Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

19/03/2011

Truly : un pas vers le post grunge...

Truly est un peu un cas à part... Arrivé avec une chouille de retard sur l'horaire du train pour pouvoir profiter un minimum des retombées nirvanesques, mais parti avec un temps d'avance sur tout le monde pour ce qui est de faire évoluer le style... Pas loin d'être totalement méconnu aujourd'hui, le son du groupe évolue cependant dans le très haut du tableau de ce qu'a pu fournir la scène de Seattle au monde du rock. Truly, c'est un peu la dream team du grunge : on tient là un ancien Soundgarden : Hiro Yamamoto à la basse. Un ancien Screaming Trees : Mark Pickerel à la batterie. Le tout dirigé par un ancien rien du tout qui toutefois avait été pressenti pour prendre la seconde guitare chez Nirvana du temps que sieur Cobain cherchait un quatrième larron pour étoffer son mur du son (en lieu et place de l'illustre "looser" Jason Everman qui s'y était collé, sans grand succès). Robert Roth, qu'il s'appelle, le gars. Robert Roth est ce qu'on peut appeler un songwriter de génie, le genre de gars qui te pond des morceaux extras sans avoir la moindre impression de se faire mal au cul. Le seul petit problème de Robert Roth, comme de ses deux comparses, c'est qu'il est trop gentil, trop "pas assez", trop "mec sans problème", trop monsieur tout le monde pour pouvoir prétendre à une certaine notoriété... Que voulez vous, aujourd'hui comme en 1990, il faut du scandale, de la drogue, des mecs qui montrent leur cul, des filles qui montrent leurs nichons, des chambres d'hôtels dévastées pour être pris un minimum au sérieux. Robert il est pas comme ça...

C'est en attendant la réponse des Nirvana que Robert Roth rencontre Mark Pickerel, tout juste sorti des Trees pour cause d'évitement de tournées à rallonge. Mark est un gars qui aime bien son petit chez soi. Allez taper ses futs à l'autre bout du monde, c'est pas son trip...

Van Conner (après la sortie de Uncle Anesthesia) : Mark voulait rester à la maison. On avait une offre d'une major, donc on a décidé d'enregistrer le disque. Puis Mark décida encore une fois qu'il ne voulait plus tourner. On voulait tous quitter le groupe à ce moment - mais il a été le seul assez courageux pour le faire.

Mark Pickerel : La demande autour des Screaming Trees a vraiment augmenté quand on a signé chez Sony. C'était désormais une grosse machine, avec du monde qui bossait pour nous. Et l'attente de ces gens n'était pas en adéquation avec la vision qu'on avait. J'étais moi même pas près à assurer le nombre de concerts à venir. J'ai rencontré ce gars, Robert Roth, depuis devenu un ami, qui avait écrit des morceaux, et qui m'a demandé si j'étais près à les développer avec lui dans l'idée de les sortir sur disque. J'ai entendu les morceaux, et je les ai trouvé très bons. Ils avaient les mêmes qualités que ceux des Screaming Trees.

Les deux amis enregistrent une première démo pour Sub Pop, et un premier Ep en septembre 1990 (qui ne sortira que vers la fin de l'année suivante). Un mois plus tard, ils ouvrent pour The Jesus Lizard, et font forte impression sur le public de Seattle. Le premier bassiste, Chris Quinn assure à ce moment la basse. Mais quitte bientôt le navire.

Robert Roth : Chris et moi on avait du mal à bosser ensemble - je suis plus un gars qui fonctionne à l'intuition, lui est plus studieux. Je voulais faire de Truly un Television (groupe new yorkais de la fin 70's très novateur à l'époque) du NorthWest. Chris insistait pour passer à la guitare, ce qui signifiait qu'on avait besoin d'un nouveau bassiste. Mark a donc appelé Hiro.

Hiro Yamamoto, ex bassiste fondateur de Soundgarden, est à l'époque dégouté de la musique. La rencontre des trois a lieu dans les bureaux de Sub Pop, et tous s'accordent immédiatement sur le fait que Truly est en train de créer un son plus sophistiqué que ce qui se faisait à Seattle à l'époque, que c'est excitant, mais aussi qu'ils veulent faire les choses par eux même, et jouer et tourner parce qu'ils en ont envie, pas seulement parce qu'il le faut. C'est une déclaration d'indépendance.

Hiro Yamamoto : J'ai été en dehors de la scène musicale pour un moment - je voulais juste ne plus jouer. J'étais fatigué de ça. Mark m'a appelé, en me disant "Je joue avec ce gars, et on cherche un bassiste". J'ai dis : "Bon ok, je vais y jeter un oeil". J'avais pas joué depuis deux ans. J'ai écouté, et j'ai trouvé ça vraiment cool. J'ai toujours adoré le jeu de Mark. Il semblait à ce moment là que reprendre la basse était la bonne chose à faire.

Robert Roth : Quand Jonathan Poneman a écouté notre travail, il a tout de suite décidé de nous signer et de sortir quelque chose. L'idée de Truly était d'être "post-grunge". Ca a été notre intention depuis le premier jour, d'emmener le débat ailleurs...

Une apparition sur la BO de Singles avortée, et un trop habituel retour sur parole de Sub Pop feront que le groupe ne sortira son premier album qu'en 1995, et sur Capitol Records. Ils ont déjà gagné la bataille auprès du public de Seattle, mais la sortie de Fast Stories... From Kid Coma, un album pour le moins extraordinaire, finit de clore le débat. L'album est d'une telle densité...

Robert Roth : Je me souviens Kurt (Cobain) avoir dit qu'il allait en parler à Gary Gersh (qui signera Truly sur Capitol peu de temps après). C'était vraiment excitant, parce que nous avions totale liberté à Capitol. On avait plus de liberté chez Capitol que chez Sub Pop, et avec ça le contrôle artistique. Ils nous ont dit : "Prenez l'enveloppe et faites ce que vous voulez avec. Ne vous préoccupez pas des singles, ne cherchez pas à faire des hits avant le troisième ou le quatrième album. On veut faire de vous un groupe à album comme Pink Floyd ou Led Zeppelin. Nous on était là : "Vous êtes sûr?" (...) J'ai vraiment le sentiment que Fast Stories... est un vrai album, dans le sens ou ce n'est pas seulement une collection de chansons mises ensemble. En bossant dessus, dans notre tête, c'est comme si on était en train de faire un film.

Hiro Yamamoto : Certains morceaux de Fast Stories m'ont mis sur le cul quand je les ai écouté. C'est pour ça que je fais de la musique - pour entendre ça. L'album suivant, Feeling You Up, est beaucoup plus pop. C'était notre envie. Je me souviens avoir dit à Robert : "N'essayons pas de rester dans le trip psychédélique. Arrêtons les morceaux de 6 ou 10 mn".

Robert Roth : Je pense qu'on a poussé la musique de Seattle beaucoup plus loin. J'ai su par certaines sources qu'on avait été une influence pour Radiohead.

Le groupe splitte en 1998, mais s'est reformé en 2008 pour une série de concerts. La preuve en image plus bas. Robert Roth sortira en 2004 un album solo encensé par la critique, tout en collaborant avec le poète punk Jim Carroll (mort en 2009. Le film Basketball Diaries, dont la BO reprend des morceaux de Soundgarden, Pearl Jam et The Posies, est basé sur son autobiographie) pour un Ep et quelques concerts sold out. Un titre de Fast Stories + un de Feeling You Up dans la playlist Grooveshark à droite... Truly fait parti de ces groupes qui se révèlent au bout d'écoutes répétées... Persevérez, vous ne le regretterez pas!!!!!!



: Avec le concours du bouquin qu'est en photo là...

2 commentaires:

  1. Ce site devrait vous intérésser : http://www.aliensonalcohol.com/artistesr/Robert%20Roth/rotharticle1.html

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  2. Oui effectivement, super site, et très bon article sur Truly...

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