bien vendue, ça m’a donné envie de continuer.

Vous étiez tout seul à l’époque ?

Oui, je sortais les compilations dans mon coin. J'ai vite compris que la scène de Seattle commençait à devenir riche, foisonnante. J’ai emprunté de l’argent à mon père pour sortir mon premier vrai album, Dry As a Bone de Green River. Un an plus tard, Jonathan [Poneman, qui bosse avec Bruce dans Sub Pop] et moi nous sommes associés pour sortir le premier album de Soundgarden.

Comment vous êtes-vous rencontrés, Jon et vous ?

Il présentait une émission sur une radio dans laquelle j'ai aussi bossé, KCMU FM. Un jour, il m’a invité dans son émission pour faire la promo de Sub Pop 100. J’ai vite capté qu’on avait des goûts en commun, et on est devenus potes.
Pour en revenir à Soundgarden, je connaissais Kim Thayil, le guitariste, depuis l'enfance – nous avions grandi dans le même quartier et on était dans le même lycée. Quand Jonathan Poneman a voulu sortir leur disque, Kim lui a suggéré que nous fassions équipe. On est devenus associés sur une idée de Kim.

Ouais. Comment avez-vous connu Nirvana ?

Je me souviens qu'ils étaient allés voir Jack Endino, le mec qui a produit tous les albums de Sub Pop jusqu’en 1990, pour enregistrer quelques morceaux. Jack a filé la cassette à Jon Poneman, Jon me l’a passée, et j’ai fini par l’écouter avec Mark Arm, le frontman de Mudhoney. On n’a pas trouvé ça renversant, mais ouais, on a noté que le chanteur avait une bonne voix. Sur ce, Jon et moi avons organisé un concert avec Nirvana, le 10 avril 1988 si je me souviens bien.

(...) La suite ICI

Ci dessus quelques photos du bouquin, Bruce à Paris Gare de l'Est lors de la tournée de 1989, et plus haut Bruce en compagnie de Kurt chez un disquaire papotant musique avec un client...

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